Nouvelle série, n°11
2nd semestre 2024 |
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De la sociologie du journalisme à la psychologie des journalistes : pour une méta-analyse critique des études portant sur l’adaptation des journalistes
Samuel Lamoureux, Université TÉLUQ
Résumé
En nous inspirant d’une épistémologie historique de la psychologie, nous proposons dans cet article d’analyser la manière dont une nouvelle vague de recherches anglophones s’est approprié la psychologie cognitivo-comportementale pour aborder la santé mentale et le bien-être des journalistes. Par le biais d’une analyse de contenu thématique, nous examinons comment une série d’études journalistiques récentes cadrent le coping (l’adaptation) des journalistes. Plusieurs thèmes sont repérés, notamment : une conception transhistorique des causes de la souffrance, une vision anomique et individualisante du sujet souffrant, une micro-gestion des émotions positives et une insistance sur la sortie du métier. Les recherches inspirées par la psychologie cognitive-comportementale mettent ainsi en scène des journalistes isolés, condamnés à s’adapter continuellement (to cope) pour survivre.
Abstract
Drawing on a psychological historical epistemology, we propose in this article to analyze the way in which a new wave of English-language research has appropriated cognitive-behavioral psychology to address the mental health and well-being of journalists. Through a thematic content analysis, we examine how a series of recent journalistic studies frame journalists’ coping. Several themes are identified, including a transhistorical conception of the suffering causes, an anomic and individualizing vision of the suffering subject, a micromanagement of positive emotions and an emphasis on exiting the profession. Research inspired by cognitive-behavioral psychology thus features isolated journalists, condemned to continually adapt (to cope) to survive.
DOI : 10.31188/CaJsm.2(11).2024.R167
C
et article s’inscrit dans le cadre une méta-analyse critique de l’évolution du champ de recherche en journalisme1. Des années 1980 jusqu’au début des années 2000, les études journalistiques étaient étroitement associées à la sociologie du journalisme, notamment aux travaux de grands penseurs tels Bourdieu, Goffman ou Latour. À cette époque, les recherches ambitionnaient de comprendre la nature du travail réalisé dans les salles de rédaction et d’éclairer des enjeux centraux comme la relation des journalistes aux sources dominantes ou la montée du numérique (Neveu, 2013). Sous l’influence de Bourdieu, certaines analysaient par exemple l’influence des champs économique ou politique sur le champ journalistique (Benson, 2006 ; Duval, 2000). D’autres, dans le sillon de Latour, enquêtaient sur les assemblages sociotechniques qui co-constituaient les salles de rédaction (Wiard, 2019 ; Schmidt, 2022). « Comprendre le travail des journalistes, c’est d’abord le regarder en train de se faire, dans les salles et conférences de rédaction, les entretiens, la chasse aux images, le tri des dépêches et des communiqués », résume Érik Neveu au début de son livre Sociologie du journalisme (2013 : 6).
Or, depuis la décennie 2010, la montée de nouveaux enjeux tels la santé mentale, le harcèlement ou les risques psychosociaux ont motivé plusieurs chercheurs et chercheuses à se tourner vers la psychologie et la souffrance au travail pour penser l’évolution de la profession (Lamoureux, 2023 ; Belair-Gagnon, 2022 ; Kotisava, 2019 ; Reinardy, 2011). De multiples projets de recherche récents2 s’inscrivent dans cette tendance. En 2023, des chercheurs et chercheuses de premier plan en études journalistiques publiaient, dans la collection « Behavioral Sciences » de Routledge, un livre intitulé Happiness in journalism (Belair-Gagnon, Holton et al., 2023). En 2022, des chercheurs canadiens lançaient le blogue Well-Being in News » (« Le bien-être dans la salle des nouvelles »). Un an auparavant, l’International Journalists’ Network faisait de même en proposant une boîte à outils sous le thème « Mental Health and Journalism ».
Les rencontres professionnelles destinées aux journalistes ne sont pas en reste. Lors de son congrès de 2023, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec a organisé une formation invitant les participants à « prendre soin de soi » et offrant « des conseils pour maintenir une bonne santé mentale et émotionnelle » (FPJQ, 2023). En France, la Conférence des écoles de journalisme a abordé les « nouveaux enjeux de santé mentale », dont le stress et le trauma (CEJ, 2023).
Les recherches sur la psychologie des journalistes et la souffrance au travail sont toutefois des terrains de luttes où s’affrontent des approches psychodynamiques, individuelles, vitalistes et cognitivo-comportementales. D’un côté, plusieurs travaux ont démontré que la souffrance dans les salles de rédaction poss
ède une dimension sociale et collective : pensons notamment à la précarisation du métier, à la convergence dans les entreprises de presse, ou encore à la montée de la gouvernance algorithmique qui introduit de la concurrence entre les reporters (Lamoureux, 2021 ; Charon et Pigeolat, 2021 ; Cohen, 2019 ; Gollmitzer, 2024). Dans cette tradition d’inspiration psychodynamique (Dejours, 2015), les causes de la souffrance sont reliées « à l’organisation du travail, et notamment au décalage travail prescrit/travail réel, non pris en compte par les directions d’entreprise » (Marichalar et Martin, 2011 : 35).
D’un autre côté, plusieurs chercheurs et chercheuses en journalisme, surtout dans le monde anglo-saxon où la théorie cognitive-comportementale (TCC) est historiquement plus influente3 (Rabeyron, 2019), ont fait émerger une conception individualiste de la souffrance axée sur le concept d’adaptation (coping) (Deuze 2023 ; Ragsdale et Newman, 2023 ; Monteiro, Marques Pinto et al. 2016). Comme le dit Renault (2021), la vision sociale de la souffrance au travail est souvent critiquée parce qu’elle serait trop vague, mais aussi parce qu’elle mettrait de l’avant des objectifs épistémologiques contradictoires (descriptifs, explicatifs, critiques). Les chercheurs et chercheuses s’inspirant de la TCC lui préfèrent des concepts plus « mesurables » comme celui de stress, de choc post-traumatique ou encore de coping, que nous examinerons plus particulièrement dans cet article (Renault, 2021). Notre objectif est de cartographier cette nouvelle tendance ayant émergé dans le champ de recherche depuis quelques années (voir la Figure 1), et ce dans le but de la critiquer de manière généalogique – une critique à notre sens inédite.
