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Nouvelle série, n°3

1er semestre 2019

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Cadrage et déontologie : la présentation de l’information comme indicateur de biais

Michel Lemay, consultant en communication stratégique

Résumé

Le cadrage est le processus communicationnel qui, en mettant en évidence certaines informations plutôt que d’autres, et en établissant ou suggérant des liens entre elles, facilite la construction et la transmission du sens. Il suppose la mise en jeu, autant par l’énonciateur que par le récepteur, de références culturelles et de représentations mentales qui sont autant de schémas cognitifs accumulés au fil du temps et de l’expérience. Toute communication est cadrée, dans la mesure où l’énonciateur entend se faire comprendre du récepteur et prend les moyens nécessaires pour ce faire. En journalisme, la question se pose donc de savoir de quelle manière le cadrage entre en relation avec la déontologie, et notamment avec l’exigence d’objectivité. À l’aide d’une étude de cas, nous montrons comment l’identification et l’analyse des dispositifs de cadrage d’un texte peuvent éclairer des enjeux déontologiques.

Abstract

Framing is the communication process that facilitates the construction and transmission of meaning, by making certain elements of information more salient than others and by suggesting links between them. It implies that the sender and receiver have common cultural references and mental representations, or cognitive schemata, which were accumulated through personal experience and stored in memory. All communication is framed, to the extent that the sender wants to be understood by the audience and takes the steps deemed necessary to achieve that goal. News stories are framed as well, which raises the question of objectivity and journalism ethics. How do framing choices interact with professional standards? With a case study, we demonstrate how framing analysis can shed light on deontological issues.

DOI: 10.31188/CaJsm.2(3).2019.R097





L

a présente étude de cas explore comment les dispositifs de cadrage entrent en relation avec la méthode et les standards du journalisme, et avec quels effets apparents. Nous nous penchons sur une enquête du quotidien Toronto Star publiée le 5 février 2015. Elle portait sur Gardasil, un vaccin qui prévient des infections causées par le virus du papillome humain (VPH), qui peuvent mener au cancer. Cet article soulevait des doutes sur l’innocuité du vaccin et insinuait qu’il pouvait causer la mort. Il a déclenché une controverse qui a amené le journal à le retirer, mais sans reconnaître publiquement qu’il posait problème, alors que c’était le cas. En surface, le texte ne contenait que peu de faussetés au sens strict, et c’est ce qui fait son intérêt : il se présentait comme objectif.

Le cadrage, qui s’accorde en cela avec la nouvelle vue comme construction sociale, suppose que le journaliste interprète des informations qui étaient éparses avant qu’il les récolte, les réunisse et les présente de manière à leur donner un sens. Tout en orchestrant cette transformation de « faits » en « histoire », l’auteur est censé respecter la déontologie du journalisme dans la perspective de présenter une nouvelle qui soit « objective ». Nous sommes alors face à deux processus de modulation qui ne sont pas intrinsèquement incompatibles, mais qui ne sont pas non plus nécessairement congruents. En effet, toutes les nouvelles sont cadrées, c’est ce qui les rend intelligibles. Il est attendu du journaliste, cependant, qu’il « cadre objectivement ».

Si le réel en est la référence, les textes journalistiques témoignent d’un processus de gestation, de motivations et de contraintes qui, à des degrés variables, peuvent tendre à les en éloigner, notamment parce que le public recherche et privilégie une information qui correspond à ses attentes, et que les médias l’ont compris et tendent à répondre à ce besoin. Le biais, un phénomène documenté, résulte en partie de la rencontre d’une offre et d’une demande (Baron, 2006 ; Gentzkow et Shapiro, 2006 ; Mullainathan et Shleifer, 2005).

L’objectivité journalistique, qui se pose en repoussoir du biais, fait néanmoins débat, en partie à cause de l’absence de consensus sur sa définition (Frost, 2007 ; Kovach et Rosenstiel, 2001 ; Mindich, 1998 ; Muñoz-Torres, 2012). Bien que nombre de praticiens y voient une chimère, elle demeure un idéal, un concept éthique fondamental, une convention, un standard, voire « la » norme nécessaire à la recherche de la vérité (Bernier, 2004 ; Frost, 2007 ; Ward 2015). Mais l’objectivité ne saurait par ailleurs se définir comme l’absence de subjectivité ou d’effort d’interprétation. Les faits doivent être sélectionnés, jaugés, ordonnancés, reliés entre eux, ce qui suppose autant de jugements que porte le journaliste. Celui-ci laisse inéluctablement son empreinte sur la nouvelle.

