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Nouvelle série, n°2

2nd semestre 2018

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Citoyens par excès, citoyens par défaut : les nouveaux usages de l’information en ligne

Solange Kurpiel, Université Lumière Lyon 2
Jean-Claude Soulages, Université Lumière Lyon 2

Résumé

Notre contribution porte sur les nouvelles pratiques journalistiques à l’ère du numérique en observant deux types d’objets : le média global Huffington Post et des médias locaux, des sites alternatifs d’information brésiliens. Nous remettons en cause la notion de public, devenu un acteur actif, un métarécepteur. Le sacre de l’amateur ou de l’expert est un fait acquis. La pratique du blogue est omniprésente dans l’offre globale où les publics incarnent l’être extraterritorial d’un « citoyen par excès ». Dans le médiascape local du Brésil, l’acte de s’informer devient une performance politique et sociale de « citoyens par défaut ». Ces innovations, susceptibles de construire de nouvelles identités cosmopolites, comportent leur risque, et rappellent que le récit journalistique est toujours indispensable, demeurant un discours d’escorte des démocraties et de compréhension commune du monde.

Abstract

Our contribution focuses on new journalistic practices in the digital era observing two types of objects: the global media Huffington Post and local media, alternative Brazilian news sites. We question the notion of the public, became an active actor, meta-receiver. The coronation of the amateur or the expert is a fact. The practice of blogging is omnipresent in the global offer, where the public will incorporate the extraterritorial human being, a "citizen by excess". In the local mediascape of Brazil, the daily act to inform become a political and social performance of "citizens by default". These media innovations, susceptible to build us of new cosmopolitan identities, contain their own risks, and reminds that the journalistic narrative is always essential because it remains a speech of an escort of our democracies but also the common way to understand our world.

DOI: 10.31188/CaJsm.2(2).2018.R179





L

es bouleversements que connaît aujourd’hui l’univers médiatique font écho à ce qu’annonçait, il y a déjà plus de 20 ans, Eliséo Veron lorsqu’il déclarait que « les sociétés postindustrielles sont des sociétés en voie de médiatisation. C’est-à-dire : des sociétés où des pratiques sociales (des modalités de fonctionnement institutionnel, des mécanismes de prise de décision, des habitudes de consommation, des comportements plus ou moins ritualisés, etc.) se transforment du fait qu’il y a des médias » (Veron, 1997, p. 113). Depuis ces paroles prémonitoires, l’entrée dans l’ère du numérique a considérablement accéléré ce phénomène de médiatisation. En effet, l’individu contemporain vit dans un compagnonnage de plus en plus étroit avec des réseaux numériques qui (dés)encadrent sa vie professionnelle et quotidienne et qui génèrent un environnement médiatique de plus en plus envahissant. À tel point qu’aujourd’hui, l’axiome de notre modernité, pourrait se résumer en un mot d’ordre post-léniniste : « les données + les réseaux ».

Le champ de l’information, avant beaucoup d’autres, a été confronté à ce bouleversement à travers des formats inédits et de nouveaux entrants qui ont bousculé les pratiques et les usages établis tant en production qu’en réception. À tel point que loin d’être le « village global » prophétisé par Marshall McLuhan, notre environnement informationnel et cognitif tient plus aujourd’hui d’un paysage morcelé fait, comme nous le décrit Manuel Castells, de « pavillons construits sur plans, produits à l’échelle mondiale et distribués localement » (Castells, 2001, p. 433). Dans ce « mediascape » (Appadurai, 2005) de plus en plus composite, de nombreux modèles cohabitent ; des « sites miroirs », extensions des médias traditionnels, des blogues, des infomédiaires, des sites tout numérique alternatifs, locaux et/ou globaux comme Médiapart ou encore les modèles de syndication ou de franchise déployé par le Huffington Post ou bien Slate, etc. Autant de formules qui font coexister de multiples logiques éditoriales et des modèles économiques divergents, mais aussi de nouveaux publics.

Or, qu’en est-il de ces « néo-médias » d’information tels que Lev Manovich les dénomme (Manovich, 2006) et qui témoignent pour certains d’entre eux d’une implication de plus en plus effective des usagers ? Quel impact sur le rôle imparti aux interfaces et aux médiateurs traditionnels que sont et qu’ont longtemps été les institutions de presse et les journalistes ? Parallèlement, quel est le statut de ce consommateur de l’actualité qui est devenu un citoyen des réseaux et de fait un citoyen global ? Il est difficile aujourd’hui de proposer une interprétation univoque ou de répondre de façon tranchée et catégorique à ces questions. Ce paysage médiatique est toujours, sous certains aspects, un chantier inachevé. Il s’agit plutôt pour nous d’esquisser certains des enjeux que cette reconfiguration de l’écosystème de l’information connaît et d’observer des modèles et des pratiques inédites.

Notre projet dans cette contribution est donc, en nous inspirant du concept de « médiascape » d’Arjun Appaduraï d’essayer de brosser ce que l’on pourrait appeler le newsscape, ou le panorama évènementiel proposé aux usagers ainsi que les pratiques qui caractérisent le journalisme à l’ère du numérique (JADN). Dans l’impossibilité de capter une vision synoptique d’un paysage toujours instable et en prenant appui sur une recherche en cours1 nous nous proposons de porter un regard contrastif et transnational sur ces phénomènes et de prendre pour objet deux polarités qui structurent ce champ, le global, à travers un média mondial, en l’occurrence les éditions française et brésilienne du Huffington Post et le local, en observant comment dans un contexte rigide d’oligopoles établis (le cas brésilien) le surgissement de médias alternatifs a été possible et quelle est leur nature. Dans un deuxième temps, cette posture contrastive nous permettra de mettre au jour la naissance de deux figures singulières de ces néo-citoyens des réseaux.

Évolutions et ruptures

Au préalable, un détour s’impose concernant un certain nombre de facteurs qui semblent décisifs dans ces transformations. En premier lieu, la croissance spectaculaire de l’information en ligne, la diversification des offres tout comme la baisse continue des coûts de production (Benkler, 2006) qui ont bénéficié aux lecteurs et aux internautes qui peuvent désormais contourner le pré-carré des organes d’information établis et se tourner vers la Toile. Cette redistribution des parts de marché a pour conséquence immédiate, pour certains titres de presse, une baisse de leur tirage et l’assèchement de leur lectorat potentiel avec, pour beaucoup, la fuite des financements et des ressources publicitaires et donc la fragilisation de l’écosystème existant. Simultanément, ce nouveau contexte a facilité le surgissement de médias alternatifs.

Second facteur, Internet n’a pas permis la seule migration des supports d’information vers les écrans, celle-ci s’est doublée d’une greffe déterminante, l’interface numérique qui a métamorphosé l’usager en métarécepteur. Alors que le journal télévisé, toujours et longtemps premier média national, avait donné naissance, grâce à la captation du téléspectateur assurée par son dispositif et son « registre indiciel », à un « méta-énonciateur » (Veron, 1983) qui aiguillait les nouvelles vers un usager statique au fur et à mesure de l’avancée du journal, avec la navigation sur le Web, ce dispositif a basculé de l’autre côté de l’écran.