Deux questions de recherche sont ainsi au centre de cet article : comment cartographier l’approche individualisée de la souffrance au travail ayant émergé dans les cinq dernières années dans les recherches en journalisme ? Quels sont les biais idéologiques se dégageant de l’analyse discursive et thématique de ces travaux ? L’hypothèse guidant notre réflexion est la suivante : le recours à la TCC encourage ce que la philosophe Barbara Stiegler (2019) nomme un biais adaptatif4. Dépourvue de concepts critiques dans lesquels ancrer l’analyse du travail des journalistes comme un processus (voire un réseau ou un champ), une partie de la recherche en est venue à insister sur la manière dont les journalistes s’adaptent individuellement face aux mutations du monde du travail.
Dans la première partie de ce texte, nous montrerons d’abord la nécessité de pratiquer une épistémologie critique – et historique – de la psychologie au sein de la sociologie du journalisme et des sciences de l’information. En mobilisant une analyse de contenu thématique, nous analyserons ensuite les biais que peut induire la TCC et spécialement la notion d’adaptation (coping) sur les études journalistiques, notamment : une conception transhistorique des causes de la souffrance, une vision anomique et individualisante du sujet souffrant, une micro-gestion des émotions positives, une insistance sur la sortie du métier. Notre discussion conclusive présentera quelques approches alternatives, situées à la frontière de la sociologie clinique et de la philosophie de la médecine.
Pour une épistémologie historique de la psychologie
Le triomphe du paradigme adaptatif
Du point de vue conceptuel, notre étude puise dans la sociologie critique de la psychologie5 (Illouz, 2006 ; Dejours 2015) ainsi que dans l’épistémologie historique de la psychiatrie et de son rapport aux sciences de l’information (Canguilhem, 1958 ; Foucault, 2015).
Dès la fin des années 1950, l’épistémologue Georges Canguilhem se questionnait déjà sur l’essence de la psychologie et sur sa séparation d’avec la biologie (Braunstein, 1999). Le philosophe reprochait aux nouveaux psychologues de ne pas connaître l’essence de leur discipline : « Où veulent en venir […] les psychologues en faisant ce qu’ils font ? Au nom de quoi se sont-ils institués psychologues ? » (Canguilhem, 1958). Après une longue généalogie de la discipline, il conclut que la principale caractéristique de la psychologie est sa conception de l’être humain comme outil dont la vocation est « d’être mis à sa place, à sa tâche » (Canguilhem, 1958).
La psychologie a toutefois connu plusieurs écoles et disputes historiques au 20e siècle, dont quelques « PsyWars » entourant les approches psychanalytiques, humanistes et cognitives (Rabeyron, 2019). Dans l’Europe d’après-guerre, plusieurs pays ont connu une vague « antipsychiatrique » ou « désaliéniste » dont les méthodes alternatives et humanistes ont tiré parti (Venet, 2023). Comme l’explique Mathieu Bellahsen (2014), au tournant des années 1960, les défenseurs d’une psychiatrie sociale, de la psychiatrie psychanalytique freudienne et des approches institutionnelles ont rejeté en bloc l’hospitalocentrisme et l’individualisme méthodologique. Ces approches n’isolaient pas la psychiatrie ; bien au contraire : elles la confrontaient « aux phénomènes d’ordre politique, économique et social qui interfèrent dans la vie psychique » (Demay, 1982, cité par Bellahsen, 2014 : 47).
Mais à partir de la fin des années 1970 et davantage encore dans les années 1980, la psychanalyse devient la cible de critiques en raison de ses thérapies dépourvues de limites et de ses théories trop abstraites pour les tenants d’une objectivité fondée principalement sur les essais randomisés (Sadowsky, 2022). Au même moment, des politiques publiques orientées par les réformes de la nouvelle gestion publique (New Public Management) rationalisent le parcours du patient, et ce « au détriment de l’expérience des acteurs » (Bellahsen, 2014 : 47-48). L’influence des approches institutionnelles décline alors graduellement au profit de la TCC et de la neuropsychiatrie, d’abord aux États-Unis et en Angleterre, ce qui provoquera une mutation fondamentale du champ de la psychologie6.
Presque qu’au même moment, le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (mieux connu sous le sigle DSM) fait son apparition et change profondément la culture psychiatrique occidentale. Conçu au départ comme un outil souple à l’usage des théoriciens et des praticiens, sa 3e édition, publiée en 1980, est fortement marquée par les approches comportementalistes et cognitives (Lane, 2009). Strictement centré sur les symptômes, le DSM s’est alors donné pour objectif de modifier les comportements, et ce, sans tenir compte du contexte social :
Le Diagnostic and Statistical Manual (DSM) […] tend, dans sa dernière version, à psychiatriser l’ensemble des conduites humaines. Quant aux thérapies cognitivo-comportementales […], elles ont déferlé sur l’Europe en cohérence avec un programme politique inspiré par l’« économie du bonheur » et l’économie tout court. Protocolisées, centrées sur le symptôme, elles visent à modifier des comportements (notamment les troubles obsessionnels compulsifs) ou des apprentissages inadaptés (Venet, 2023 : 3).
La TCC met ainsi l’accent sur les réformes individuelles et comportementales du sujet souffrant (Ehrenreich, 2009)7. Le concept de coping (souvent traduit en français par « adaptation pour faire face à » ou « résilience » [Pieiller, 2021]) est ici central. Lazarus et Folkman (1984) le définissent comme l’« ensemble des efforts cognitifs et comportementaux destinés à maîtriser, réduire ou tolérer les exigences internes ou externes qui menacent ou dépassent les ressources d’un individu ». Psychologues cognitivistes, ces derniers ont en effet privilégié une analyse transactionnelle du coping selon laquelle le sujet souffrant doit constamment s’adapter aux signaux de son environnement. Il s’agit dès lors de savoir comment un individu fait face à des situations éprouvantes ou stressantes, comment elle les évaluera et comment elle s’y adaptera (to cope) individuellement.