L’acte journalistique, dans toutes ses facettes, comporte une dose de subjectivité (Richardson, 2007 ; Wahl-Jorgensen, 2013 ; Ward, 2015). Ce qui explique pourquoi l’exactitude des faits suscite l’unanimité dans les codes de déontologie et les manuels. Les faits avérés baliseraient le chemin vers la vérité. La vérification constituerait l’essence même du journalisme : « C’est une erreur de passer de manière précipitée au stade de l’interprétation avant d’avoir vérifié ce qui s’est vraiment passé1 » (Kovach et Rosenstiel, 2001, p. 47). Harcup rappelle le lien étroit entre exactitude, factualité et objectivité : « Les journalistes visent la vérité, parfois appelée "vérité objective", à savoir quelque chose qu’on peut prouver, qui est vérifié et démontrable2 » (Harcup, 2009, p. 83). La subjectivité est inévitable, donc, mais il s’agit d’une subjectivité maîtrisée, dont a été bridé le caractère arbitraire ou intempestif. Cohen (1998) parle de subjectivité rationnelle et Ward (2015) propose le concept d’objectivité pragmatique, qui ne suppose pas l’absence d’interprétation, mais plutôt que celle qui est mise de l’avant a été testée de manière méthodique3.

Le cadrage se traduit en journalisme par la sélection et la mise en évidence de certains aspects d’une nouvelle afin d’en promouvoir une certaine interprétation (Entman, 1993, 2007, 2010 ; Van Gorp, 2010). Dans une certaine mesure, ce ne sont pas tant les faits qui influencent le public, mais la manière dont ces faits lui sont présentés. « C’est le cadre, autant que l’événement lui-même, qui aura un effet sur le citoyen4 » (Patterson et Seib, 2005, p. 193). Van Gorp (2007) dit du cadrage que c’est une invitation à lire un texte d’une certaine manière, posant que c’est entre les lignes que le cadre se manifeste. L’énonciateur effectue des choix d’encodage qui, comme le veut le verbe to frame, structurent la communication. « Le cadrage consiste à sélectionner quelques éléments d’une réalité perçue et à bâtir un récit qui, en les reliant entre eux, projette une certaine interprétation5 »  (Entman, 2007, p. 164). L’énonciateur relie entre eux et rend plus « saillants », donc plus visibles, importants ou crédibles, des éléments d’information qui promeuvent une idée organisatrice, ce qui est possible notamment en minorant, dévaluant ou éliminant des éléments d’information qui iraient à son encontre. Les cadres forment par ailleurs des modèles interprétatifs qui s’accumulent dans la culture commune, formant un répertoire où vont puiser aussi bien les énonciateurs que les récepteurs. Entman parle de leur caractère diachronique pour faire ressortir qu’ils ont un effet immédiat, mais aussi un effet futur, parce qu’ils seront « rappelés » pour être appliqués à d’autres cas (Entman et al., 2009, p. 177).

On entend par « schémas cognitifs » les connaissances et représentations mentales que chacun accumule et qui facilitent, par référence ou analogie, le traitement de toute nouvelle information. Ces schémas proviennent de l’expérience personnelle, mais ils proviennent aussi des médias qui, au fil du temps, ont contribué à inculquer des « idées reçues » et ont appris au public à discerner les « indices » dont ils parsèment leur matériel :

Les schémas, qui forment des collections organisées de connaissances, se développent graduellement et sont reliés aux expériences et aux émotions personnelles. Ils nous aident à traiter l’information nouvelle, à puiser dans notre mémoire. Les cadres, au contraire, sont plutôt stables et font partie de la culture6 (Van Gorp, 2007, p. 63).

Les dispositifs de cadrage sont les déclencheurs qui « activent » les schémas cognitifs. Lorsque ceux-ci sont activés, ils en activent d’autres, par association d’idées, selon une séquence propre à chaque individu (Graber, 1988 ; Kahneman, 2011 ; Scheufele et Scheufele, 2010). Cadrer, c’est donc mettre en jeu des moyens pour activer certains schémas, voire en inhiber d’autres, pour amener le lecteur à une certaine conclusion (Price et al., 1997). Pour Entman (1991, 1993), le cadre se construit par le vocabulaire, les métaphores, les symboles, les images et les omissions. D’autres typologies ont été proposées et on comprend qu’au final, tous les stimuli sont potentiellement des sources d’activation (Van Gorp, 2007).

