Nouvelle série, n°2
2nd semestre 2018 |
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Le livre dans la presse
quotidienne québécoise en 2013 :
portrait et analyse
Stéphane Labbé, Université du Québec à Trois-Rivières
Jason Luckerhoff, Université du Québec à Trois-Rivières
Jacques Lemieux, Université Laval, Québec
Résumé
Ce texte analyse un corpus de presse publié de janvier à décembre 2013 et prend la mesure de l’espace qui est accordé au livre par les principaux quotidiens québécois. Les résultats montrent que le livre est traité de façon secondaire, c’est-à-dire qu’il fait l’objet d’un traitement amplifié lorsque les quotidiens publient suffisamment d’espace. On remarque en outre une correspondance entre la tenue d’évènements littéraires et un traitement plus important du livre par les quotidiens. Les résultats permettent aussi d’établir, d’une part, que la part globale de l’espace accordé au livre québécois est de 53 % et, d’autre part, que l’espace accordé au livre en général est fortement réservé aux livres de fiction pour adultes.
Abstract
This text analyzes press materials published between January and December 2013, and measures the time and space dedicated to the book in Quebec’s major daily newspapers. The results show that the book takes second stage, that is to say, the subject is amplified only when the newspapers allows it sufficient space. They also correlate the holding of literary events to a more important treatment of the book by the same newspapers. The results also make it possible to establish that the share of page space dedicated to Québecois books is 53 % overall, and that, in general, the space allocated to books is strongly reserved for adult fiction.
DOI: 10.31188/CaJsm.2(2).2018.R159
E
n tant qu’objet matériel – et depuis peu immatériel – à l’origine de la première industrie culturelle québécoise (Allaire, 2011), le livre constitue un bien dit « expérientiel » (Colbert, 2006). Il s’agit d’un bien qui nécessite qu’on amorce sa consommation, et donc qu’on se le procure, avant d’en apprécier les qualités. Contrairement à la musique, que l’on peut entendre à la radio, notamment dans des endroits publics, le livre peut difficilement être lu par accident. De par sa nature, il nécessite la mise en place d’un processus de médiation : pour choisir de lire un livre, le lecteur doit être au fait de son existence.
La médiation, entendue comme l’intervention d’un tiers pour faciliter la circulation de l’information, est un processus susceptible de favoriser de telles découvertes. Sans médiation, la production littéraire québécoise serait destinée à une élite circonscrite ou n’aurait d’autre option que de se centrer sur une littérature marchande, essentiellement arrimée à une culture commerciale. La volonté de démocratiser la lecture, de même que de développer les publics afin d’assurer aux maisons d’édition une certaine rentabilité ont contribué aux démarches favorisant la mise en présence de l’œuvre avec son éventuel lecteur et ce, par le biais d’un médiateur : médias d’information écrits (électroniques ou en ligne), libraires, bibliothécaires et autres professionnels du livre.
Toutefois, l’imposante production littéraire vient complexifier la médiation du livre. En 2011, la production québécoise s’élevait à 6 564 nouveaux titres (Laforce et Milot, 2013), alors que les titres étrangers effectivement commercialisés au Québec en 2007 étaient au nombre de 25 444 nouveautés (Lasalle, 2007). C’est donc grosso modo 600 nouveaux titres qui sont commercialisés au Québec chaque semaine. L’espace en librairie, tout comme celui des médias, n’étant pas élastique, la course pour l’obtention d’une visibilité maximale – voire d’une visibilité tout court – est devenue de plus en plus concurrentielle et nécessite des investissements considérables pour les acteurs du milieu.
Face à cet enjeu, l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) et ses membres avaient l’impression que le traitement réservé à la production québécoise dans les médias était nettement inférieur à celui qu’on réservait à la production étrangère. Dit autrement, ces acteurs croyaient que les médias boudaient la production nationale. Cette impression appelait à la réalisation d’une étude qui allait faire la lumière sur le sujet. Si elle n’a pas constitué l’hypothèse de départ, elle s’est traduite par la volonté d’étudier la place que les médias réservent au livre, d’une part, et la place qu’ils réservent à la production nationale, d’autre part. Précisons que cette volonté ne concernait en rien l’étude du discours ni celle de la pratique journalistique : il s’agissait plutôt d’une analyse essentiellement quantitative, ne s’intéressant aucunement au contenu des articles et ne prétendant pas expliquer les conditions de production du journalisme culturel (budget proportionnel aux autres rubriques, effectifs journalistiques, etc.).