Le concept de coping est particulièrement conforme – comme nous le verrons – aux recherches proposant des boîtes à outils (toolkits) adaptées aux besoins des entreprises. Ce concept convient par ailleurs parfaitement à ce que le philosophe Byung-Chul Han (2022) décrit comme une « société active dominée par la capacité » (p. 13), notamment celle de s’auto-optimiser constamment pour répondre aux incertitudes du marché du travail. Travailleuses et travailleurs doivent ainsi devenir plus « résilients » et traverser individuellement les périodes difficiles, par exemple en méditant ou en se déconnectant. Comme la psychodynamique du travail l’a bien démontré, il s’agit de « déplacer sur les épaules des salariés les fardeaux de l’incertitude liée au fonctionnement du marché » (Illouz et Cabanas, 2018 : 21). Si plusieurs travaux se sont intéressés à ce sujet de manière théorique (Dejours, 2015 ; Gaulejac, 2010), il reste qu’aucune étude empirique ne s’est attardée à opérationnaliser l’influence de la TCC et du concept de coping sur les études journalistiques.
Notes méthodologiques
Dans la partie suivante, nous procéderons à une analyse thématique critique de l’influence de la TCC sur les études journalistiques. Selon Paillé et Mucchielli, « [l]’analyse thématique consiste […] à procéder systématiquement au repérage, au regroupement et, subsidiairement, à l’examen discursif des thèmes abordés dans un corpus » (2016 : 267). Sur le plan de la sélection, nous nous sommes intéressés à la manière dont les études réunies au sein de notre corpus emploient le concept de coping afin de penser l’évolution du travail dans les salles de rédaction. Ce mot clé a été choisi, car il est apparu au cours de nos lectures préalables comme l’un des moyens les plus efficaces d’opérationnaliser l’influence de la TCC sur les études en journalisme.
Nous avons d’abord effectué une récolte d’écrits scientifiques à l’aide des mots clés : coping, newsroom et journalist. L’anglais a été priorisé, d’une part, parce que le concept de coping se traduit difficilement en français de manière unitaire et, d’autre part, parce que les écrits anglophones s’y intéressent depuis plus longtemps et avec un corpus plus volumineux. Dans la francophonie, l’école psychodynamique est d’ailleurs encore influente, ce qui limite la portée théorique de la TCC.
Près de 108 articles scientifiques, livres ou rapports de recherche ont d’abord été repérés8 dans le service de recherche Google Scholar. Comme le révèle la Figure 1, ce sujet de recherche a surtout explosé après 2016 et particulièrement à la suite de la pandémie de COVID‑19. Auparavant, dans le domaine du journalisme, les recherches de nature psychologique s’intéressaient davantage au trauma ou au trouble de stress post-traumatique des reporters ayant couvert des situations violentes (Browne, Evangeli et al., 2012 ; Maxson, 2000).
Figure 1. Articles scientifiques portant sur les journalistes et utilisant le concept de coping publiés entre 2000 et 2023 (Source : Google Scholar)
Un travail de démarcation a ensuite été réalisé. Notre étude se fondait sur des critères de récence, de clarté et de représentativité. Nous avons isolé les textes qui utilisaient le coping et la TCC comme cadre théorique complet, et non pas les études qui en faisaient uniquement mention dans l’introduction, la discussion ou dans la conclusion. Les études sur le harcèlement des journalistes (surtout des femmes journalistes) ont par exemple été exclues du corpus pour cette raison ; bien que traitant souvent du coping dans la discussion, le cadre théorique de ces articles portait beaucoup plus sur les concepts de harcèlement et de sexisme que sur celui d’adaptation dans la tradition cognitive.
Pour satisfaire ces critères, nous avons donc exclu les articles ayant été publiés avant 2010 (seulement 15 articles publiés avant cette date portaient sur le sujet visé), tout comme ceux portant exclusivement sur le trauma des journalistes. Il nous a semblé que ces écrits excédaient notre propos. Les travaux abordant la COVID-19 ont cependant été inclus, surtout en raison de leur cadrage théorique. Ensuite, toujours fidèles à nos critères, nous avons mis l’accent sur les articles publiés depuis la première vague de 2016, et surtout sur ceux ayant été publiés dans des revues de journalisme. À la manière d’Omidi, Da Zotto et leurs collègues (2022), nous avons ainsi repéré quinze articles scientifiques correspondant à nos critères sur le thème du coping des journalistes, deux livres importants publiés sur le sujet et deux rapports de recherche (voir leur liste en fin d’article).
Grâce à une analyse de contenu de nature thématique (et non systématique9 [Clarke et Braun, 2017]), nous avons pu déterminer que l’influence de la TCC sur les études journalistiques se manifestait principalement de quatre façons, abordées dans les quatre sections de la partie suivante. Notre méthode peut être qualifiée d’itérative ou de mixte, dans la mesure où nous avons d’abord parcouru l’entièreté du corpus ligne à ligne afin d’y repérer des thèmes, puis que nous avons par la suite effectué des allers-retours entre les articles et les écrits issus de la recherche en sociologie du journalisme afin d’y déceler certaines différences (Bonneville, Grosjean et al., 2007 :194). La majorité des thèmes ont toutefois émergé en cours de la lecture ; ce fut le cas notamment des déséquilibres transhistoriques ou de la sortie du métier. Nous avons cessé de récolter des textes lorsqu’un point de saturation a été atteint.
Précisons enfin que notre méthode ne se voulait pas exclusivement descriptive. En effet, il ne s’agissait pas simplement de cerner et de décrire des récurrences, mais aussi de repérer des biais idéologiques. Une analyse de contenu thématique couplée à certains éléments d’analyse critique du discours (notamment l’accent mis sur l’idéologie) convient davantage à nos intentions, mais aussi au volume réduit de notre corpus (Blommaert et Bulcaen, 2000).