Pour que le cadrage fonctionne, il faut que les schémas que l’énonciateur tente d’activer soient présents chez le récepteur, que la mémoire de ce dernier puisse les ramener à la surface, et qu’ils se présentent alors comme pertinents. Ce sont les conditions de disponibilité, d’accessibilité et d’applicabilité. On entend par disponibilité la présence du schéma dans la mémoire, à savoir que le récepteur y a déjà été exposé et l’a emmagasiné ; par accessibilité le fait qu’il ait été activé récemment et puisse donc être aisément rappelé, ou encore qu’il l’ait été si souvent dans le passé qu’il soit devenu accessible de manière chronique ; et par applicabilité le fait que le schéma semble pertinent dans les circonstances (Chong et Druckman, 2007 ; Entman et al., 2009 ; Price et al., 1997 ; Scheufele, 2004).

Parce que le journaliste, étant humain, ne saurait être ou devenir objectif, la déontologie et la méthode qui distinguent la profession sont là pour assurer un résultat, un objet communicant, qui sera le plus objectif possible (Fox, 2013 ; Kovach et Rosentiel, 2001). On peut donc se demander, lorsqu’on examine des choix journalistiques qui ont un impact de cadrage, si d’autres choix auraient respecté davantage la lettre et l’esprit de la déontologie.

Analyse : « A Wonder Drug’s Dark Side »

Le vaccin Gardasil a été approuvé en 2006, après avoir été étudié pendant cinq ans dans 33 pays. La version du vaccin qui était disponible au moment de la publication de l’article prévenait les infections causées par quatre souches du VPH, dont deux causent 70 % des cancers de l’utérus. Au Canada, le Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) recommande la vaccination systématique entre les âges de 9 et 26 ans, préférablement avant 14 ans. En 2007, les gouvernements canadiens ont mis en place un programme de vaccination à grande échelle pour les jeunes filles.

Intitulé « A wonder drug’s dark side » (le côté sombre d’un médicament extraordinaire), l’article du Star7 révélait qu’au moins 60 Canadiennes avaient souffert de problèmes de santé sérieux après une injection de Gardasil. L’une d’elles avait eu besoin d’un fauteuil roulant, une autre d’une sonde gastrique. Une troisième était décédée. Selon le Star, des patientes et leurs familles croyaient que le vaccin avait des effets secondaires dangereux et présentait des risques que la communauté médicale sous-estimait, voire dissimulait. Le journal appuyait ouvertement cette théorie, écrivant « qu’aux États-Unis, dans une base de données où sont répertoriés des rapports d’effets secondaires venant de partout dans le monde, nous avons découvert des milliers de cas suspects, incluant plus de 100 décès », qu’au Canada, le Star avait découvert 50 incidents sérieux « liés au vaccin », incluant 15 hospitalisations et deux décès, et que « le public canadien ne reçoit qu’une information incomplète au sujet de Gardasil ».

Comme tout vaccin, Gardasil peut provoquer des réactions indésirables, mais il est aussi sûr qu’un vaccin peut l’être. Et ni Gardasil ni un autre vaccin contre le VPH, Cervarix, n’ont été identifiés comme cause probable d’un décès. D’où la controverse qui a suivi la publication. La communauté scientifique et de nombreux observateurs ont vigoureusement contesté le bienfondé et l’angle alarmiste de l’article. Ces critiques ont d’abord été balayées du revers de la main par le journal, mais l’éditeur a reconnu au bout de quelques jours un problème de traitement : « Nous avons mal géré cette nouvelle. La manchette était erronée et la publication à la une était une erreur [...] » a-t-il déclaré en substance.

Notre recherche pose l’hypothèse que l’article entendait pointer du doigt l’État, dans le droit fil du cadre archétypique de l’assignation de responsabilité, et que le schéma cognitif que s’efforçait d’activer l’énonciateur était le laxisme de Santé Canada et son parti pris présumé en faveur des compagnies pharmaceutiques, qui l’auraient amenée à « tolérer » qu’un vaccin dangereux soit mis en circulation de manière précipitée.

Nous avons analysé les choix communicationnels des auteurs en fonction des faits et des sources qui étaient à leur portée, et en fonction également des standards journalistiques. Notre but était de constater en quoi, le cas échéant, des décisions de cadrage sont entrées en conflit avec les règles de l’art du journalisme. Richardson (2007, p. 38) a ainsi proposé d’analyser un discours « à l’oeuvre », dans son contexte, en posant la prémisse que l’énonciateur poursuit une intention, et en examinant non seulement le contenu du discours, mais ce qu’il aurait pu contenir.