Dans le cadre de cet article, nous nous intéressons au discours de presse en tant que médiation dans un contexte de transformation des publics, de rupture systémique entre l’offre et la demande, de changements des rôles et responsabilités des acteurs ainsi que de la mutation des modes de production, de diffusion et de valorisation (Bouquillon et Combès, 2007). Devant ces transformations et ces enjeux, l’analyse de la place que réserve la presse quotidienne québécoise au livre en général et, plus spécifiquement, au livre édité au Québec, nous semble pertinente. En effet, de nombreuses mutations des médias ont été observées depuis que Baillargeon et De La Durantaye ont affirmé, en 1998, à partir de données de 1994, que l’on retrouve davantage de recensions et chroniques dans les quotidiens que dans les périodiques littéraires. Ils affirmaient en outre que les nouveautés du monde du livre faisaient l’objet d’un très grand nombre d’éditoriaux et de publicités dans les quotidiens.
Depuis la publication de cette recherche, nous recensons le mémoire de maîtrise d’Alexandrine Foulon, (2005), qui présente des données de 2002-2003. Or, depuis, les transformations en cours au sein des industries culturelles (De La Garde, Tremblay et al., 1994 Bouquillon et Combès, 2007 Hesmondhalgh, 2007 Martin et De La Durantaye, 2012 Martin et De La Durantaye, 2010) ont fait émerger de nouveaux enjeux. Aussi, il eut été intéressant d’effectuer des comparaisons entre les résultats obtenus par Foulon et les nôtres, mais cela n’a pas pu être réalisé étant donné la nature différente des données des deux études.
L’objectif principal de cette recherche est d’analyser la place accordée aux livres dans les principaux quotidiens québécois et de prendre la mesure de la place qu’ils accordent, d’une part, au livre en général et, d’autre part, au livre québécois de façon plus spécifique. Notre analyse porte sur le traitement rédactionnel, et par conséquent non publicitaire, des livres publiés par des éditeurs québécois et étrangers.
Méthodologie
Échantillon
Nous avons limité notre collecte de données à cinq des 11 quotidiens francophones du Québec. Compte tenu de l’importance de leur diffusion et de leur influence, nous avons sélectionné La Presse et Le Soleil, des quotidiens qui appartiennent au groupe Gesca1, Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec, détenus par le groupe Québecor, de même qu’un journal indépendant, Le Devoir. Aussi, il nous a fallu choisir entre une représentativité de l’échantillon en matière régionale et une représentativité de l’échantillon selon l’étendue de la diffusion et du lectorat rejoint. Nous avons opté pour la seconde option : les quotidiens sélectionnés bénéficient d’une large diffusion et celle-ci dépasse leur ville d’attache, Montréal ou Québec, en se déployant dans les banlieues de ces villes et bien au-delà. Toutefois, il nous faut préciser que, selon la typologie développée par Harvey et Fortin (1995), notre échantillon n’est pas représentatif de tous les types de régions. En effet, il porte surtout sur les régions centrales et satellites (par l’étendue de la diffusion des quotidiens), et moins sur les régions intermédiaires et périphériques.
Collecte et traitement des données
La recension des livres a été réalisée à partir des quotidiens imprimés ou de leurs reproductions numériques. Chaque page des cinq quotidiens a systématiquement été analysée pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013. Ce choix émanait de la volonté (la nôtre comme celle de l’ANEL) de dresser un portrait actuel (la collecte a été réalisée dans les premiers mois de 2014) et de constituer un corpus qui couvrait toutes les périodes d’une même année. Ce corpus compte 136 221 pages au total.
La recension réalisée correspond à une recension dite éditoriale, c’est-à-dire que le titre d’un livre est envisagé comme une œuvre publiée par un éditeur. Cela signifie que les informations suivantes ont été relevées :
– l’espace total disponible dans les quotidiens (espace total réservé au livre par rapport à espace total publié)
– le nombre d’articles publiés qui ont recensé des livres
– le nombre de livres qui ont été recensés et, par la même occasion, le nombre moyen de titres recensés par article publié
– la provenance des livres recensés (éditeur québécois ou étranger)
– le genre littéraire des livres recensés
– le positionnement des livres recensés dans les pages et dans les cahiers des quotidiens.
Résultats
Le livre : un sujet secondaire
Nous avons constaté que le nombre d’articles consacrés au livre, le nombre de livres recensés et l’espace qui lui est accordé suivent globalement l’évolution du nombre de pages publiées. Cela nous permet de faire l’hypothèse que plus l’espace publié est important, plus le livre fait l’objet d’un traitement journalistique et, inversement, plus l’espace publié est mince, moins on traitera du livre, réservant ainsi l’espace à d’autres sujets. Le livre se voit ainsi traité comme un sujet secondaire.