Analyse
Au sujet des causes de la souffrance : des déséquilibres de nature transhistoriques
Les textes composant notre corpus offrent souvent des descriptions très précises et très denses des symptômes de souffrance vécus par les journalistes, notamment les périodes de stress et d’intensification du travail, qui peuvent conduire à la dépression ou à l’épuisement. Mais ces études sont extrêmement prudentes, voire vagues, quand vient le temps d’aborder les causes des phénomènes analysés10. Certains chercheurs et chercheuses se contentent d’avancer que le journalisme fait partie des métiers les plus stressants du marché du travail (Simunjak et Menke, 2022). En outre, ces considérations sont souvent transhistoriques ; par exemple, de tout temps, la vitesse de publication et la pression à repérer des nouvelles chaque jour auraient poussé les reporters à travailler de longues heures et à subir des horaires instables. De même, Monteiro, Marques Pinto et al. (2016 : 1) soutiennent que le journalisme est en soi une profession stressante (au même titre que celle d’ambulancier) car les reporters s’y concurrencent entre eux pour être les premiers à débusquer des sujets pouvant, par ailleurs, se montrer difficiles à couvrir : la concurrence serait ainsi « intrinsèque » à la profession. Lorsqu’ils couvrent ces sujets sensibles, les journalistes seraient aussi plus susceptibles d’être harcelés par des lectrices et des lecteurs radicalisés (Ivask, Waschková Císařová et al., 2023 ; Post et Kepplinger, 2019).
Plus particulièrement, les énoncés introductifs suivants, tirés de trois revues des écrits, ont capté notre attention parce qu’ils illustrent les constats transhistoriques présents dans notre corpus : « La course contre la montre et la concurrence entre les journalistes eux-mêmes sont des conditions intrinsèques de cette profession11. » (Monteiro, Marques Pinto et al., 2016 : 1) ; « Le métier de journaliste est une activité stressante. Les journalistes sont régulièrement confrontés à la pression du temps, à la concurrence et aux tensions sur le lieu de travail12. » (Tandoc Jr., Cheng et al., 2022 : 1744) ; enfin, « Les journalistes font partie de ces travailleurs pour lesquels le travail est toujours susceptible de se dérouler en dehors des heures de travail normales13. » (Šimunjak, 2022 : 5). Il ressort essentiellement de ces énoncés que le journalisme est un travail difficile pour la simple et bonne raison qu’il en a toujours été ainsi.
Une étude se penchant sur la manière dont les journalistes font face au stress tout en demeurant créatifs et que ses auteurs qualifient de « phénoménologique » pousse d’ailleurs à l’extrême ce processus d’essentialisation des conditions difficiles, spécialement en ce qui a trait à l’absence de protection sociale comme caractéristique de la profession (Arcalas, Tuazon et al., 2022). On y lit par ailleurs que cette dernière figurerait :
[P]armi les dix emplois les plus stressants en raison des diverses interactions et situations complexes auxquelles les journalistes sont confrontés : délais, environnements de travail chargés, horaires serrés, nombreux déplacements, respect des exigences des rédacteurs en chef et peur d’être tués ou licenciés14 (p. 3).
Lorsqu’ils abordent les causes de la souffrance que vivraient les journalistes, plusieurs recherches mettent le doigt sur une forme de déséquilibre ou encore de décalage. C’est par exemple le cas du déséquilibre qui se manifesterait entre les fonctions commerciales du journalisme (vendre des journaux, accumuler des clics) et ses fonctions sociales (se présenter comme les chiens de garde du pouvoir). Le thème de la tension entre les fonctions commerciales et sociales du journalisme revient ainsi à plus de vingt reprises dans l’ouvrage The Journalist’s Predicament de Powers et Vera-Zambrano (2023) ; pour eux, cette cause spécifique – dont, par ailleurs, ils ne situent pas l’origine – conduirait les journalistes à souffrir.
Si le déséquilibre entre les fonctions sociales et commerciales du journalisme est évoqué fréquemment, d’autres formes de déséquilibre sont également abordées, que l’on parle du déséquilibre entre l’effort et les récompenses, présent surtout chez les pigistes payés à forfait (Norbäck et Styhre, 2019 : 3), ou celui qui marquerait la relation entre travail et vie familiale (Wilkes, Carey et al., 2020 : 16). Ainsi, en moyenne, les journalistes travailleraient énormément, et ce, pour un salaire très bas ; puisqu’ils travailleraient continuellement, ils auraient peu de temps à consacrer à leur famille, ce qui serait source de découragement. Par ailleurs, les femmes seraient plus susceptibles de vivre ce décalage, car elles prioriseraient davantage leur famille que les hommes (Hoak, 2023)15.
Comme nous le verrons dans la prochaine section, il convient de faire face à ces déséquilibres non pas de manière collective, mais individuelle : c’est bien que sous-entend l’importance conférée au concept de coping.
Le coping : une vision anomique et individualisante du sujet souffrant16
Lorsqu’ils abordent la nature du coping, les recherches que nous avons consultées distinguent des stratégies de coping internes et d’autres, plus externes et sociales (Ivask, Waschková Císařová et al., 2023 ; Iesue, Hughes et al., 2021). Les premières, qui relèvent par exemple de la personnalité ou des compétences sociales (social skills) des individus, seraient pour la plupart innées : un individu extraverti pourrait être plus prédisposé à chercher de l’aide dans les moments difficiles et, par conséquent, à mieux s’en sortir (Monteiro, Marques Pinto et al., 2016 : 3). À l’inverse, un autre qui se montrera plus introverti pourrait être davantage à risque en cas de crise, car plus centré sur lui-même. Certaines personnes œuvrant dans les médias peuvent naturellement « avoir la peau dure » (to be thick-skinned) et d’autres non (Ivask, Waschková Císařová et al., 2023 : 5). Invoquer des stratégies de coping internes fait donc porter le débat sur la personnalité des travailleuses et des travailleurs, un problème qu’avait déjà repéré Dejours à propos des recherches sur la souffrance au travail : « [I]l n’y a plus que des problèmes de personnes, voire de personnalités » (2015 : 149).