En outre, inspiré par le paradigme sociosémiotique, nous avons examiné les contenus auxquels a été exposé le lectorat du Toronto Star avant la publication de l’article. Nous avons analysé tous les articles publiés à la Une entre le 1er janvier 2012 et le 4 février 2015 qui comprenaient au moins une fois l’expression « Health Canada ». Ces articles ont été évalués et caractérisés en fonction de leur contenu critique à l’égard de l’agence réglementaire (très critique, défavorable, neutre, favorable8). Nous avons ensuite, dans les articles jugés très critiques ou défavorables, identifié les schémas mis en jeu par les journalistes.

Présentation

L’article, qui se poursuivait à l’intérieur, occupait toute la moitié supérieure de la Une, une mise en page hautement symbolique qui donnait à la nouvelle un caractère d’exception. L’expression « STAR INVESTIGATION » surmontait la manchette. Ce label suppose la révélation d’informations d’un grand intérêt public, qui n’étaient pas connues, voire qui étaient cachées, mises au jour à l’initiative du journal. La mise en condition était renforcée dès le paragraphe introductif, qui dévoilait le « résultat » de cette enquête : « Depuis 2008, au moins 60 Canadiennes ont contracté des maladies débilitantes après l’injection9 ». Le cœur de la nouvelle n’était donc pas que quelques familles entretiennent une certaine croyance, mais que le journal avait trouvé des faits troublants au sujet du vaccin.

Cette référence ostensible à une enquête tenait par ailleurs du signal transtextuel. On faisait comprendre que l’article s’inscrivait dans une série de textes ayant en commun de révéler des éléments d’une relative gravité. Qu’il faisait partie d’une démarche et qu’il était le fruit du travail d’enquêteurs aguerris. De la même manière que le Star avait déterré « l’affaire » Rob Ford (mai 2013) et « l’affaire » Jian Ghomeshi (octobre 201410), qui avaient eu un retentissement national, il déterrait cette fois « l’affaire » Gardasil. Les auteurs rendaient explicite cette dimension transtextuelle en écrivant : « Dans le cadre de son enquête sur la sécurité des médicaments, le Toronto Star a analysé des rapports de réactions indésirables provenant d’une base de données de Santé Canada. »

En 2015, les enquêtes du Star constituaient une source de fierté pour le journal, dirigé depuis 2009 par le rédacteur en chef Michael Cooke :

Avant l’arrivée de Cooke, le Star était un journal plutôt terne. Ce dont il raffole maintenant, c’est de demander des comptes et de pointer du doigt. Toute enquête, pour le Star, suppose que le journal a découvert un tort qu’il va s’attacher à redresser. En général, des fonds publics ou le travail des agences réglementaires est en cause. Cooke voit du mensonge et de la corruption à tous les niveaux de l’appareil gouvernemental11 (McBride, 2013).

Le journalisme d’enquête se distingue par sa dimension morale (Gans, 2003). L’entreprise de presse invite le public à adhérer à un jugement qu’elle pose. Le genre demande donc une rigueur accrue, parce que le public risque de tirer des conclusions qui peuvent être lourdes de conséquences. Plus la question traitée est grave, plus le poids de la responsabilité augmente :

Le journalisme d’enquête ne consiste pas simplement à faire la lumière sur un sujet. Il adopte généralement une posture accusatoire, et à ce titre le journaliste doit être certain qu’il a les preuves nécessaires [...] Parce que ce qu’il dévoile peut entraîner des conséquences sur une réputation ou affecter le cours des événements, le poids de sa responsabilité est supérieur en matière de vérification et de provenance de l’information12  (Kovach et Rosenstiel, 2001, p. 123-124).

Une enquête, en somme, ne consiste pas à présenter « les deux côtés de la médaille » mais à démêler le vrai du faux, le vérifié de l’allégué13 (Harcup, 2009, p. 99). « L’enquête ne souffre pas les théories, les supputations ; une question doit avoir sa réponse, une hypothèse sa démonstration ; et c’est la réalité des faits qui, toujours, apporte la conclusion » (Agnès, 2015, p. 292). Dans le cadre d’une enquête, le journaliste a donc, par définition, établi quelque chose d’indiscutable.