C’est désormais, grâce cette fois-ci à la puissance d’un « métamédium » individuel (Manovich, 2001) et au travail souterrain des algorithmes, que l’usager est susceptible de quitter les oripeaux de l’audience statique pour devenir un hyper-public apte à naviguer seul au cœur des évènements et des discours, mais aussi à même de pouvoir y prendre la parole. C’est bien cette fonction d’anchorman (très expressive dans la langue anglaise) de la profession journalistique qui œuvrait à ancrer la réalité du monde télévisé dans celle du quotidien du citoyen que s’est appropriée l’internaute avec toutes les dérives que peut rencontrer un individu autodidacte ou partisan. Au risque, pour certains, de sombrer dans une forme de solipsisme à travers des « bulles de filtrage » (Pariser, 2011), puisque cela peut tout simplement signifier, pour certaines diasporas, de tomber dans le cercle vicieux du réseau puisque « c’est moi la source » mais que c’est aussi, à l’autre bout du réseau, un destinataire qui peut-être le même que moi.

Autre facteur, l’accès à l’information a bénéficié très rapidement de la portabilité, de la quasi-gratuité et de l’ubiquité de ces interfaces nomades et sans doute de cet attrait tout à fait particulier qu’elles ont suscité, qui veut que l’usager a cherché à s’emparer d’une technologie qu’il avait déjà à portée de main et parfois même dans sa poche. Servis par l’inventivité et l’activité imaginative qui ont permis l’apparition d’applications et d’utilisations innombrables, les usagers ont pris le pouvoir et fait leur choix. Ce sont eux qui, aujourd’hui, contribuent activement à la co-production d’une syntaxe de parcours sur le Web, fréquemment captifs de séquences ou de modules, fruits de l’architecture du site et de l’agencement des pages écran, mais le plus souvent à leur insu de la « main invisible » du marché. Néanmoins, l’internaute est devenu l’acteur majeur de cette « textualité navigante » telle que l’a décrite Dominique Mainguenau (2013). Un public mobile et autonome, bien loin de la masse mutique et amorphe, trop souvent fabulée, à laquelle nous avaient habitué les médias de masse. Un usager qui se définit et se dévoile désormais à travers une véritable performance, un passage à l’acte, très éloigné de ces « presque-publics » (Dayan, 2000) du petit et du grand écran (Soulages, 2017).

Dernier facteur, cet éparpillement des audiences entérine une fracture inter-générationnelle, voire intercommunautaire qui, comme le constate Hartmut Rosa, risque de conduire à une possible « désynchronisation sociale » (Rosa, 2013, p. 139). En effet, certains médias ne s’adressent plus à un « nous » collectif, reflet zombie de ce grand public rejeton de l’État-nation, mais exploitent les ressources performatives et les attentes d’individus diasporiques issus d’un long processus historique d’individualisation et de marchandisation perpétré par la société de consommation. Ces êtres ambivalents et multifaces, qui se sont libérés en partie des frontières et du tunnel éditorial des rédactions, apparaissent désormais comme des citoyens actifs, désencastrés des collectifs nationaux, membres singularisés de cette « multitude » décrite par Hardt et Negri (2004). Néanmoins, ils sont dans le même temps devenus des cibles marketing, tracés continûment par les algorithmes des robots.

L’agonie du citoyen cathodique

C’est du même coup notre conception du public et des médias traditionnels qui se met à vaciller. Car, sous le poids et l’influence du marché et des réseaux, l’imaginaire d’un collectif local ou national sur lequel s’est établi la plupart des systèmes médiatiques européens, s’est petit à petit laissé déborder et désarticuler pour laisser place à une navigation et à une consommation individuée et boulimique de liens et de pages écrans. À ce grand public dont ont accouché les médias de masse historiques, hégémoniques et fédérateurs d’un espace public, circonscrit à l’État-nation, supposé être homogène, s’est substituée l’exhibition publique de l’agora d’individus singuliers agglutinés en diasporas numériques au cœur d’un « espace public mosaïque » (François et Neveu, 1999). Insensiblement, les frontières de ce territoire se sont déplacées, et beaucoup s’interrogent pour savoir si ses limites sont en définitive seulement nationales, publiques, intersubjectives ou bien s’il faut les assimiler à des lisières du social inédites, celles du global et celles de « l’extime » (Tisseron, 2001).

Cette médiation que Habermas faisait reposer historiquement en Europe sur l’arrivée au pouvoir d’une classe bourgeoise lettrée – et en creux sur l’exclusion des classes populaires et de groupes « subalternes », jeunes, femmes, indigènes, etc. –, a longtemps encadré la circulation et la lente démocratisation de la parole publique. Cette conception élitiste et exclusive du droit à la parole et à la critique, adossé à ce « culturocentrisme » défendu par les premiers penseurs de l’École de Francfort peut se comprendre comme une des manifestations d’un discours de légitimation de positions sociales et idéologiques libérales dont la société française au cours des deux siècles précédents a été le parangon. Ainsi, à travers la main mise sur des dispositifs médiatiques et l’agenda thématique, il ne s’agissait pas moins, pour les représentants successifs de l’État français, de chercher à diffuser auprès du plus grand nombre des discours répercutant l’imagerie de la citoyenneté républicaine de la première modernité.

À partir des années 1970, la montée en puissance de la société de consommation, du temps libre et des loisirs, tout comme l’ascension des classes moyennes et la reconnaissance progressive de ces groupes subalternes cités plus haut, deviennent des facteurs déterminants de l’accélération de cette médiatisation de nos sociétés. Cette classe moyenne éduquée, héritière putative de l’espace public bourgeois habermassien, a accompagné le cheminement des Trente glorieuses en se tournant progressivement vers la fréquentation des nouveaux médias, entre autres, la radio puis le petit écran. La multiplication des interfaces médiatiques et le développement des pratiques cognitives qu’elles ont générés ont nourri cette réflexivité, berceau de la seconde modernité et accouché dans l’hexagone d’un « citoyen cathodique », le « français moyen », avatar du grand public national (Soulages, 2010).

Toutefois, dès que le média a atteint son régime de croisière et est devenu en France un authentique média populaire et commercial, abandonnant brutalement les discours politiques de légitimation d’un destin collectif, les porte-paroles de cette classe ont été propulsés à la périphérie du paysage audiovisuel. Cette idéologie invisible de la modernité libérale devenue une culture d’accompagnement de « l’entre nous » (Lefort, 1978, p. 321) survit encore en France sur les chaînes d’information continue ou sur les réseaux thématiques (Arte, Mezzo, France Culture, etc.) ou dans les horaires résiduels des chaînes du service public.

Le grand public populaire s’est installé définitivement au cœur des chaînes commerciales. Il s’y est accaparé des dispositifs répercutant frontalement et souvent crûment le débat ou l’expérience sociale (jeux, débats, télé-réalité, etc.) dans lesquels l’expertise et l’information documentée ont été rejetées à la périphérie dans des programmes résiduels (Soulages et Lochard, 2003) ghettoïsant ainsi la parole journalistique. Le spectre cognitif et affectif de la sémiosis sociale s’en est trouvé sans doute considérablement élargi mais surtout rabattu sur les préoccupations du monde vécu personnel incarnant la citoyenneté de la seconde modernité, a-sociale et singularisée (Martuccelli, 2010).