À cet égard, nous avons observé que l’espace publié (l’espace général et global) par les quotidiens était plus important en mars, octobre et novembre, et plus mince en janvier, juillet et août. On consultera à cet effet la figure 1 dans lequel on remarque que, en 2013, le nombre total de pages publiées atteint des sommets en novembre (12 696 p.), en octobre (12 549 p.) et en mars (12 500 p.), alors qu’il est à son plus bas en juillet (9 950 p.), en août (10 184 p.) et en janvier (10 323 p.).
Figure 1. Nombre total de pages publiées par les cinq quotidiens à l’étudeselon le moment de la semaine, de janvier à décembre 2013
Les cinq quotidiens de l’échantillon ont publié 4 304 articles journalistiques traitant de livres2, ces articles ayant fait la recension de 9 345 livres au cours de la période analysée, soit du 1er janvier au 31 décembre 2013. On remarquera dans la figure 2 que le nombre d’articles consacrés au livre suit l’évolution du nombre de pages publiées et que, de la même manière, le nombre de livres recensés par les quotidiens, tel que présenté figure 3, présente une évolution mensuelle similaire.
Figure 2. Nombre d’articles consacrés au livre dans chacun des quotidiens,de janvier à décembre 2013
Figure 3. Nombre de livres recensés selon le quotidien, de janvier à décembre 2013
La part de l’espace total dédié au livre par les quotidiens semble également évoluer au même rythme que l’espace total dévolu au même sujet par les quotidiens à l’étude; on pourra le constater dans la table 1 et la figure 4. On y notera aussi une différence relativement importante entre les journaux couvrant la région de Québec et ceux couvrant la région de Montréal3. En effet, alors que les quotidiens de la région de Québec accordent généralement moins de 1 % (de 0,5 % à 1,4 %) de leur espace au livre, ceux couvrant la région montréalaise lui accordent généralement plus de 1 % (de 0,8 % à 6,8 %). Ce résultat demeure intéressant, notamment parce qu’il met au jour d’éventuelles disparités entre les régions, et appelle à des analyses plus larges, qui inclueraient d’autres régions du Québec et qui nous permettrait d’en faire une meilleure interprétation.
Table 1. Part de l’espace (comptabilisé au huitième de page) total occupé par le livreselon le quotidien, de janvier à décembre 2013
Correspondance entre la tenue d’évènements littéraires et un traitement plus important du livre
Les résultats de nos analyses nous ont permis de noter une correspondance entre la tenue de salons du livre et une augmentation du nombre d’articles consacrés au livre, de même qu’entre salons du livre, rentrées littéraires et augmentation du nombre de livres recensés dans les quotidiens. Ainsi, la tenue d’évènements tels les salons aurait un impact positif général sur l’espace accordé au livre, le nombre d’articles s’y consacrant ainsi que le nombre de titres recensés, alors que les rentrées littéraires auraient surtout pour effet d’augmenter le nombre de titres recensés, sans pour autant augmenter l’espace qui leur est accordé.
La table 1 (ci-dessus) nous permet de constater une pointe importante en avril ainsi qu’une seconde en novembre, ces périodes concordant avec la tenue du Salon international du livre de Québec (10 au 14 avril 2013) et du Salon du livre de Montréal (20 au 25 novembre 2013). On remarque d’ailleurs que la pointe de mars 2013 est fortement corrélée à une hausse du nombre d’articles traitant de livres dans les quotidiens couvrant la grande région de Québec, à savoir Le journal de Québec, Le Soleil et Le Devoir. De la même manière, la pointe de novembre 2013 concorde avec une augmentation du nombre d’articles recensant des livres dans les quotidiens de la région de Montréal, notamment La Presse et Le Devoir.
De la même manière, la figure 3 (ci-haut) permet d’observer quatre mouvements à la hausse au regard du nombre de livres recensés : le premier en janvier, moment de la rentrée littéraire hivernale le second culminant en avril, ce qui correspond à la tenue du Salon international du livre de Québec le troisième s’étendant sur août, septembre et octobre, période de la rentrée littéraire automnale enfin, le quatrième constitue la pointe de novembre, moment où se tient le Salon du livre de Montréal. Nous attirons l’attention ici sur le fait que la rentrée littéraire automnale a été traitée en août par Le Devoir et que cela a un impact relativement important sur les résultats : nous croyons à cet égard que la pointe observée en janvier, au moment de la rentrée littéraire hivernale, aurait dû être observée également en septembre. Cela étant, d’autres facteurs pourraient éventuellement avoir exercé une influence sur nos résultats à cet égard.