La manchette et le lead

L’analyse de la manchette et du lead permet de saisir l’interprétation que le journaliste et le média proposent, la conclusion qu’ils soufflent au public, le résultat de la recherche, le prisme à travers lequel lire l’article, le message essentiel à retenir notamment pour ceux, nombreux, qui n’iront pas plus loin (Agnès, 2015 ; Bell, 1991). Ici, le lead barrait toute la une :

Des centaines de milliers d’adolescentes canadiennes ont reçu Gardasil, un vaccin qui prévient le VPH, en toute sécurité. Mais une enquête du Star révèle que depuis 2008, au moins 60 Canadiennes ont contracté des maladies débilitantes après l’injection. Les patients et leurs parents disent que ces incidents démontrent l’importance de divulguer tous les risques14.

L’information qui est explicitement présentée ici comme la chose que l’enquête a établie se trouve dans la deuxième phrase : les 60 incidents sérieux survenus à la suite d’une injection de Gardasil. On parle de contradiction d’attente lorsque le mot « mais » ou un substitut a pour effet d’atténuer la portée d’une proposition qui crée une attente, pour en renforcer une autre, qui s’impose alors comme la conclusion à retenir. Les auteurs ont recouru ici à ce dispositif en disant que le vaccin semble a priori sécuritaire, mais que dans les faits il faut s’en méfier, ce que la manchette a alors déjà signalé avec robustesse. Celle-ci, en effet, donne un sens précis à la deuxième phrase du lead en posant comme avérée l’existence d’un lien de causalité, puisque selon elle, les 60 incidents sont l’illustration du côté sombre du vaccin, à savoir ses effets secondaires dangereux. Il n’est pas rare que les médias publient des manchettes conjuguées au conditionnel, ou sous forme interrogative, ou encore sous forme de citation. Le Toronto Star a écarté ici ces trois possibilités. L’audience est résolument mise devant une réalité, pas une hypothèse.

L’existence du lien de causalité est renforcée de manière subreptice par la troisième phrase. Cette phrase ne dit pas que les patients et leurs parents soupçonnent le vaccin, ce qui aurait donné au lien de causalité un caractère hypothétique. Les choix d’énonciation qui ont été faits, au contraire, sont parfaitement congruents avec la manchette. Ils font du lien de causalité un présupposé et détournent l’attention vers un autre sujet, celui de la communication des risques. Ce qui est présenté comme une prétention des familles, ce n’est pas que les incidents découlent des effets secondaires du vaccin, mais qu’elles ont été mal informées à leur sujet. En d’autres termes, cette troisième phrase résulte de syllogismes qui rejettent ou du moins tiennent pour peu vraisemblable la possibilité que la cause des incidents pourrait ne pas être le vaccin : au moins 60 personnes ont rapporté des ennuis de santé, or tous ces incidents sont survenus après une injection de Gardasil, donc ces incidents sont vraisemblablement attribuables au vaccin ; les incidents sont vraisemblablement attribuables au vaccin, or la possibilité que ces incidents surviennent n’avait pas été signalée, donc il y a un problème de transparence au sujet des effets secondaires du vaccin. Notre recherche démontre cependant que les faits et les informations que les journalistes avaient à leur disposition montrent que ce qui était vraisemblable, en l’occurrence, était l’inverse de ce qu’ils ont présenté comme tel.

Huit jours après la publication de l’article, la manchette a été rétractée et remplacée par : « Families seek more transparency on HPV vaccine » Les familles demandent plus de transparence) – après que le journal ait reconnu publiquement qu’aucune donnée scientifique ne permettait d’affirmer que Gardasil avait un côté sombre. Cette nouvelle manchette, inspirée directement de la troisième phrase du lead, induisait les mêmes présupposés, à savoir que le vaccin était vraisemblablement responsable des incidents relatés dans l’article.

Le concept de présupposé, une forme particulière d’omission, n’est pas interdit par la déontologie. Un journaliste n’a pas à démontrer et à étayer ce qui dans son texte est de commune renommée ou raisonnablement établi. En toute logique cependant, si le présupposé n’est pas prouvé, il y a forcément distorsion, puisque l’essence même du concept induit que la preuve est faite que ce qui est présupposé est avéré. Un présupposé injecte un fait ou une conclusion de manière furtive et l’énonciateur esquive le fardeau d’une démonstration à laquelle il ne pourrait s’astreindre avec succès lorsque le présupposé n’a aucun fondement.

Pour éclairer davantage le sens de la manchette et du lead, il faut considérer le paragraphe 11, qui dit ceci :

Pour chaque cas évoqué dans cet article, un patient ou un médecin est d’opinion qu’un médicament a causé un effet secondaire. Il n’y a aucune preuve concluante [conclusive evidence] qui montre que le vaccin a causé un décès ou une maladie.