D’autres stratégies de coping sont toutefois de nature externe, elles doivent être apprises et entraînées. C’est le cas de la création de réseaux d’entraide ou encore de l’adoption de bonnes habitudes de vie, par exemple pratiquer un sport ou des activités récréatives (Hughes, Iesue et al., 2021 : 2). Certaines études décrivent également des stratégies d’évitement ou de déconnexion pouvant être mises en place par les journalistes (Pearson, McMahon et al., 2021). Pour se protéger de l’assaut permanent des alertes, ces derniers peuvent par exemple supprimer temporairement des applications ou se créer plusieurs comptes dans les plateformes socionumériques (Simunjak, 2022). Il leur est aussi possible d’anticiper la surcharge en travaillant de manière préemptive sur certains dossiers, mettant ainsi à profit des techniques préétablies (preset techniques ; Arcalas, Tuazon et al., 2022 : 13). Toutefois, certaines stratégies externes peuvent se montrer nocives, comme le fait de consommer de l’alcool ou des drogues pour « s’engourdir » (to numb out) (Pearson et Seglins, 2022 : 36-37 ; Urbániková & Haniková, 2022).
Ces stratégies varient de journaliste en journaliste, car elles sont négociées individuellement, phénomène que Powers et Vera-Zambrano (2023) étudient sous le concept de « modes d’ajustement » (modes of adjustment) : pour faire face à la crise des médias, les journalistes cherchent à s’ajuster en trouvant d’autres façons de se valoriser ou de se protéger du marché. Mais ces ajustements sont avant tout personnels (et personnalisés) :
[L]a situation difficile vécue par les journalistes peut être caractérisée comme une lutte pour atteindre un équilibre personnellement acceptable entre les récompenses matérielles et symboliques attendues de ou procurées par la profession17 (p. 2).
Les journalistes sont ici présentés comme des sujets rationnels qui tentent de déterminer individuellement les récompenses symboliques et matérielles auxquelles ils auraient droit18. Dès qu’un ajustement requiert trop d’efforts en regard des résultats obtenus, ils et elles adoptent un autre mode d’ajustement ou quittent la profession.
L’entraînement (coaching) est couramment mentionné dans notre corpus (Ogunyemi et Akanuwe, 2021). En effet, certaines stratégies de coping, comme le contrôle des émotions, requièrent un entraînement, un support organisationnel (Simunjak et Menke, 2022), voire une sorte de littératie émotionnelle (Wilkes, Carey et al., 2020 : 51). Comme l’affirment Hughes, Iesue et leurs collègues : « Les réponses des participants révèlent le besoin d’un meilleur accès aux ressources telles qu’un entraînement à la prévention des traumatismes et aux débriefings [ou] un soutien psychologique professionnel […]19 » (2021 : 17) ; par exemple, des séances d’apprentissage de stratégies de résilience peuvent être organisées par des experts et, surtout, par des gestionnaires :
Le soutien des gestionnaires se proposant de résoudre la détresse du personnel apparaît comme une variable critique dans la promotion de la satisfaction au travail et la réduction du roulement du personnel journalistique20 (Ragsdale et Newman, 2023).
Ce dernier élément est particulièrement présent dans le rapport canadien Prenez-soin de vous ; Pearson et Seglins (2022) y soutiennent que l’un des problèmes centraux du journalisme au Canada est l’absence de formation sur les traumatismes dans les écoles de journalisme : 90 % des journalistes rencontrés dans le cadre de la préparation de ce document n’auraient pas reçu une telle formation, ce qui les rendrait vulnérables. De fait, une seule institution universitaire proposerait une formation de ce type ; et « il s’agit d’un cours dirigé par Matthew Pearson, coauteur de Prenez soin de vous, qui sera lancé en 2023 » (p. 28). La recherche doit ainsi être financée (et publicisée) pour créer des programmes de formation pour les journalistes souffrants. Comme l’écrivent Monteiro et al. (2016 : 2) : « Il est nécessaire de mieux connaître les variables du stress professionnel des journalistes afin d’élaborer [de tels plans] et des services de soutien pour ces professionnels21. » (Monteiro, Marques Pinto et al., 2016 : 2).
Une micro-gestion des émotions positives
Comme nous l’avons précisé plus haut, pour la TCC, le sujet souffrant est victime d’erreurs provenant de ses propres schémas logiques et comportementaux, dont au premier chef le biais de pessimisme (Sadowsky, 2022). Dans l’Inventaire de dépression de Beck, connu depuis les années 1960 sous le sigle IDB, la personne dépressive se sent toujours triste et envisage l’avenir sans espoir. Sur la base de ce courant, tout un pan de la psychologie cognitive s’intéressera au bonheur comme moyen de se réaliser et de réussir sa vie, ce bonheur désignant « un genre de personne : individualiste, fidèle à elle-même, résilient, faisant preuve d’initiative, optimiste, etc. » (Illouz et Cabanas, 2018 : 10).
Dans leur livre Happiness in journalism, Belair-Gagnon, Holton et leurs collègues (2023) déclarent d’emblée que la compréhension de ce qui rend les journalistes heureux est le meilleur moyen d’améliorer leur qualité de vie, notamment en permettant d’établir des indicateurs (benchmarks) qui serviront à cartographier les efforts fournis par les organisations. Selon eux, le bonheur au travail dépend de deux paramètres, aimer ce que l’on fait et y trouver un sens (p. 2). Mais surtout : l’expérience du bonheur est individuelle et elle peut varier selon les perceptions ainsi que les croyances de chacun. Ainsi, selon les mêmes auteurs, « les individus ont la possibilité de se recâbler le cerveau afin de connaître et de comprendre le bien-être22 » (p. 2) ; en d’autres termes, il est possible pour la ou le journaliste de modifier sa perception individuelle afin de cesser d’être malheureux.
La méditation de pleine conscience (mindfulness meditation) fait partie des stratégies suggérées pour s’ajuster et, surtout, pour atteindre le bonheur. Adaptée d’une version occidentalisée du bouddhisme (Reveley, 2016), elle vise essentiellement à se reconnecter avec le moment présent ou encore avec le déroulement direct de notre expérience du monde (Pearson, McMahon et al., 2021 : 3). Selon ses promoteurs, elle permettrait aux journalistes de devenir plus résilients face aux épreuves du quotidien, de même que de continuer à travailler malgré les épreuves et les bouleversements de carrière (career disruptions) :
La méditation de pleine conscience […] peut contribuer à renforcer la résilience des personnes susceptibles d’être exposées à un traumatisme et les aider ainsi à éviter ses effets potentiels sur leur santé mentale. Elle peut également contribuer à minimiser le stress et l’épuisement professionnel [des journalistes] et à renforcer leur bien-être, ce qui est vital dans un contexte où ils subissent des bouleversements de carrière sans précédent23 (p. 1657).