Figure 4. Part de l’espace total occupé par le livre selon le quotidien,de janvier à décembre 2013
Tel qu’on peut l’apprécier dans la table 1 et la figure 4, un autre élément intéressant de ces résultats demeure la forte variation positive sur le plan de l’espace total se voyant réservé au livre au moment de la tenue du Salon du livre de Québec en avril (0,9 % pour Le Journal de Québec, 5,8 % pour Le Devoir et 1,4 % pour Le Soleil) et au moment du Salon du livre de Montréal en novembre (0,8 % pour Le Journal de Montréal, 2,5 % pour La Presse et 6,8 % pour Le Devoir). A contrario, les rentrées littéraires hivernale et automnale ne semblent pas avoir eu d’impacts significatifs sur la part de l’espace total accordée au livre.
Enfin, nous nous sommes penchés sur le nombre moyen de livres recensés par article les résultats de cette analyse pour chaque quotidien à l’étude sont présentés dans la figure 5. De façon générale, les cinq quotidiens de notre échantillon recensent en moyenne 2,17 livres par article, cette moyenne oscillant entre 1,6 et 3,3 livres par article selon la période de l’année.
Alors que les journaux du groupe Québecor font montre d’une relative stabilité en la matière, ceux de Gesca ainsi que Le Devoir présentent des variations importantes, que nous aborderons ici. D’abord, la relative stabilité du nombre moyen de livres recensés par article dans Le Journal de Québec et Le Journal de Montréal demeure le témoin d’un traitement particulier du livre : lorsque les journalistes de ces quotidiens traitent du livre, ils le font généralement en n’abordant qu’un ou deux livres dans leur article et ce, peu importe la période de l’année.
Les trois autres quotidiens à l’étude, Le Devoir, La Presse et Le Soleil, présentent des schémas d’évolution relativement similaires : un nombre moyennement élevé de livres recensés par article en janvier, au moment de la rentrée littéraire hivernale une seconde pointe en août/septembre, au moment de la rentrée littéraire automnale enfin, une tendance à la hausse d’octobre à décembre, tel un crescendo jusqu’à la période des Fêtes. On remarquera également qu’aux moments de la tenue des salons du livre de Québec (avril) et de Montréal (novembre), le nombre moyen de livres recensés par article n’aura pas connu de variations dignes de mention, si ce n’est une légère hausse pour Le Journal de Québec en avril.
Figure 5. Nombre moyen de livres recensés par article selon le quotidien, de janvier à décembre 2013
Ces éléments nous font croire que, si les rentrées littéraires font hausser le nombre moyen de livres recensés par article chez certains quotidiens, la tenue d’évènements littéraires ne fait pas varier celui-ci.
La part des livres recensés édités par des éditeurs québécois4
La figure 6 présente les statistiques se rapportant spécifiquement aux recensions de livres édités par des éditeurs québécois. Le premier constat est celui d’une évolution mensuelle parallèle dans les cinq quotidiens à l’étude : les schémas des tracés de la figure 6 en témoignent. En outre, cela revient à dire que les journalistes des cinq quotidiens accordent une part relativement similaire au livre édité au Québec au fil des mois, ce qui soulève de nombreuses hypothèses, notamment celle voulant que ces statistiques puissent refléter la mensualisation de la production littéraire québécoise, ce qui reste toutefois à vérifier – qui plus est en prenant en considération les analyses de la section suivante.
La figure 6 ne laisse aucun doute quant à l’important creux de la saison estivale, plus particulièrement au mois de juillet, alors que la part moyenne des livres recensés qui sont édités par des éditeurs québécois n’atteint que 32 % de toutes les recensions. Cela est probablement dû à de multiples facteurs, notamment à la parution des grands best-sellers internationaux destinés aux lectures de vacances. On pourrait également suggérer non seulement qu’une diminution de l’espace disponible semble faire diminuer l’espace accordé au livre en général, mais, de surcroît, que cette diminution aurait pour effet de restreindre la part réservée au livre édité au Québec.
On remarquera aussi que les rentrées littéraires de janvier et d’août/septembre ont pour effet d’augmenter sensiblement la part des recensions accordée aux livres édités par des éditeurs québécois, alors que l’effet de la tenue des salons du livre demeure mitigé.