La nouvelle n’est plus ici que le vaccin cause vraisemblablement des problèmes, mais que des gens disent que le vaccin ou un autre médicament cause des problèmes. Le journal reconnaît implicitement qu’il ne détient pas de preuves qui lui permettraient d’affirmer lui-même que le vaccin est en cause. Il présente comme une hypothèse ce qui était un fait (ou du moins un présupposé) quelques paragraphes plus tôt. Ajoutant à la confusion, il évoque en plus que les gens en question sont d’opinion « qu’un médicament », donc pas nécessairement Gardasil, pourrait être en cause. Cette posture ne correspond ni à celle du lead, ni à celle des deux versions de la manchette. Il n’est pas exagéré, même, de dire qu’elle les contredit. En outre, l’ajout ostensible de l’adjectif « conclusive » donne à entendre que si une certitude totale n’a pas été établie, on n’en est pas loin. Qu’il existe des preuves indirectes, qu’il est raisonnable de considérer que le vaccin a causé un problème de santé sérieux ou la mort. Or, ce que les circonstances et la raison suggèrent, nous le verrons, c’est au contraire que le vaccin n’a pas causé les problèmes décrits dans l’article. L’article acquiert avec ce paragraphe un caractère irrationnel, ce qui sera crûment mis en lumière par l’ombudsman du Toronto Star, qui demandera : « S’il n’y a pas de preuve que les problèmes des jeunes filles évoquées dans l’article ou que les 60 cas répertoriés ont été causés par le vaccin, quelle est la nouvelle ? » (English, 2015).

Les victimes

Gardasil n’est pas étudié ici de manière théorique : près de la moitié du texte relate des expériences vécues. Les journalistes disent avoir identifié une soixantaine d’incidents et avoir enquêté sur douze. Cinq sont décrits dans l’article, ils en sont le fil conducteur. Les cas ont été tirés de bases de données où sont répertoriés les rapports de réactions indésirables. Tuchman (1978) a évoqué comment de tels témoignages, auxquels on donne une valeur symbolique, permettent à un journaliste de ne pas s’astreindre à présenter en toutes lettres sa lecture des choses. La victime, mise en scène, devient un stéréotype. Le journaliste monte en épingle et juxtapose une chose qui a les attributs d’un effet et une autre chose qui a les attributs d’une cause. Mais c’est le lecteur, ici inspiré par la manchette et le contexte, qui comble les vides et établit la relation. Le dispositif ne semble pas poser de problème déontologique dans la mesure où l’exemple retenu est valable, c’est-à-dire qu’on peut démontrer de manière rationnelle qu’il peut prétendre à la représentativité et à la généralisation (Bernier, 2004, p. 202). Ce n’était justement pas le cas ici et l’absence d’un engagement journalistique explicite quant au lien logique entre les problèmes et le vaccin sera utilisé pour défendre l’article.

Une partie importante de l’information concernant les victimes est attribuée à des protagonistes identifiables. Ou du moins on peut déduire, à partir du contexte, qui parle. D’autres affirmations sont cependant attribuées collectivement. La déontologie ne semble pas condamner cette pratique en toutes lettres, mais celle-ci soulève un important enjeu d’exactitude, puisque le public ne sait pas qui a dit quoi. Et que d’autre part, au fond, c’est alors le journaliste qui parle, et non les sources. C’est lui qui a sélectionné, amalgamé, paraphrasé et donc interprété un nombre inconnu de réponses. Il est raisonnable de croire que certaines sources estimeraient que la citation, un composite, ne reflète pas adéquatement leur point de vue. Le dispositif permet au journaliste de mettre des mots, voire ses mots, dans la bouche des sources, voire par extension dans la bouche de sources qui ont dit carrément autre chose. Il permet également de faire état de « faits » dont personne n’a à répondre, puisqu’on ne sait pas exactement qui les a avancés :

Comme Kenzie et Armstrong, plusieurs jeunes filles disent que le vaccin leur a été imposé par les autorités scolaires, les infirmières, les médecins [...] Les parents des jeunes filles disent que les documents qu’ils ont reçus étaient évasifs et ne mentionnaient pas les effets secondaires documentés du vaccin15.

Il est très peu probable que toutes les personnes concernées aient fait des déclarations identiques. Le mot « plusieurs » signale d’ailleurs qu’il n’y avait pas toujours unanimité. Faut-il conclure qu’il y avait unanimité dans le groupe lorsque ce mot n’est pas utilisé ? C’est peu plausible.