Ce sont ces opérations de désencastrement du collectif et de segmentation de l’audience qu’a accompli progressivement cette néo-télévision et son parangon, la téléréalité, en démythifiant du même coup la notion de grand public. À tel point que cette programmation de la réception a pu dessiner une nouvelle silhouette du public, celle de publics pluriels fait de créatures incarnées, scandant leurs différences et leurs singularités (Soulages, 2012) et auxquelles Internet vient procurer un nouvel eldorado.

Vers la fin du rôle de gatekeeper

Sur les nouveaux écrans de la communication sociale comme l’avait prédit David Morley (1992), à une conception globale de l’audience, on doit désormais opposer des profils de publics multiples et éphémères. Il faut bien en convenir, la notion d’audience apparaît difficilement transposable pour décrire les usages des internautes dans la mesure où Internet ne s’inscrit plus seulement dans une logique de diffusion et de flux destinée à toucher simultanément de vastes auditoires, mais procède d’une logique interactive de connexion de diasporas hétérogènes et fluides qui se font et se défont au gré des liens hypertextes.

Ce sont majoritairement, les tactiques individuelles des usagers, ce « braconnage » que décrivait Michel de Certeau qui s’imposent aujourd’hui et de moins en moins des attitudes ou des comportements captifs et prédictibles (De Certeau, 1990). En effet, la trajectoire autonome et souvent aléatoire de l’internaute sur la plupart des sites offre une sorte d’épiphanie à une audience susceptible d’opérer en tant que public acteur et majeur (Wellman, 2003). Avec le Net et le réseau, l’audience – tracée dans les coulisses de la Toile – peut enfin montrer son visage pour devenir de temps à autre un public incarné.

L’une des premières conséquences de cette performativité des publics correspond à une reconfiguration, voire à l’effacement partiel de ce que Eliséo Veron appelait des « interfaces médiatiques » (Veron, 1996), c’est-à-dire les institutions, les dispositifs, les médiateurs qui gèrent et assurent le lien entre le citoyen, l’espace public et politique et au premier rang desquels le champ journalistique. Du côté des supports, ce sont désormais des plateformes qui peuvent assurer ce lien et parfois, quasi seuls, les algorithmes de robots, quand cette rencontre ne relève pas tout simplement de la sérendipité du parcours de l’internaute.

Du côté des contenus et des locuteurs, le sacre de l’amateur ou de l’expert, à la base de la pratique du blogue, omniprésente dans les éditions d’un média en ligne comme le Huffington Post, est un fait acquis, à tel point que le modèle du journalisme de rédaction semble pour certains en danger (Deuze et Witschge, 2017). Or, ces transformations ne sont pas sans conséquence dans le champ de l’information et plus particulièrement pour le pré-carré qu’y détiennent les journalistes. Cette reconfiguration inédite de la sphère publique entraîne mécaniquement le recul de leur rôle de gatekeeper qu’ils assuraient depuis toujours, mais aussi correspond à une reconfiguration de l’espace public. Ces phénomènes témoignent du désencastrement des cadres institutionnels verticaux, collectifs et centralisateurs établis laborieusement dans le cadre de l’État-nation au profit d’intermédiaires inédits exploitant la structure réticulaire, horizontale et individualisante des médias sociaux (les sites en ligne et bien sûr Google, Twitter, Instagram, Facebook, etc.).

Yves de la Haye a dépeint cet espace balisé de la communication nationale du politique claquemuré jusqu’au milieu du XXeme siècle entre l’arène de la Chambre des députés et ses débordements dans la presse écrite (De la Haye, 1984). Le journaliste a pu apparaître, un certain temps, comme l’un des intellectuels organiques membre d’une fraction de cette classe moyenne encore enrôlée sous la bannière du progrès et de l’État-nation et susceptible d’être un des passeurs et défenseurs de cette appartenance à un collectif. L’effacement du rôle de ce dernier résulte simultanément de la crise identitaire que connaît la classe moyenne et de la dilution de ce ciment culturel collectif que lui prodiguait le discours des médias historiques.

Cette crise, qui atteint désormais la gouvernance politique dans de nombreux états européens, tient également à la désaffection des corps intermédiaires et à la dilution de positions sociales établies, voire à la dissolution de cet imaginaire discriminant de classe au profit de cette « multitude » déjà évoquée qui renvoie à des agglutinations d’individus et non plus à des collectifs marqueurs d’appartenances politiques ou sociales affirmées. Ainsi, si les médias traditionnels ont, dans un premier temps, servi de marche-pied et de passeport culturel à une classe moyenne montante, aujourd’hui on peut s’interroger sur la pérennité de cette fonction et surtout sur son utilité (Beaud, 1984).

L’arrivée d’Internet coïncide avec cette impasse. La vision positive et quasi libertarienne promue par le réseau des réseaux présuppose et proclame que l’accès de tous est désormais possible et a pour première conséquence le fait que mécaniquement, les interfaces ou les passeurs ont perdu en partie leur statut décisionnaire de « guichetiers » puisque l’ensemble de la planète peut virtuellement avoir accès aux sources et aux ressources numériques. En conséquence, aujourd’hui peut-être devient-il inutile et surtout contreproductif de tenir encore le public par la main.

Il convient toutefois de ne pas oublier que cette carence de la médiation fait courir le risque de favoriser un régime d’anomie sociale et de conforter le règne des prêts-à-penser et du populisme. Certains se risquent même, comme Jayson Harsin (2015), à nous annoncer l’entrée dans une ère de la post-vérité (« post-truth ») où toutes les informations, vraies ou fausses, se vaudraient. Certains, de façon plus cynique, relèvent le fait qu’en définitive, c’est bien le néo-libéralisme qui a gagné et qu’il n’y a plus dans notre société que des individus2, et peu et parfois plus de place du tout pour une posture et une vision du collectif (Lessig, 2004).

Le global, de nouveaux modèles : la stratégie du Huffington Post

Ces mutations à l’échelle mondiale du système médiatique expliquent en partie le succès d’un « néo-média » comme le Huffington Post. Son parcours illustre à plusieurs titres cette mutation en cours, perceptible dans la flexibilité et l’hybridité de sa logique rédactionnelle en rupture par rapport aux normes en vigueur jusque-là, même si des ajustements sont toujours en cours. Son adossement au local, tout en ayant en vue un empire global, lui a évité les déboires d’un média mondial comme CNN qui a dû, petit à petit, renoncer à son statut planétaire et hégémonique dans l’information internationale en continu au profit d’un essaimage de médias continentaux ou locaux. Présenté à la presse et au public en 2005 aux USA comme un média indépendant qui vise à révolutionner le journalisme grâce à une offre numérique « alternative » tant du point de vue technologique que politique, le Huffington Post se décline aujourd’hui, dans plus de 20 pays, et connaît au niveau mondial plus de 200 millions d’usagers. Suite à son rachat par AOL en 2011, il a développé une stratégie d’expansion internationale qui consiste, dans la plupart des cas, à nouer des partenariats financiers et managériaux avec des institutions médiatiques préexistantes dans les pays d’implantation.