Enfin, on notera que la part moyenne des recensions de livres réservées aux livres édités au Québec a été de 53 % en 2013, Le Devoir étant le quotidien lui ayant accordée la part la plus importante (56 % de toutes ses recensions de livres), Le Journal de Montréal, celui lui en ayant accordée le moins (43 % de toutes ses recensions de livres). Cette part relativement importante pour le livre édité au Québec semble contredire le discours des professionnels du livre selon lequel le livre québécois ferait l’objet d’un faible traitement (Foulon, 2005), mais plutôt rejoindre les résultats d’études précédentes (Lorimer, 1994 Baillargeon et De La Durantaye, 1998).
Figure 6. Part des livres recensés qui sont des livres édités par des éditeurs québécois selon le quotidien, de janvier à décembre 2013
Notre volonté d’analyser la place réservée au livre dans la presse écrite québécoise nous a amenés à distinguer les types de livres qui en faisaient effectivement l’objet. Par souci de concision, nous avons restreint le nombre de catégories à quatre, à savoir : la littérature pour les adultes (y compris toutes les œuvres de fiction pour les adultes) les livres pour la jeunesse (tant les œuvres de fiction que de non-fiction) les livres de type essais ou documents (y compris toutes les œuvres pour adultes qui ne sont ni de la fiction ni un guide pratique) enfin, les livres de type guide pratique (y compris les ouvrages dont l’objectif est de montrer au lecteur un certain savoir-faire : livres de jardinage ou de recettes, guides de l’auto, etc.). Nos résultats montrent que la littérature pour adultes accapare en moyenne 61 % de toutes les recensions de livres, contre 18 % pour les essais et documents, 12 % pour les guides pratiques et, enfin, 9 % pour les livres destinés à la jeunesse.
La part des livres recensés qui appartiennent à la littérature pour adultes
À la lecture de la figure 7, on remarquera que la littérature pour adultes demeure la catégorie de livres faisant l’objet du plus grand nombre de recensions et ce, tous quotidiens confondus et pour tous les mois de l’année – à l’exception du mois de décembre. En effet, La Presse et Le Soleil leur réservent chacun 68 % de toutes leurs recensions de livres. Aussi, c’est en janvier (69 %), en mai (68 %) et en septembre (70 %) que les livres de littérature pour adultes récoltent la plus grande part des recensions des quotidiens, et en décembre (47 %) que cette part est la plus faible. Ces pointes correspondent aux rentrées littéraires hivernale et automnale la pointe de mai s’explique possiblement par la publication des romans d’été, mais cela restant à valider.
Figure 7. Part des livres recensés appartenant à la littérature pour adultesselon le quotidien, de janvier à décembre 2013
Outre ces quelques convergences, on remarquera que les tracés de la figure 7 ne nous permettent pas de tirer d’autres constats que celui d’une hétérogénéité dans la périodicité du traitement accordé à ce type de livre, ce qui nous incite à suggérer que les recensions faites par les quotidiens ne seraient probablement pas le reflet de la production littéraire : si c’était effectivement le cas, on pourrait retrouver une certaine homogénéité dans le traitement des livres selon leurs types.
La part des livres recensés destinés à la jeunesse
Tel que le fait remarquer la figure 8, la part des livres recensés qui a été réservée aux livres pour la jeunesse demeure faible, celle-ci s’établissant en moyenne à 9 % pour la période analysée. C’est Le Journal de Montréal qui aura accordé aux livres jeunesse la part la plus grande (13 % de toutes ses recensions de livres), Le Devoir étant le quotidien lui ayant réservé la plus faible part (5 % de l’ensemble de ses recensions).
Figure 8. Part des livres recensés qui sont des livres de type « Livres pour la jeunesse » selon le quotidien, de janvier à décembre 2013
Sur le plan de la période, nos résultats ne nous permettent pas d’identifier un moment où les livres pour la jeunesse se voient plus ou moins recensés : certains quotidiens recensent davantage de livres de ce type en début d’année (c’est le cas du Journal de Montréal), d’autres à l’automne (notamment Le Devoir) et d’autres le font à différentes périodes de l’année (c’est le cas de La Presse). Cela étant, les résultats semblent révéler deux moments un peu plus forts pour la recension de livres pour la jeunesse, soit les quatre premiers mois de l’année, ainsi que les deux derniers. Cette hétérogénéité dans le traitement du livre pour la jeunesse laisse croire que le traitement médiatique du livre ne serait que peu probablement le reflet de sa production, mais cela exigerait une analyse comparative du traitement médiatique avec la production éditoriale mensualisée.