Les experts indépendants

Trois experts sont cités dans l’article. Aucun d’eux ne soutient que Gardasil a vraisemblablement causé les incidents, ou que le vaccin a des effets secondaires dangereux qui sont cachés, ou que la communauté scientifique suspecte que c’est le cas. La présidente de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC) a consenti une longue entrevue au cours de laquelle elle a fait valoir que Gardasil avait été étudié avec soin, que la recherche avait montré son efficacité et son innocuité, et que se montrer alarmiste était dangereux. Le Star la cite déclarant : « Je suis convaincue que ce vaccin est sûr ». Ces mots sont les seuls qu’on trouve dans l’article en faveur du vaccin et attribués à un expert. Le témoignage d’un autre expert, Dr. Diane M. Harper, apparaît pour sa part en fin d’article. Selon elle, la rapidité avec laquelle les autorités ont déployé Gardasil, à grands frais et à grande échelle, n’était peut-être pas nécessaire, parce que le cancer de l’utérus se développe lentement et peut être facilement dépisté. Ailleurs, Dr. Harper a signalé que selon elle les vaccins contre le VPH sont sécuritaires et efficaces (Harper, 2009, p. 329). La contribution du troisième expert est examinée plus loin.

On note donc la complète absence dans l’article du Star de sources compétentes appuyant la théorie voulant que la nature et la fréquence des incidents suggèrent que le vaccin pose problème. Si les journalistes n’ont pas tenté de trouver des experts étant de cet avis, nous sommes au minimum devant une carence méthodologique. Ils se seraient alors abstenus de tester leur version des choses et celle des familles. Par ailleurs, si tous les experts consultés allaient dans le sens inverse, et que pour cette raison leurs avis ont été ignorés, les journalistes auraient alors refusé de prendre en compte, puis dissimulé au public des avis crédibles.

Deux experts que le journal consulte régulièrement n’ont pas été contactés par le Star : Dr. Joel Lexchin (cité dans 16 articles du Toronto Star entre 2012 et 2015 en tant que « drug safety expert ») et Dr. Barbara Mintzes (citée dans sept articles en tant elle aussi que « drug safety expert »). Un troisième, Dr. David Juurlink, cité dans 15 articles pendant la même période, identifié comme « drug safety expert » et « drug safety specialist », n’est pas cité non plus et ne semble pas avoir été contacté.

Santé Canada

Lorsqu’une information est attribuée à une source, on convient que celle-ci s’en trouve responsable, le journaliste se posant en témoin. Non seulement est-il convenu que ce dernier ne se porte pas garant de ce que dit la source, mais le cas échéant il prend ses distances du propos qui est avancé et suggère au public d’en faire autant (Tuchman, 1972 ; Sormany, 2011 ; Bell, 1991). Dans l’article, les passages induisant que le vaccin est efficace et sécuritaire sont toujours attribués à une tierce partie. Ceci n’est jamais présenté comme un fait établi ou un présupposé16.

Alors qu’il était possible d’écrire : « De nombreuses études ont montré que le vaccin est sécuritaire », ce qui aurait été factuel et exact, les auteurs ont opté pour :

Les agences de réglementation, incluant Santé Canada et la FDA américaine, évoquent des essais cliniques et d’autres données qui montrent que l’innocuité et l’efficacité du vaccin ont été bien étudiées. Mais depuis 2008, au moins 60 personnes, au Canada, ont souffert de convulsions, de douleurs musculaires ou articulaires, ou de problèmes de santé débilitants après avoir reçu Gardasil.

Pour les journalistes, ce n’est pas la science qui dit que le vaccin est efficace et sécuritaire, c’est le gouvernement. L’innocuité du vaccin, même exprimée en termes relatifs, n’est jamais présentée comme un fait, toujours comme une prétention des autorités, de l’establishment ou du fabricant. Les auteurs évoquent des rapports de réactions indésirables qu’ils ont trouvés dans des bases de données où sont colligées des informations brutes sur des événements qui pourraient être liés à un vaccin ou un médicament. Ils écrivent, à ce sujet : « Une porte-parole de Santé Canada a déclaré que "ces réactions indésirables ont été examinées, et rien ne suggère que les vaccins en sont la cause"17. »

Santé Canada avait donc précisé que les signalements trouvés dans ces bases de données avaient été analysés et que l’exercice avait écarté tout lien avec le vaccin. Le Toronto Star, pourtant, pose ce lien comme vraisemblable. Il est donc présupposé ici que Santé Canada se trompe, spécule ou ment.