Pearson, McMahon et leurs collègues suggèrent ainsi aux journalistes l’accueil sans jugement des pensées négatives émergeant au quotidien et la gestion des émotions par le biais d’une pratique méditative réalisée un peu avant le travail. Ces auteurs vont jusqu’à affirmer que
[d]es résultats ont été obtenus à la suite de la tenue […] d’un atelier d’une journée, suivi d’une méditation quotidienne à domicile pendant huit semaines, de séances de méditation de cinq minutes avant chaque quart de travail pour une durée de trente jours, et ce même par le biais de modules offerts en ligne au lieu d’une formation en personne24 (p. 1657).
Cela peut aussi passer par l’apport de massages ou d’animaux thérapeutiques : « Certaines salles de rédaction, en particulier lors de cycles de reportage difficiles et prolongés, ont fait appel à des massothérapeutes, à des animaux de soutien émotionnel et à des psychologues25 » (Ragsdale et Newman, 2023). Un mot clé est même apparu afin de populariser la pleine conscience dans la profession : « mindful journalism », le « journalisme conscient » (Pearson, 2014).
Selon un passage (difficilement traduisible) de Belair-Gagnon, Holton et leurs collègues (2023), un spectre hanterait les journalistes qui refuseraient de s’adapter, soit être malheureux : « Des signaux d’urgence indiquent un malaise dans la profession journalistique26 » (p. 3). Mais le mal-être au travail, s’il est certes d’abord vécu par les individus, est surtout problématique du fait qu’en compliquant la rétention de la main-d’œuvre, il affecte le rendement des entreprises : « Les conditions de travail dans le journalisme ont des implications pour les journalistes individuels et pour les entreprises de presse qui cherchent à recruter et à retenir des talents et à renforcer leur couverture de l’actualité27 » (p. 1). Enfin, des journalistes malades peuvent aussi faire augmenter la prime d’assurance des entreprises, ce qui nuit à l’adaptabilité des salles de presse (Ragsdale et Newman, 2023) ; dans Happycratie, Illouz et Cabanas (2018) ont analysé avec précision cette relation entre « science du bonheur », économie des coûts et productivité.
Une insistance sur la sortie du métier
Le journalisme étant présenté comme un métier par essence stressant et sans possibilité de changer dans un avenir rapproché, les chercheurs mettent parfois l’accent sur une solution ultime pour les professionnels qui souffrent et sont incapables de s’adapter28 : la sortie du métier. Les enquêtes sur ce phénomène et sur les journalistes ayant quitté la profession se constituent en véritable thème propre aux recherches sur le coping (Rick, 2023 ; Reinardy, Zion et al., 2021). Trois questions intéressent ceux qui conduisent des travaux sur ce thème : Quel est l’événement déclencheur (trigger event) ayant causé la sortie du métier ? Où vont les journalistes qui quittent la profession ? Comment s’ajustent-ils à la nécessité de trouver un autre emploi ?
Les journalistes qui quittent la profession sont d’abord frappés par une forme de désillusion : la profession qui les faisait rêver les a finalement déçus. Mais c’est surtout un événement déclencheur (trigger event) qui les force à quitter le métier temporairement ou définitivement. Parmi ces éléments, Powers et Vera-Zambrano (2023) décrivent notamment des situations de transformations personnelles, comme la naissance d’un enfant, qui empêchent le ou la journaliste d’accepter de travailler comme avant ; ces situations l’obligent à tracer ses limites (Rick, 2023). Ceux-ci soulignent aussi des situations plus humiliantes, par exemple le fait qu’une femme soit retirée de l’écran ou mise en retrait ; beaucoup souhaitent alors s’éloigner de la profession.
Reinardy, Zion et al. (2021) se sont justement intéressés à la manière dont les journalistes naviguent dans les eaux parfois troubles du changement de carrière. Leurs travaux montrent que, lorsqu’ils sont mis à pied, les journalistes sont souvent « dévastés, déprimés, déçus, navrés, stressés, tristes29 » (p. 7), des sentiments qui les amènent à souffrir d’anxiété ou de dépression. Selon ces auteurs, des stratégies de coping peuvent être utilisées pour s’en sortir : trouver de l’aide dans leur réseau ou leur famille, tenter de trouver un autre emploi, souvent dans un domaine vu comme un « métier-passion » proche du journalisme, comme l’enseignement, ou encore dans la communication, le marketing ou les relations publiques.
Finalement, quitter le métier se montrera souvent profitable pour les journalistes qui peuvent déployer leurs talents dans d’autres industries : « Pour un certain nombre [d’anciens] travailleurs de presse […], une fois la charge émotionnelle forte et négative estompée, ils retrouvent une vie beaucoup plus gratifiante sur le plan personnel que leur vie de journaliste30 » (Reinardy, Zion et al., 2021 : 12). Ce constat pourrait lui aussi motiver la poursuite et le financement de projets de recherche :
Certains éléments de cette étude indiquent que la réduction du stress après avoir quitté les journaux a conduit à une amélioration de la santé et des relations personnelles. Là encore, il s’agit d’un sujet qui pourrait faire l’objet de futures recherches31 (p. 12).
Discussion conclusive : assistons-nous à une mutation épistémologiquedes études journalistiques ?
Dans cet article, nous avons voulu cartographier et critiquer l’introduction d’un nouveau corpus d’études insistant sur une approche individualisée de la souffrance et de la santé mentale dans les études journalistiques. Et si l’introduction d’un concept comme celui de coping pouvait modifier qualitativement et durablement le champ de recherche ?
Nous avons amorcé cette analyse en insistant sur la nécessité de pratiquer une épistémologie historique de la psychologie. Si la psychanalyse et la thérapie institutionnelle ont longtemps dominé le champ psychiatrique en Occident, la TCC a pris le relais depuis les années 1980 (surtout dans le monde anglo-saxon), popularisant les approches biologisantes et cognitives de la psychologie, elles-mêmes soutenues par une idéologie relayant l’adaptation constante d’individus conçus comme des entrepreneurs d’eux-mêmes (Stiegler, 2019 ; Foucault, 2004).