La part des livres recensés appartenant aux essais aux documents
Les résultats de nos analyses de la part des livres recensés qui sont des essais ou des documents sont, au premier abord, plutôt surprenants. En effet, alors que chacun des résultats des cinq quotidiens à l’étude sont en augmentation au cours du premier trimestre de 2013, la moyenne globale des cinq quotidiens affiche plutôt une légère baisse. Précisons à cet égard que cette dichotomie des résultats est attribuable au fait que le nombre total des titres recensés, tous types confondus, affiche une baisse importante de janvier à février 2013 (voir figure 3), ce qui a pour effet de gonfler les parts accordés aux essais et documents dans chaque quotidien, individuellement, tout en diminuant la moyenne générale.
Quatre constats sont à faire à la lecture de la figure 9. D’abord, l’évolution de la part des titres recensés accordée aux essais et aux documents présente un tracé similaire pour les cinq quotidiens. Ensuite, la forte pointe du mois d’août constitue le second constat à faire. En effet, de façon générale, les quotidiens ont recensé le plus d’essais et de documents au mois d’août que pendant les autres mois de l’année, Le Devoir et La Presse y ayant fortement contribué. Comme troisième constat, le lecteur aura remarqué que c’est Le Devoir qui, de façon marquée, se détache du peloton en accordant à ces types de publications une part de deux à trois fois plus grande (29 %) que les autres quotidiens (10 % à 16 %). Enfin, on peut observer que ce sont les journaux du groupe Québecor qui réservent la part la plus faible des recensions de livres aux essais et documents, Le Journal de Montréal leur réservant 10 % de toutes les recensions, Le Journal de Québec, 11 %. Ces variations entre les quotidiens sont peut-être le reflet tant du lectorat que de la mission éditoriale de ceux-ci.
Figure 9. Part des livres recensés qui sont des essais et des documents selon le quotidien, de janvier à décembre 2013
La part des guides pratiques recensés
La part des livres recensés par les quotidiens de notre échantillon qui sont des guides pratiques, telle que représentée figure 10, n’atteint qu’une moyenne annuelle de 12 %, oscillant entre 7 % et 25 % au cours de la période. Ce sont les journaux du groupe Québecor qui leur réservent les parts les plus importantes, Le Journal de Montréal leur accordant en moyenne 18 % de toutes ses recensions, Le Journal de Québec, 22 % ce sont les journaux du groupe Gesca qui leur réservent les parts les plus faibles, soit 8 % pour Le Soleil et 8 % pour La Presse. À deux moments en 2013, les quotidiens auront recensé davantage de guides pratiques, soit en juin, au moment où approchent les vacances estivales, et en décembre, à l’orée des Fêtes. Outre ces deux moments favorables à la publication de guides pratiques, les quotidiens auront accordé une part moyenne de 12 % à ces ouvrages au cours de 2013. Ici également, les différents lectorats et missions éditoriales sont probablement à l’origine de ces variations entre les quotidiens.
Figure 10. Part des guides pratiques recensés selon le quotidien, de janvier à décembre 2013
Un traitement qualitatif cohérent en regard de son traitement quantitatif
Dans le cadre de notre recherche, nous avons également souhaité documenter le traitement qualitatif qu’accordaient les quotidiens au livre. De façon exploratoire, nous avons cumulé les recensions de livres ayant occupé la Une d’un cahier, cette position constituant une place de choix en visibilité comme en prestige. Cela précisé, Le Journal de Québec et Le Journal de Montréal ne fonctionnant pas par cahiers mais plutôt par sections, nous avons évacué de notre analyse ces deux quotidiens afin de nous concentrer sur des comparables.
La table 2 présente les résultats de cette agrégation de données. Au total, 152 articles ont recensé pas moins de 315 livres à la Une d’un cahier; Le Devoir a contribué à plus des deux tiers de ces résultats en publiant 108 articles à la Une d’un cahier, ces articles ayant recensé 250 livres. Le Soleil n’aura que très peu contribué à la recension de livres à la Une de ses cahiers : seulement deux articles y auront recensé un total de deux livres au cours de l’année 2013. De façon générale comme de façon individuelle, un peu plus des deux tiers des livres ayant été recensés à la Une d’un cahier étaient des livres édités par des éditeurs québécois (210 sur 315).