Au niveau local, à chacune de ses implantations, le Huffington Post peut ainsi compter sur le trafic de médias partenaires comme Le Monde en France et Abril au Brésil. Du point de vue de l’architecture du site et de l’offre éditoriale, les deux éditions suivent le modèle américain tout en intégrant des apports locaux (contributeurs, rubriques, offres publicitaires, etc.). On doit relever, en premier lieu, l’effet marque globale du Post qui, comme beaucoup d’autofictions propres à la Toile, est rattaché et doit son nom à l’un de ses fondateurs, Ariana Huffington qui expose à loisir la bible du journal à chaque nouvelle étape de la croissance du groupe. Ainsi lors de l’inauguration du Post allemand en 2013, elle déclare : « Le HuffPost, qui est un hybride des médias – une combinaison d'organes de presse qui l'an dernier a gagné le prix Pulitzer pour son journalisme d'investigation et pour la formidable plateforme permettant à des milliers de voix qui autrement n'en auraient pas eu l'opportunité, de se joindre à la conversation mondiale. Notre objectif n'est pas de relater les faits les plus importants, mais d'aider le peuple allemand à conter ses propres histoires – à travers des mots, des images et des vidéos3»

Du côté français, l’actuel directeur de la rédaction Paul Ackermann a rappelé que lors de son embauche le mot d’ordre des américains a été « Tu fais un site français d’informations ! » Même si un travail de coopération entre les équipes internationales se fait de plus en plus à travers ce qu’ils appellent à l’interne la « global newsroom », Paul Ackermann confirme que les choix dans le traitement des informations restent totalement libres pour les éditions locales. En effet, « cette conversation mondiale » fait cohabiter la production d’articles d’actualité nationale et globale avec l’expression d’opinions très souvent locales sous forme de blogs signés par des experts, des personnalités reconnues ou encore « des témoignages hors normes, un peu exceptionnel » (Communication personnelle, 5 avril 2016). En 2013 par exemple, le Huffington Post France s’est clairement positionné pour le mariage pour tous. C’était le premier média à publier une tribune du premier marié gay en France. À l’époque chargée du projet de loi, Christiane Taubira en publiait une, elle aussi. Grâce à ces contributions collaboratives bénévoles, mais en partie seulement, et en misant sur son adossement à un média local, les coûts de production d’un tel média en ligne sont plutôt réduits et font que les revenus des éditions locales peuvent dépendre quasi exclusivement de la publicité.

Convergence transmédia et hybridité des rôles éditoriaux

Tant sur le plan de la forme que du contenu, les éditions du Huffington Post se démarquent du médiacentrisme et de la rigidité éditoriale des sites-miroir de la presse en ligne. La politique éditoriale du groupe a misé très tôt, d’une part, sur une offre foisonnante et polyphonique de blogues et, d’autre part, sur l’imbrication continue de multiples « registres signifiants » (Veron, 1989) pour reprendre les termes de Veron, c’est-à-dire l’accumulation et l’ouverture continue dans ses éditions à de nouveaux formats et de nouveaux dispositifs sémiotiques et énonciatifs (photos, vidéo, diaporamas, etc.), devançant souvent cette logique de convergence transmédia et crossmédia de la nouvelle discursivité sociale pointée par Henry Jenkins (2013).

À tel point que la mise en ligne de l’actualité y repose sur une mise en écran qui s’étaye de plus en plus sur une projection continue d’images et de signes (Soulages, 2012). Sa page de garde évolutive, la multiplication des liens, l’arborescence fluctuante des blogs, le renouvellement permanent des pages écran font du Post un objet mobile et malléable qui joue continûment sur une accumulation de facteurs d’activation calligraphiques, photographiques, cinématographiques ou télévisuels. Alors que la lecture du journal imprimé obéit à une logique linéaire et une homogénéité tabulaire, celle du Post va non seulement faire alterner des pages écrans, mais aussi des objets images constitués de blocs sémiotiques déployant des registres signifiants tout à fait variables. Sur un fond d’écran blanc, l’agencement délibéré et l’attractivité de ces modules de textes ou d’images entre en synergie avec la pression de la publicité qui milite sur les écrans pour la discontinuité de la lecture et l’interruption du flux.

Dans ce format composite, ce sont donc la visibilité et surtout l’attraction de la mise en page et en scène de la nouvelle qui désormais priment. Le public accompagne cette tendance qu’il a grandement contribué à susciter par ses exigences accrues et sa quête de l’originalité. Dans le but de capter des audiences de plus en plus volatiles, Le Post propose des trajectoires individuelles à des diasporas de lecteurs qui s’agrègent autour de facteurs d’activation disséminés dans le site ; des effets de titrages, des visuels de toutes sortes, des blogues, des nœuds et des liens encadrent la « textualité navigante » du lecteur. Aussi, loin d’obéir à une trajectoire et une pagination univoque, l’usager va à la rencontre de zones-carrefours susceptibles de générer différents paysages informationnels possibles même si, sans doute, ce n’est qu’un fragment infime de ces possibles qui lui sera accessible. Ainsi, comme l’avance Lev Manovich, au cœur de ces « néo-médias », c’est bien l’interface logicielle et la plasticité de ses usages qui viennent structurer la réception des nouvelles (Manovich, 2013)

Sur le plan des contenus, ceux-ci connaissent une expansion démultipliée et tout à fait éclectique. Sur la Une du Huffington Post peuvent se succéder la tribune politique de Barak Obama, les frasques des célébrités ou bien les diktats des fashonistas sur les tendances. Ce format disparate contribue à l’ouverture et à l’élargissement du spectre du regard journalistique. Au fans de musique, de mode, de scandale, aux férus de géopolitique ou de contre-culture, tout peut coexister et tous peuvent s’y croiser.

Deux processus sont ici à l’œuvre. Le premier est le choix de privilégier un format éditorial que l’on pourrait qualifier de « production omnibus » (Soulages, 2007) dans la lignée de certains programmes fédérateurs qui ont suivi la dérégulation de la télévision à l’aube des années 1990 qui cherchaient à offrir à leurs publics en une seule émission un catalogue de genres et de thématiques tout à fait disparates et susceptibles de capter des audiences plus larges et diversifiées. Le second processus tient au lissage des différences que l’on perçoit aussi bien dans une cohabitation délibérée entre soft news et hard news – de l’article sur les amours d’une célébrité à la chronique d’un ministre, du fait divers insolite à l’attentat terroriste – mais aussi dans le voisinage d’énonciateurs souvent antinomiques ; la parole éditoriale, la parole amateur ou experte des blogues ou bien celle encore de nombreux « messages publicitaires » – cette « publicité native » sous forme d’articles ou de mini-magazines labélisés « contenus de marque ». Ce regard tout azimut d’un métarécepteur transmédia est celui d’un sujet universel et cosmopolite, surplombant le local et le particulier.