Comment cette évolution se manifeste-t-elle dans le corpus que nous avons repéré ? Comme nous l’avons montré, les travaux sur le coping des journalistes se concentrent très majoritairement sur une description empirique des symptômes du sujet souffrant. Lorsqu’ils abordent les causes, ils se contentent de déclarations transhistoriques (le journalisme est stressant, car il l’a toujours été) qui semblent faire reculer le champ de recherche à une époque où il était dominé par des formes de déterminisme, autant techniques qu’historiques (Hardt, 1990).
De plus, en se concentrant sur les stratégies de coping, ce que certains nomment des « modes d’ajustement » (Powers et Vera-Zambrano, 2023), les recherches véhiculent essentiellement une vision anomique et invidualisante du sujet souffrant. Face à son mal-être, la seule chose que peut faire l’individu est de développer ses propres stratégies d’ajustement : se déconnecter, gérer ses émotions, mettre l’accent sur ses émotions positives. On assiste ainsi à l’omniprésence du bonheur, nouveau mot clé des recherches sur les conditions de travail. Les employés heureux sont plus productifs, car ils résistent mieux au changement. Malheureusement, les travailleurs moins résilients doivent choisir la dernière option, soit la sortie du métier.
Deux angles morts émergent de cette analyse : le collectif de travail et l’organisation par le bas. Pour les tenants de la psychodynamique du travail et de plusieurs autres approches alternatives situées au croisement de la philosophie de la médecine et de la sociologie clinique, le collectif de travail serait garant de la santé des travailleuses et des travailleurs ; pour citer l’auteur de Travail et pouvoir d’agir :
Le travail collectif a besoin d’un collectif de travail dont l’histoire traverse chacun et dont chacun puisse se sentir coupable : quelque chose d’autre qui mérite d’être défendu afin que la vie au travail, tous les jours, reste défendable pour chacun (Clot, 2017 : 69).
Dans le champ des études en journalisme, on pense également aux quelques travaux portant sur la syndicalisation des journalistes précaires et des pigistes (Gollmitzer, 2023 ; Cohen et De Peuter, 2020 ; Salamon, 2022 ; voir aussi Pereira, 2023).
À la différence de ces analyses sociales et holistes, les recherches inspirées par la TCC mettent en scène des journalistes isolés les uns des autres, condamnés à se micro-ajuster eux-mêmes pour survivre. De plus, en insistant sur l’importance du coaching, la TCC tend à changer le rôle des chercheurs vers celui de guides ou d’accompagnateurs, ce qui n’est pas sans rappeler une vision néolibérale et lippmannienne de la démocratie32 : exit les considérations critiques sur l’organisation du travail des entreprises de presse ; chercheurs et chercheuses doivent plutôt enseigner aux journalistes les meilleures stratégies pour s’adapter à la précarité (Besbris et Petre, 2020). Au sujet du champ de la santé mentale, Bellahsen (2014) parlait déjà d’une « boucle d’autolégitimation qui s’alimente par différents points d’entrée : les classifications, la recherche, l’industrie pharmaceutique, les outils de gestion des hôpitaux, les pratiques cliniques, les experts autoproclamés, la formation des professionnels » (p. 61). La recherche en journalisme doit-elle jouer ce jeu où les recherches alimentent des formations qui alimentent à leur tour des outils de gestion ?
Nous ne saurions conclure cette analyse sans en souligner une importante limite, soit la présence dans notre corpus d’études portant sur la période pandémique. L’explosion des travaux sur le coping pourrait en effet s’expliquer par l’unicité de cette période dans l’histoire du journalisme. Or les recherches qui s’y sont intéressées ont eu tendance à décrire le journalisme comme un métier stressant par essence et non pas comme un métier stressant uniquement pendant la période pandémique. La poursuite d’une méta-analyse des travaux mettant en relation psychologie et journalisme nous semble nécessaire pour mieux cerner cette tendance à travers le temps ; d’autres mots clés pourront alors être mis à profit, tels « résilience », « ajustement » ou « bien-être ».
Samuel Lamoureux est professeur à l’Université TÉLUQ.
Notes
1La recherche en journalisme se prête tout particulièrement à l’exercice de la méta-analyse (Le Cam et Ruellan, 2017). En plus d’avoir été traversée par de nombreux emprunts, notamment des études littéraires ou de la sociologie, elle se situe à la frontière de l’industrie des médias, ce qui a façonné les attentes à son égard de même que son financement.
2Précisons que la présente étude se penche sur des recherches se situant dans le champ du journalisme et non de la psychologie. Pour cette raison, elle rend compte de la manière dont un ensemble de travaux en journalisme empruntent des concepts à la psychologie et non de la manière dont la recherche en psychologie aborde le travail journalistique.
3Rabeyron (2019) a bien démontré comment la théorie cognitivo-comportementale a d’abord déferlé en Angleterre et aux États-Unis, stimulée par une vision utilitariste des soins publics, mais aussi par certaines agences comme le Improving Access to Psychological Therapies (IAPT), créé en 2008.
4Notre argumentation s’inspire de la lecture du néolibéralisme lippmannien que propose la philosophe Barbara Stiegler. Dans la conclusion de son ouvrage « Il faut s’adapter » (2019 : 281), la philosophe avait prédit que le discours de l’adaptabilité permanente se déploierait notamment dans « l’éducation thérapeutique », qui vise à intérioriser « les objectifs de performance et d’optimisation du système de soin ». Voir aussi Stiegler (2020).
5La sociologie critique de la psychologie est pour nous un champ fluide qui se situe à l’intersection de plusieurs sous-champs, notamment la sociologie clinique, la psychodynamique du travail, l’histoire de la psychiatrie et la philosophie de la médecine. Dès le 19e siècle, la sociologie a d’ailleurs toujours pensé sa relation avec la psychologie (Lahire, 2005).
6D’ailleurs, la TCC s’est imposée grâce à ses promesses d’efficacité (p. ex. l’atteinte de la guérison en quelques séances) et de son approche positiviste, ancrée dans les protocoles chiffrés et les modèles de classification des maladies (Sadowsky, 2022). Elle a également profité de la popularité de la théorie du traitement de l’information, qui repose sur une analogie entre le cerveau et l’ordinateur, qu’elle a incorporée de manière stratégique (Sadowsky, 2022).