Il est également intéressant d’analyser l’espace qui est accordé au livre à la Une d’un cahier. En effet, on peut faire la recension de plusieurs livres à la Une d’un cahier sans pour autant leur accorder un espace de taille avantageuse. À cet égard, nous avons calculé l’espace moyen accordé pour un livre recensé à la Une d’un cahier. Si la moyenne pour les trois quotidiens à l’étude se situe à un huitième de page, l’espace moyen pour un livre recensé à la Une d’un cahier de La Presse et du Soleil est d’un quart de page et d’un huitième de page pour la Une d’un cahier du Devoir. Alors que ce dernier recense davantage de titres à la Une d’un cahier que ses collègues, il leur accorde généralement un espace de plus petite taille.
Par ailleurs, nous avons voulu distinguer la taille de l’espace accordé aux titres recensés à la Une d’un cahier selon qu’il s’agissait d’un livre édité par un éditeur québécois ou étranger et ce, selon le type de livre recensé. Les livres recensés à la Une d’un cahier qui sont édités par des éditeurs québécois ont bénéficié d’un espace d’une taille de un huitième de page en moyenne, alors que les livres édités par des éditeurs étrangers se sont vu accorder un espace de trois seizième de page. Autrement dit, alors qu’on a réservé au livre québécois 67 % des recensions de livres à la Une d’un cahier, on ne leur a accordé que 62 % de tout l’espace réservé au livre à la Une d’un cahier. Ainsi peut-on dire qu’on recense un peu plus de livres édités au Québec à la Une des cahiers, mais qu’on le fait en leur accordant un peu moins d’espace qu’on en accorde aux livres étrangers.
Enfin, les résultats démontrent que ce sont très majoritairement les livres de littérature pour adultes qui font l’objet d’une recension à la Une d’un cahier, et ce dans une proportion de 73 %, La Presse leur accordant 83 % de toutes leurs recensions à la Une d’un cahier. En concordance avec les résultats précédents en matière de livres pour la jeunesse, on ne sera pas étonné que ces derniers ne représentent que 3 % de tous les titres recensés à la Une d’un cahier.
Table 2. Nombre de livres recensés et espace accordé à la Une d’un cahier selon le quotidien, la provenance et le type de livres, de janvier à décembre 20135
Conclusion
Notre objectif était de prendre la mesure de l’espace accordé au livre par les principaux quotidiens québécois, en l’occurrence La Presse, Le Devoir, Le Journal de Montréal, Le Journal de Québec et Le Soleil. De notre point de vue, la presse quotidienne s’acquitte somme toute assez bien de son rôle de médiation, notamment en ce qui concerne la part accordée aux livres québécois.
Néanmoins, nos résultats ont aussi montré que le livre est traité de façon secondaire, c’est-à-dire qu’il fait l’objet d’un traitement amplifié lorsque les quotidiens publient suffisamment d’espace le permettant. On pourrait croire qu’il y a une relation directe entre le nombre de pages publicitaires achetées par les éditeurs et l’espace accordé au livre en général, et aux livres des éditeurs publicitaires plus spécifiquement, mais l’étude de Foulon en la matière a plutôt évoqué l’inverse : « Il n’y avait aucune corrélation entre le nombre de publicités payées par les éditeurs et le nombre de comptes rendus consacrés à leurs publications, ce sont deux réalités indépendantes » (Foulon, 2005 p. 112). Ainsi, l’espace qui lui est accordé relèverait d’autres circonstances, qui pourraient notamment relever des priorités éditoriales des quotidiens ou de la volonté que ceux-ci mettent à répondre aux préférences de leurs lecteurs. Cette question reste à explorer.
Nos analyses nous ont également permis de mettre en relation la tenue d’évènements littéraires et un traitement plus important du livre par les quotidiens. À cet égard, nous avons pu constater que les salons du livre avaient pour effet d’augmenter l’espace accordé au livre, le nombre d’articles consacrés au livre ainsi que le nombre de titres recensés, alors que les rentrées littéraires de janvier et d’automne avaient pour effet d’augmenter le nombre d’articles consacrés au livre et le nombre de livres recensés, mais cela sans augmenter l’espace accordé globalement au livre. D’ailleurs, les variations observées dans le traitement du livre à ces moments de l’année sont largement significatives.