L’ambivalence d’un double regard

À travers sa stratégie d’implantation tant au Brésil qu’en France, le Huffington Post, du fait de sa malléabilité et de son spectre énonciatif, rhétorique et thématique très étendu, a su s’adapter à la galaxie réticulaire et globale du Net. Il a mis en avant une dynamique de partage avec ses usagers, option décisive quant à la migration de ses contenus à travers le fil des liens et des tweets transmis sur la Toile. De plus, en recourant aux blogues, cet élargissement du spectre de l’actualité comporte un changement de point de vue. Le monde n’est plus seulement vu d’en haut ; il peut désormais être vu d’en bas avec ces autres qui prennent la parole, et non plus loin des autres comme le pratiquent le plupart des médias.

L’espace public n’est ainsi plus une scène hégémonique peuplée de citoyens abstraits, sujets politiques mutiques, mais ce sont des voix singulières qui expriment tour à tour leurs critiques, leurs oppositions ou leur soutien au cœur d’une arène publique d’opinions désormais assumées par des êtres incarnés, genrés, ethnicisés, en un mot « singularisés » (Martuccelli, 2010). Pour ce faire, à côté du flux des nouvelles de l’actualité du jour, peuvent aussi bien cohabiter l’ébauche d’un quasi- magazine féminin, d’un journal à scandales, d’un magazine économique, ou bien d’un magazine automobile, etc. À tel point qu’à certaines occasions, la page écran en vient à prendre l’allure d’un véritable portail. L’usager y est à même de choisir sa propre trajectoire et s’inventer son propre monde possible. Même si un rubricage est toujours présent dans la barre des menus, il est délaissé au profit du libre arbitre de l’usager qui peut, à son gré, composer son propre puzzle.

Au cours d’une interview, Diego Iraheta, directeur de la rédaction du Huffington Post Brésil4, insiste sur ce positionnement : « L’internet a permis aux voix, qui étaient avant trop segmentées, d’avoir plus d’espace et de visibilité. Dans le cas de notre média, c’est tout à fait cela ! On s’intéresse aux voix des femmes, gays, blacks, pauvres, de la banlieue, etc. ». Selon lui, ces choix d’agenda impliquent toutefois un minimum de recul afin de ne pas se trouver piégé par un discours trop dramatisant et émotionnel. Chaque site du Post s’efforce ainsi de capter sans cesse de plus larges diasporas numériques en élargissant son spectre énonciatif et informationnel.

À ce titre, la recherche de publics traditionnellement délaissés par les organes d’information généralistes, et tout particulièrement le public féminin, va se retrouver en première ligne dans la stratégie du média. En proposant des sujets plus « féminins » (art de vivre, santé, fitness, cosmétique, etc.), le média réussit à mixer des identités éditoriales multiples et donner naissance à un média « crossgenre » tout à fait hybride. Cette pratique rédactionnelle n’est pas un simple artefact marketing ; elle est tout autant portée par le travail de la rédaction que par la mise en ligne des revendications identitaires et statutaires de locutrices se réclamant d’un « postféminisme » exprimé par la nébuleuse des blogues relayant ou assumant le droit des femmes et des personnes LGBT.

Ces faits sont corroborés par les premiers résultats de la recherche en cours JADN, évoquée plus haut, qui s’efforce d’établir une cartographie sémantique ou un « newsscape » du flux des éditions du Post5. Le traitement d’un « thème évènement » comme la « condition féminine » dans les éditions françaises (2 100 articles et blogues) et brésilienne (741 articles et blogues), met en évidence que les sujets Mode-beauté – un des avatars du male gaze dénoncé par Angela Mc Robbie (2009) dans les discours médiatiques généralistes – sont finalement en très petit nombre (7,57 % Brésil et 8,16 % France) alors que des sujets plus ancrés dans un positionnement féministe (les 4 domaines scéniques ; Droit des femmes, LGBT, Harcèlement sexuel, Sexisme) représentent 24,33 % pour le corpus brésilien et 32,90 % des sujets pour le corpus français, soit un quart ou presque un tiers des articles et blogues.

Ces revendications identitaires et cet effacement de la frontière entre privé et public, mais aussi la porosité rédactionnelle entre témoignages, reportages, récits de vie et critique sociale, redéfinissent le nouveau contrat de lecture proposé par le média. Contrat structurellement ambivalent proposé pour une part à un citoyen universel et global qui partage les mêmes valeurs et, d’autre part, à un citoyen « glocalisé » au Brésil ou bien en France (Robertson, 1994).

On peut ainsi relever des écarts dans le traitement de ce même thème évènement dans les deux éditions. Le domaine scénique famille / mariage le plus représenté dans l’édition brésilienne (plus d’un blogue sur dix y est consacré) est totalement minoré dans l’édition française. Or, si ce domaine scénique est abordé frontalement au Brésil, en France, société profondément sécularisée, il le sera également, mais en opérant un détour par les frasques des personnalités du spectacle (mariages, divorces, maternité de stars ou de personnages de fictions).

Toujours au crédit de ces divergences, on peut relever une thématique tout à fait spécifique qui apparaît dans l’édition brésilienne, le traitement atypique et les stratégies volontaristes de reconnaissance identitaires et statutaires de la « femme noire », tout comme dans l’édition française la valorisation de l’univers culturel. Ainsi, dans chacune des éditions, face à l’exhibition de la vitrine et de l’encyclopédie d’un monde possible global, c’est une partie de la société civile qui épisodiquement ajoute ses particularismes et co-construit un projet de médiation entre global et local.

Du même coup, ce phénomène ambivalent va influer sur l’agenda de l’actualité proposé par les éditions locales du Huffington Post qui vont secréter, au jour le jour, la cartographie de ce grand partage en sélectionnant certains items au détriment d’autres. Pour une part, les publics du Huffington Post ont adopté le monde possible d’un être extraterritorial, avatar multicarte et cosmopolite, clone sans aucun doute de cet « individu par excès » décrit par Robert Castel (Castel, 2009), rejeton de la société de consommation globale grâce à laquelle ses représentants ont pu assouvir, depuis des décades dans nos sociétés, leurs besoins et parfois leurs désirs en nourrissant leur image narcissique (Lasch, 2006). Or, on perçoit bien que le Post, s’il prône ce socle commun global, s’efforce de l’inscrire dans le tissu local en en réverbérant, à travers les blogues, les singularités. Cette googelisation de l’agenda des nouvelles et cette hiérarchisation de l’actualité en viennent progressivement à dessiner les nouveaux cadres culturels et sociétaux à destination de l’environnement cognitif de nouveaux publics « glocalisés ».

Le local : de nouveaux médias citoyens

La seconde polarité que nous analysons dans le paysage de l’information en ligne est centrée exclusivement sur le local. Attestant de grammaires de production divergentes, l’explosion d’une offre d’information en dehors des médias en ligne dominants est considérable dans la plupart des pays. Le cas brésilien est assez révélateur de ce fonctionnement. Si dans les années 2000, la jeune démocratie latino-américaine donnait des espoirs au monde d’être le nouvel eldorado des pays du Sud, les années 2010 vont progressivement plonger le pays dans la plus grande succession de crises politiques, économiques et sociales depuis la fin du régime militaire.