7Il est important de préciser ici que nous nous intéressons aux biais théoriques de la TCC et, plus spécifiquement, à la manière dont ils agissent sur les études journalistiques. Dans la pratique, les psychologues – même ceux et celles qui fondent leur pratique sur la TCC – utilisent une variété d’approches afin de répondre aux besoins de leurs patients.
8Le concept de coping devait apparaître dans le titre, dans les mots clés principaux ou dans le résumé. Le trauma pouvait être appréhendé, mais pas comme sujet principal.
9Cette analyse est critique, thématique et qualitative, car elle ne vise pas à présenter le portrait global des écrits sur un thème comme le proposent parfois les revues systématiques. Dans le cas des études journalistiques, des revues systématiques ont déjà été réalisées et pourraient être actualisées (Omidi, Da Zotto et al., 2022 ; Lee, 2014). Il nous a paru beaucoup plus pertinent d’effectuer une analyse qualitative des biais idéologiques présents dans les écrits répertoriés ; selon nous, cet exercice se montrera utile aux chercheurs francophones qui pourront ainsi éviter de reproduire les biais présents dans le corpus analysé.
10Au début des années 2000, les sociologues n’hésitaient pas à analyser les causes ayant provoqué le déclin des conditions de travail des journalistes. Pour Accardo, Abou et al., (2007 : 38), la détérioration des conditions était le « résultat inévitable d’un processus objectif d’exacerbation de la concurrence entre les entreprises de presse soumises aux lois despotiques du marché publicitaire ».
11Traduction libre du passage suivant : « The race against time and competition among the journalists themselves are intrinsic conditions of this profession. »
12Traduction libre du passage suivant : « Being a journalist is a stressful occupation. Journalists deal with time-pressure, competition, and work-place tensions routinely. »
13Traduction libre du passage suivant : « Journalists are one of those workers for whom the job was always potentially happening outside of regular working hours. »
14Traduction libre du passage suivant : « Journalism was listed as among the top ten most stressful jobs in the world because of the various interactions and intricacies that journalists deal with: deadlines, busy work environments, tight schedules, extensive traveling, fulfillment of editors’ demands, and the fear of being killed or laid off. »
15Le rapport The Looking Glass (Wilkes, Carey et al., 2020) est le seul texte de notre corpus à mettre également l’accent sur l’intimidation (bullying) vécue par les vedettes de la profession.
16Ce sous-titre nous a été inspiré par Huët (2021).
17Traduction libre du passage suivant : « [T]he journalist’s predicament can be characterized as the struggle to attain a personally acceptable balance among the overall material and symbolic rewards expected and obtained from the profession. »
18Pour la psychologie cognitive, le stress est avant tout une transaction entre le cerveau humain et son environnement. C’est en tout cas ce qu’en retiennent Tandoc Jr., Cheng et al. (2022: 1744) : « Such framework considers stress as a transaction or process between the individual and the environment that is triggered by a stressor, usually an external stimulus, that elicits a psychological response or reaction from an individual. »
19Traduction libre du passage suivant : « Participants’ responses suggest that they need greater access to resources such as trauma prevention training and debriefings [or] professional psychological support. »
20Traduction libre du passage suivant : « Management support addressing staff distress appears to be a critical variable in promoting job satisfaction and reducing turnovers for journalists. »
21Traduction libre du passage suivant : « [M]ore knowledge on journalists’ occupational stress variables is needed so as to develop training plans and support services for these professionals. »
22Traduction libre du passage suivant : « We, as individuals, can rewire our brains to experience and understand well-being. »
23Traduction libre du passage suivant : « Mindfulness-based meditation […] can help build resilience among those who might be exposed to trauma and thus help them avoid its potential impacts on their mental health. It can also help minimise stress and burnout and shore up well-being, vital when journalists are undergoing unprecedented career disruptions. »
24Traduction libre du passage suivant : « Results have been found with […] delivery modes such as a 1-day workshop followed by daily at-home meditation for 8 weeks, 5-minute meditation sessions prior to each shift for 30 days and even via online modules instead of face-to-face instruction. »
25Traduction libre du passage suivant : « Some newsrooms, especially during difficult prolonged new reporting cycles have brought in massage therapists, emotional support animals, and therapists »
26Traduction libre du passage suivant : « [T]here have been emergency alert signals pointing to journalistic unhappiness in the profession. »
27Traduction libre du passage suivant : « The circumstances of work in journalism have implications for individual journalists and for news organizations’ bottom lines as they seek to recruit and retain talent and bolster their reporting. »
28Certaines formes d’action collective sont parfois envisagées dans le corpus, c’est le cas de Hughes, Iesue et al. (2021 : 14) qui mentionnent les journalistes qui documentent les agressions de leurs pairs. Norbäck et Styhre (2019 : 6) soulignent que des pigistes peuvent se retrouver dans des espaces collectifs pour discuter de leurs conditions.
29Traduction libre du passage suivant : « devastated, depressed, disappointed, heartbroken, stressed, sad, irritated and angry. »
30Traduction libre du passage suivant : « For a number of newspaper workers […], once the strong, negative emotional toll subsided, former journalists found renewed lives that were much more personally rewarding than their journalistic lives. »
31Traduction libre du passage suivant : « There were indications in this study that the reduced stress after leaving newspapers led to improved health and personal relationships. Again, that could be a topic for future research. »
32La conception du chercheur qui doit enseigner aux agents à s’adapter constamment fait écho à la lecture du néolibéralisme lippmannien que propose Barbara Stiegler. En effet, selon Lippmann, les gouvernements doivent faire appel à des experts qui doivent « transformer une espèce humaine inadaptée en un ensemble d’individus flexibles et de plus en plus adaptables à l’accélération des changements » (Stiegler, 2019 : 233).
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Référence de publication (ISO 690) : LAMOUREUX, Samuel. De la sociologie du journalisme à la psychologie des journalistes : pour une méta-analyse critique des études portant sur l’adaptation des journalistes. Les Cahiers du journalisme - Recherches, 2024, vol. 2, n°11, p. R167-R184.
DOI:10.31188/CaJsm.2(11).2024.R167