Aussi sommes-nous en droit de croire que la multiplication des évènements littéraires pourrait avoir un impact positif sur l’espace accordé au livre en général. Cela soulève également la question de la nature évènementielle de l’information, c’est-à-dire sa propension à traiter des faits remarquables (Mercier, 2006), par opposition au traitement de faits communs, voire banals. À cet égard, on peut probablement croire que la parution d’un ouvrage, au milieu des quelque 30 autres milliers de titres publiés annuellement, constitue un fait banal pour le journaliste, alors que la tenue d’un évènement tel qu’un salon du livre ou un festival littéraire constitue un fait remarquable, qui plus est un fait d’actualité.
Nos résultats établissent la part de l’espace global accordé au livre québécois à 53 %, ce qui constitue une part relativement importante selon le point de vue. En effet, ces données se montrent cohérentes en regard des données de ventes de livres au Québec, la production québécoise s’accaparant 45 % d’entre elles (Allaire, 2007). Elles présentent cependant un écart important par rapport à la part québécoise des titres commercialisés, qui s’établissait à 13,1 % en 2007 (Lasalle, 2007, p. 25). Cela soulève, d’une part, la question du rôle des médias en matière de culture nationale : ce rôle est-il de contribuer à son développement et à son rayonnement ou est-il plutôt d’être le reflet de la société, de ses habitudes et préférences ?
D’autre part, l’analyse des mêmes données pose la question de la spécificité québécoise de ce portrait statistique : quel est l’espace accordé au livre américain dans la presse américaine ? Quel est celui accordé au livre français en France ? Des études comparatives pourraient s’avérer fort intéressantes afin de compléter ce portrait. D’autres analyses sur la part du livre québécois dans la presse quotidienne pourraient également être réalisées à même notre corpus, notamment à propos des types de livres québécois qui font l’objet d’un traitement.
Nos analyses nous ont aussi permis d’établir que l’espace accordé au livre est fortement réservé aux livres de fiction pour adultes. Cet état de fait s’accorde avec les préférences d’achats de livres des Québécois, qui se procurent majoritairement des œuvres de fiction pour adultes (BTLF, 2013). Nous serions également tentés de voir une relation avec un lectorat composé majoritairement d’adultes, mais cela n’expliquerait pas le choix de la presse quotidienne d’accorder plus d’espace à la fiction pour adultes qu’à la non-fiction pour adultes.
Enfin, si ces résultats portent un éclairage sur la visibilité des livres dans les médias, ils suscitent également un intérêt pour la réalisation de recherches additionnelles et complémentaires, notamment sur le processus éditorial des quotidiens et de leur personnel. Le corpus étudié pourrait également être comparé à des corpus similaires, sur une année différente mais situés dans des régions d’autres types, ou à des corpus tirés d’autres types de médias, notamment numériques, ou encore à des corpus étrangers, de même qu’à des corpus traitant d’autres secteurs culturels.
Stéphane Labbé est doctorant en communication sociale
à l’Université du Québec à Trois-Rivières.
Jason Luckerhoff est professeur titulaire au département de lettres
et communication sociale à l’Université du Québec à Trois-Rivières.
Jacques Lemieux est professeur associé au département d'information
et de communication de l’Université Laval à Québec et au département
de lettres et de communication sociale à l’Université du Québec à Trois-Rivières.
Notes
1Le Soleil appartenait au groupe Gesca en 2013, ce qui n’est plus le cas depuis 2015.
2Nous ne nous sommes pas intéressés aux titres des livres qui ont été recensés et, de ce fait, il nous est impossible d’analyser le total de titres qui ont été recensés en comparaison du nombre de titres qui ont été commercialisés au cours de la même période au Québec, puisque des 9 345 livres recensés, certains l’ont vraisemblablement été à plusieurs reprises par plusieurs quotidiens et nous n’avons pas compilé ces informations.
3Nous avons inclus Le Devoir dans les quotidiens montréalais en raison de l’importante couverture de l’actualité montréalaise par ce quotidien.
4Un livre édité par un éditeur québécois est défini comme un livre, quel que soit l’origine de son auteur, qui a été publié par un éditeur ayant son siège social au Québec.
5Lorsqu’un article recensait plus d’un livre et qu’ils constituaient à la fois des livres québécois et des livres étrangers, nous avons partagé la taille de la recension de façon proportionnelle selon le nombre d’ouvrages appartenant à l’une et l’autre catégorie.
Références
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Référence de publication (ISO 690) :LABBÉ, Stéphane, LUCKERHOFF, Jason, et LEMIEUX, Jacques. Le livre dans la presse quotidienne québécoise en 2013 : portrait et analyse. Les Cahiers du journalisme - Recherches, 2018, vol. 2, n°2, p. R159-R175.
DOI:10.31188/CaJsm.2(2).2018.R159