Le mois de juin 2013 a été marqué par l’éclatement du mouvement labellisé « printemps brésilien ». Initialement déclenché par l’augmentation des tarifs des transports en commun dans certaines capitales, l’agenda de ce mouvement a rapidement évolué vers des questions d’ampleur nationale comme le financement des méga-évènements sportifs et les affaires de corruption politique. Comme dans d’autres pays qui ont connu des printemps révolutionnaires, l’année 2013 marque au Brésil un tournant décisif pour les dynamiques sociales. Les revendications se sont alors multipliées dans plusieurs États ; les tensions politiques sont devenues plus latentes ; une scission sociale s’esquisse entre les partisans de gauche et de droite (Kurpiel, 2017). En 2014, la présidente Dilma Roussef du parti des Travailleurs (PT) est réélue de justesse contre son adversaire de droite, Aécio Neves, représentant du parti social-démocrate brésilien (PSDB) : 51,52 % contre 48,48 % des suffrages. Suite à une mobilisation de l’opposition politique, avec le soutien d’une partie de la population, notamment celle issue de milieux favorisés, la présidente est destituée en 2016 et le gouvernement est repris par la droite conservatrice de Michel Temer.

Parallèlement à cela, le Brésil fait face à contexte médiatique où règne un régime d’oligopoles proche d’autres voisins latino-américains comme l’Argentine, la Colombie et le Mexique. Dans ces contextes locaux, les investissements publicitaires venus de l’État sont souvent accordés à des entreprises médiatiques comme une forme de « récompense » à leur soumission6. Au Brésil, six groupes de com-munication concentrent à eux seuls 90 % des recettes publicitaires publiques et privées7 : Globo, Editora Abril, Folha, Grupo RBS, Silvio Santos et Rede Record. Le plus souvent à leur tête, nous avons des familles industrielles impliquées dans la vie politique et marquées par un positionnement de droite conservatrice.

Dans ce contexte d’instabilité nationale et de concentration médiatique, des collectifs citoyens ont progressivement occupé des espaces de production et de diffusion d’information dans une quête pour une plus grande représentativité sociale et reconnaissance de leurs luttes (Honneth, 2015). Plusieurs projets médiatiques ont ainsi surgi dans le Web. Leur démarrage s’est fait principalement avec les moyens du bord sous forme de brouillons de blogues ou de simples pages Facebook ou encore de comptes Twitter, puis graduellement ils se sont structurés et consolidés dans le médiascape local. En 2016, l’Agência Pública8, un site de journalisme d’investigation de référence au Brésil, a lancé le projet pionnier dans le pays de cartographie9 des initiatives journalistiques indépendantes en ligne. Des 81 médias recensés, 30 ont été fondées entre 1995 et 2012 et 51 entre 2013 et 2018. Les années 2014 et 2015 sont celles qui ont été les plus fécondes, avec création de 38 sites d’information.

Les médias de ce panel ont des profils très hétérogènes, s’intéressant aussi bien à des thématiques généralistes (actualité, politique, économie) qu’à des sujets ciblés (féminisme en banlieue, les questions environnementales amazoniennes, l’actualité à partir du point de vue de « mamans » scientifiques). Malgré leurs différentes approches éditoriales, ces médias partagent un discours médiatique identitaire axé sur l’action sociale et l’engagement en faveur de causes. Soixtante-quatre pour cent d’entre eux définissent leurs objectifs comme des « buts actionnels » de « faire-faire » (Lochard et Soulages, 1998, p. 98), « faire-agir », voire « faire-réagir ». Ils vont être caractérisés par une démarche militante en faveur des publics subalternes et une opposition explicite aux contenus des médias hégémoniques (féminisme, visibilité de la banlieue, lutte des peuples indigènes, débat des questions raciales, médiactivisme). Pour les autres 36 %, l’engagement est moins centré sur la contestation et plus orienté vers la sensibilisation et la médiation informationnelle sur des thématiques telles que l’environnement, la culture, l’actualité. C’est par un contenu approfondi que ces médias se prédisposent à « faire savoir ».

Malgré ses limites, cette proposition de recensement de l’Agência Pública permet de repérer l’orientation sociale marquée des producteurs de contenus et de leurs publics. Cette période mouvementée de l’histoire nationale a stimulé en réalité l’émergence d’un médiascape local alternatif et un investissement personnel de citoyens professionnels et amateurs. Si, dans le Huffpost, le méta-récepteur navigue sur des contenus globaux et personnalise l’offre existante en l’adaptant à ses propres singularités, dans ces sites alternatifs en ligne les contenus sont portés avant tout par un médiateur social local et intracommunautaire. Imprégné de la légitimité d’un vécu, il établit une connexion avec ceux qui partagent une même réalité sociale. Ce n’est pas le journaliste qui parle. C’est en réalité l’un de nous.

Des producteurs de contenus, acteurs sociaux par défaut

Robert Castel définit l’individu « par défaut » comme celui issu d’une « culture de l’aléatoire » (Roullaud-Berger, 1991 cité par Castel, 2010, p. 301), un citoyen plongé dans une précarité qui empêche toute stabilisation du présent et anticipation de l’avenir. Cette précarité peut être de l’ordre matériel, mais aussi au niveau de la privation des droits juridiques ou de reconnaissance de cet individu. « Se forment ainsi des zones grises de la vie sociale qui ne sont pas régulées par les principes qui inspirent la mise en place d’une sécurité sociale généralisée, constituant un socle de ressources permanentes pour les individus » (ibid., p. 302).

Cet individu pour Castel n’est pourtant pas dépourvu de forces d’action, paralysé ou résumé à sa malchance. Au contraire, pour survivre dans cet environnement inhospitalier, il devra faire constamment preuve d’ingéniosité, de débrouillardise et même « d’un grain de filouterie ». Ce sens de l’action sociale et l’opposition à un destin principalement imposé sont présents dans le discours des fondateurs des médias alternatifs10.

Si cette figure du citoyen par excès que propose à son public le Huffpost s’inscrit dans une dynamique de consommation individuée de l’information, le citoyen par défaut des médias alternatifs s’accroche au collectif et essaye de conquérir des terrains visibles et audibles qui ne lui étaient pas forcément destinés. Pour ces individus, le média incarnerait le support de la « vitrinisation » de sa propre « zone grise », un espace où il n’aurait plus le choix que de transcender sa condition de public ou de méta-public, pour devenir un membre à part entière d’un projet de faire savoir et de faire faire.

Ainsi, à l’opposé de la pratique traditionnelle où le journaliste aurait comme point d’ancrage le lieu physique de la rédaction du média, dans les médias alternatifs, le point d’ancrage serait placé plutôt dans cette « zone grise », espace symbolique et partagé des privations. Ces citoyens vont intégrer ces espaces non comme des professionnels intégreraient un poste de travail, mais plutôt comme des membres intimement impliqués de communautés solidaires et localisées.

En 2014, Ponte Jornalismo11 a publié sa première enquête avant la mise en ligne du site internet et, pour l’occasion, a dû faire paraître son article sur le blogue d’un confrère. Fausto Sartori (communication personnelle, 25 mars 2016) et les sept autres cofondateurs du média ont été contactés par la famille d’un adolescent jugé coupable par toutes les instances judiciaires d’un vol dans son immeuble. Les caméras de sécurité prouvaient pourtant pertinemment son innocence. Peu de jours après la publication du texte, le mineur a été libéré. Sartori explique qu’ils ont été progressivement appelés à investiguer sur ce type d’histoire. Plongés dans un sentiment d’« urgence d’agir », ils ont fini par sauter les phases de conception d’un projet médiatique pour passer directement à l’action. Ce n’est seulement qu’au fur et à mesure de la publication des enquêtes que l’équipe a commencé à se questionner sur la durabilité du projet et les possibles solutions de financement pouvant garantir sa continuité.

En ce qui concerne le choix des sujets, Brenno Tardelli, cofondateur du site internet Justificando12, affirme fonctionner « avec le cœur, dans la chaleur du moment », son intérêt porte uniquement sur des thématiques sur lesquelles « une pure relation sentimentale » s’installe (communication personnelle, 21 mars 2016). Le site internet a été mis en ligne en 2014, sa période embryonnaire date cependant du printemps brésilien de 2013, moment de la rencontre de Tardelli avec les autres fondateurs des médias dans les postes de police. Comme lui, les autres jeunes avocats étaient à cette occasion mobilisés pour la libération de personnes arrêtées durant les manifestations. Ils composaient un collectif appelé « Avocats activistes » et disposaient d’un site internet. Brenno a intégré le projet et en plus du support juridique a produit des textes d’opinion et d’information qui ont « viralisé » en ligne. Cette visibilité surprenante les a poussés à développer le projet d’information juridique qui deviendra Justificando.

L’incarnation et l’engagement dans une lutte par le producteur de contenus peuvent amener à un effet de brouillage entre les trois rôles historiquement reconnus du discours journalistique : l’expert, le témoin et le producteur d’information. Dans ce contexte, le citoyen se désindividualise pour devenir un prototype de « citoyen par défaut ». Nós, mulheres da periferia13 est un collectif de sept femmes féministes issues des périphéries pauvres de São Paulo engagées dans la lutte pour plus de visibilité de cette minorité. Le projet éditorial avait pour but initial la création d’un espace de conversation entre les femmes partageant les mêmes problématiques dans la mégalopole. À l’origine, elles publiaient leurs propres récits de vie, leurs propres histoires de peur, d’exclusion, d’handicap que ce « label » de femme, noire et favelada impliquait dans leur quotidien. Cet espace de publication a été par la suite étendu à d’autres femmes, des connaissances de leurs propres quartiers, puis au public.

Si, au départ, le collectif croyait toucher uniquement un public de la périphérie de São Paulo, rapidement ces femmes ont été surprises de constater que cela dépassait largement le cadre local territorial. Elles ont pris conscience que jusqu’à 3 ou 4 mille kilomètres de distance, dans les zones les plus éloignées de l’Amazonie et dans d'autres grandes villes du pays, ces femmes vivaient les mêmes paradoxes, dépendaient des mêmes structures et souffraient des mêmes stigmates sociaux. Plus qu’une proximité avec les lecteurs, le site du Nós était un prolongement de son public par défaut, un espace de médiatisation d’une « zone grise » partagée dans différentes réalités intimes et malgré le contexte territorial. Cette dynamique rompt avec toute sacralisation et verticalité qui prend place dans la relation journaliste-public, permettant la création de véritables communautés virtuelles, des communautés par défaut.

Le média, c’est moi : les communautés virtuelles par défaut

Le partage de réalités singulières et de l’intimité des producteurs de contenus favorise l’établissement d’un climat de camaraderie et d’entraide avec le récepteur. Le média devient ainsi un prolongement de ce récepteur, un terrain familier où il est tenu d’écouter, où il peut s’informer, mais où il est aussi tenu d’agir à partir d’une posture citoyenne proactive (Nielsen, 2015). Lado M est un site fondé et géré par trois étudiantes universitaires de la ville de São Paulo qui aborde diverses questions autour du féminisme.

Le 8 mars 2016, elles ont lancé la campagne sous forme du hashtag : #NãoQueroFlores (« je ne veux pas des fleurs »). L’objectif était de rappeler le sens à l’origine de la journée internationale des droits des femmes et d’inciter les filles à dire ce qu’elles souhaitaient véritablement avoir pour leur quotidien. À la surprise des fondatrices, cette campagne a pris une ampleur nationale, arrivant à la première place du Trend topics du réseau social Twitter au Brésil. Selon elles, la clé de ce succès inespéré fut la rediffusion et la réappropriation du hashtag par les récepteurs, notamment à travers sa republication dans les espaces personnels d’autopublication. L’effet de viralisation a attiré l’attention d’un public plus large qu’habituellement, y incluant une partie de celui des médias de masse traditionnels. O Globo, Terra et Rádio Bandeirantes sont parmi les médias qui ont inclus la campagne de Lado M dans leurs agendas informationnels.

Apparaît ainsi un véritable site de mise à disposition d’un espace de publication autonome qui permet d’intégrer des terrains sociaux et de rapprocher des communautés locales. L’établissement de ces relations peut être favorable à la construction d’un réseau d’informations et révéler une dynamique de coopération en faveur d’un enrichissement collectif. Ce type de relation peut aussi comporter des risques, notamment dans la formation de « médias-ghettos ». Ces espaces seraient composés par des citoyens qui y retrouveraient une certaine homogénéité sociale rassurante. Dans ce cas, les membres des communautés virtuelles s’enfermeraient dans des échanges qui ne feraient que renforcer leurs croyances et leurs représentations sociales préexistantes, empêchant toute ouverture à d’autres univers symboliques, accélérant un processus de « désynchronisation sociale ». Indéniablement, ces espaces permettent un gain de visibilité pour certaines minorités, conférant ainsi une visibilité à des questions sociales exclues des agendas des médias traditionnels.

Conclusion

Comme nous venons de l’observer, il existe bel et bien différents citoyens des réseaux et simultanément des diasporas numériques distinctes cohabitant avec leur propre monde informationnel. Les médias qui les génèrent, tout comme leurs publics, sont désormais délocalisés, transnationaux et pour ces derniers pro-actifs. L’audience prend au mieux l’apparence de multiples diasporas auxquelles le média sert de relais provisoire pour une navigation déjà globale. L’homothétie souvent fantasmée entre territoire, public et média s’est dissoute définitivement.

Comme le constate Henri Jenkins, un média n’est plus simplement une courroie de transmission entre producteurs, textes et publics, mais « un flux reliant les uns aux autres des acteurs sociaux » (Jenkins, 2013, p. 16). De l’addition de ces potentialités médiatiques nouvelles découlent des appartenances multiples et inédites, susceptibles de nous construire une nouvelle identité cosmopolite, cette communauté hors-sol qui correspondrait à ce « cosmopolitisme d’en bas » dont nous parle Ulrich Beck (2006).

Face à l’encyclopédie ouverte des « citoyens par excès » du Post, pour les publics brésiliens des sites alternatifs, l’acte quotidien de s’informer n’est plus à envisager comme le simple reflet d’un accomplissement ou l’écho d’une bonne conscience, mais comme une performance politique et sociale de « citoyens par défaut ». L’appropriation de l’espace médiatique grâce au réseau des réseaux autorise et incite à des investissements personnels et collectifs nouveaux. Dans cette nouvelle dynamique, le média retournerait de plus en plus à son statut de medium, médiateur social local et intra-communautaire plutôt qu’à celui d’institution globale et consensuelle comme peuvent l’illustrer les éditions du HuffPost.

Avec le réseau des réseaux, c’est bien la « zone proximale de développement » (Vygotski, 2013) du citoyen informé – pour reprendre le concept élaboré par Lev Vygotski – qui a implosé et s’est potentiellement considérablement élargie, ouvrant des perspectives d’accès à des sources et des ressources innombrables d’information et de circulation de celle-ci.

Le journaliste a servi longtemps à la fois de pédagogue, de garde-fous, de guichetier et de modèle à cette dernière. Son labeur quotidien a été le lent apprentissage du vivre ensemble, de la pensée commune, du politiquement correct et du politique au sens le plus noble. Depuis les origines, comme l’ont souligné chacun en leur temps Tocqueville et Tarde, la presse a été le porte-parole combatif mais aussi le locuteur ventriloque d’une opinion publique considérée comme mineure. À ce titre, les journalistes ont été des prosélytes efficaces de l’évangile démocratique de la liberté d’expression et de l’état de droit durant deux siècles. Ils ont ainsi servi de courroie de transmission pour la République française à l’hymne à la modernité nationale, victime aujourd’hui de la désaffiliation du collectif et du Progrès.

Si cette crise de la représentation atteint le journalisme, c’est sans doute parce qu’une certaine forme de journalisme aurait perdu en partie sa raison d’être, mais aussi peut-être, espérons-le, c’est par ce qu’il aurait réussi sa mission et qu’il peut passer le relais, dans certaines circonstances, au citoyen de base.

Solange Kurpiel est doctorante en sciences de l’information et de la communication
à l’Université Lumière Lyon 2, Centre Max Weber UMR 5283,
en cotutelle avec l’Universidade Federal do Paraná.


Jean-Claude Soulages est professeur des Universités, Centre
Max Weber UMR 5283, Université Lumière Lyon 2.




Notes

1

Notre contribution est un prolongement de l’article paru en 2017 dans la revue de l’université de Curitiba : Soulages, Jean-Claude, « Informação on line e seu Metarreceptor », Revista Uninter de Comunicação, 8 (5), jun, Centro Universitário Internacional (UNINTER) Curitiba – Paraná. Notre texte relate certains des éléments d’une recherche en cours « JADN » (journalisme à l’ère du numérique), financée par l’Institut des systèmes complexes Rhône-Alpes, qui vise à étudier ces « néo-médias » à travers différentes éditions du Huffington Post (France, Brésil, USA, Liban) et divers sites alternatifs dans leur contexte régional. Elle regroupe des universités brésiliennes du Parana, partenaires autour de chercheurs du Centre Max Weber (sociologie) et du laboratoire Eric (informatique) de Lyon 2. Nous ne présentons ici que les premiers résultats du volet franco-brésilien de cette recherche.



2

La célèbre tirade attribuée à Margareth Thatcher répondant à question d’un journaliste : « La société, cela n’existe pas, il n’y a que des individus... »



3

Huffington, Ariana (2013). Liebe Grüße depuis Munich : Le HuffPost s'installe en Allemagne. [En ligne] huffingtonpost.fr, 10.10.2013.



4

Interview réalisée le 9 novembre 2015 avec Diego Iraheta, directeur de la rédaction du Huffington Post Brésil, au siège de l’Editora Abril à São Paulo par Rosa Maria Cardosos Dalla Costa, Aline Horn et Luis Otávio Dias.



5

La mise au point d’un logiciel dédié, Newsbrowsers, a permis l’extraction de corpus d’articles susceptibles de mettre au jour l’actualité d’un « thème événement » (Soulages, 2002) dans un flux de nouvelles de plus de cinq mois. De ce premier traitement algorithmique a été retenu un thésaurus de descripteurs (tags) apparus en relation avec la thématique permettant l’extraction de corpus d’articles traitant de ce thème. Le traitement a débouché sur la distribution de ces derniers en différents « domaines scéniques » relatifs au différents tags attribués – comme /harcèlement sexuel/ viol/ sexualité/ famille/mariage, etc. Nous ne pouvons développer, dans le cadre de cette communication, toutes les modalités de cette recherche. Pour un développement plus ample de la méthodologie utilisée et du fonctionnement de l’interface logicielle dédiée, voir Newsbrowsers (Velcin, et al., 2017).



6

Sembra Media (2017). Inflexion point - Impact, threats, and sustainability. Los Angeles : Sembra Media, p. 7.



7

Jornal GGN (2015). ONU promove debate sobre monopólio da mídia no Brasil. [En ligne] jornalggn.com.br, 05.08.2015



8

L’Agência Pública est la première agence de journalisme d’investigation brésilienne sans but lucratif, fondée en 2011 par les journalistes Marina Amaral, Natalia Viana et Tatiana Merlino. L’agence est aujourd’hui l’un des médias alternatifs les plus prestigieux du pays, et cumule de nombreux prix nationaux et internationaux. La Pública a été également le premier média du pays à être nommé au « Prix de la Liberté de la Presse », décerné par Reporters Sans Frontières (2016).



9

O mapa do Jornalismo Independente est un projet dynamique itératif de recensement de projets de journalisme en ligne de caractère indépendant, c’est-à-dire des projets collectifs non liés à de grands groupes de médias, des politiciens, des organisations ou des entreprises. Lors de son lancement en 2016, la cartographie comptait 60 médias. En 2018, ils étaient 81 sélectionnés par la Pública. Ce système est basé sur une coopération entre la Pública et les internautes, qui peuvent réagir au panel de propositions par un système de likes, ainsi que par le biais de commentaires où ils peuvent également proposer des nouveaux noms à la liste. En 2018, le nombre de suggestions issues du public atteint 277 médias.



10

Nous avons réalisé des entretiens semi-directifs de 2016 et 2017 auprès de 12 fondateurs des neuf médias qui figurent dans la cartographie O mapa do Jornalismo Independente (#Colabora, Cidades para Pessoas, Cientista que virou mãe, Justificando, Lado M, Nós Mulheres de Periferia, Opera Mundi, Ponte, Porvir, Vaidapé) et avec la coordinatrice de communication de l’Agência Publica.



11

Ponte Jornalismo est un portail de journalisme d’investigation qui aborde des sujets autour de la sécurité publique, la justice et les droits humains.



12

Justificando est un site né dans le but de promouvoir le débat juridique de manière accessible à tous et a comme slogan : « Les esprits inquiets pensent mieux ». Depuis début 2017, il a été intégré au site de la plus importante revue de gauche du pays, Carta Capital.



13

Nós, mulheres da periferia est un projet pensé par des femmes des périphéries défavorisées de São Paulo avec l’objectif de donner de la visibilité à cette minorité, ainsi que de produire des informations, réunir des histoires et des récits de vie.






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Référence de publication (ISO 690) :
KURPIEL, Solange, et SOULAGES, Jean-Claude. Citoyens par excès, citoyens par défaut : les nouveaux usages de l’information en ligne. Les Cahiers du journalisme - Recherches, 2018, vol. 2, n°2, p. R179-R197.
DOI:10.31188/CaJsm.2(2).2018.R179


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