Le corps médical

Les médecins qui ont traité les victimes ne sont jamais identifiés et aucun médecin ne figure parmi les sources. Certains d’entre eux, s’il faut en croire le Star, éprouvent pourtant des doutes au sujet du vaccin. D’autres, selon les victimes, ont haussé les épaules devant leurs soucis, et auraient pu se voir demander des explications. La communauté médicale est explicitement mise en cause, mais il semble qu’aucun médecin n’ait été interviewé ou même contacté pour discuter de Gardasil. Sur ce thème, les auteurs de l’article ont plutôt accordé une grande crédibilité et donné un caractère de véracité aux versions des patientes et de leurs familles, même au sujet de détails dramatiques ou évaluatifs qu’ils ne peuvent avoir vérifiés. Les allusions de celles-ci aux comportements des médecins et des infirmières, jamais mises en doute par les journalistes, font ressortir leur manque apparent d’empathie et de patience, de même que leur acquiescence au discours dominant. Le Star explique ainsi que les patientes ont dû « lutter » pour comprendre ce qui leur arrivait, que les médecins balayaient leurs préoccupations du revers de la main, qu’elles avaient été « poussées » à accepter un vaccin dont les médecins « prétendaient qu’il n’avait aucun effet secondaire ». Les séances d’information avaient été « courtes » et les documents explicatifs « maigres ».

Les sources documentaires

Les incidents ont été trouvés dans des bases de données (Canada Vigilance et le Vaccine Adverse Event Reporting System [VAERS] américain) qui constituent la première ligne de défense d’un système de surveillance dont l’objectif est de recueillir des informations brutes. Notamment parce que les rapports qui y sont déposés peuvent découler de coïncidences et qu’ils proviennent de sources dont la fiabilité varie, les données ne peuvent être utilisées pour tirer des conclusions qu’après avoir été analysées. Le Toronto Star était familier de ce système et avait, dans d’autres articles, mis les lecteurs en garde : « La base de données de Santé Canada ne peut pas être utilisée pour prouver la causalité18 ». Il n’y a pas de mise en garde semblable dans l’article sur Gardasil.

La monographie

Le Star mentionne que la monographie de Gardasil évoque des effets secondaires sérieux liés au vaccin. Le lecteur doit donc comprendre que ce n’est pas dans ce document que des renseignements au sujet des effets secondaires manqueraient à l’appel, mais plutôt dans l’information donnée aux familles par les autorités de santé publique. La monographie constituerait selon le journal une source fiable. Celle-ci évoque les possibilités d’anaphylaxie et de syncope, des réactions qui peuvent survenir peu de temps après l’injection de n’importe quel vaccin. Outre les réactions mineures pouvant affecter le site d’injection, les cinq autres effets secondaires qualifiés dans la monographie de « vaccine-related » sont les maux de tête, la fièvre, la nausée, des vertiges et des douleurs aux extrémités. Les sujets ayant reçu le placebo ont, grosso modo, connu ces problèmes dans des proportions semblables. La monographie donne ensuite la liste de tous les incidents survenus pendant la durée des essais cliniques. Il ne s’agit donc pas d’une liste d’effets secondaires, mais plutôt d’une liste d’événements. Ceux-ci sont d’ailleurs qualifiés non pas de « vaccine-related », mais plutôt attribués à des causes variées (all-cause common systemic adverse experiences). Il ne faut donc pas confondre les réactions formellement qualifiées de « liées au vaccin » avec le relevé exhaustif de tout ce qui s’est produit pendant une longue période dans une population de près de 30 000 sujets.

Plus loin dans l’article, les effets secondaires ne sont plus qualifiés pour les lecteurs de « vaccine-related », mais plutôt de « connected to the vaccine », puis amalgamés sans nuance aux incidents évoqués dans l’article :

La monographie de Gardasil consacre plusieurs pages à des effets secondaires, certains communs, d’autres rares, parfois sérieux, rattachés au vaccin. Les parents disent que les documents qu’ils ont reçus ne mentionnaient pas certains de ces effets secondaires19.

Ce passage induit que les réactions « sérieuses » qui auraient été omises des documents remis aux parents sont précisément celles qui sont rapportées dans l’article, et que ces réactions figurent bel et bien dans la monographie à titre d’effets secondaires. Ce n’est pas le cas.

Lorsque les journalistes passent ensuite à la description des réactions en question, ils entraînent les lecteurs non pas vers la monographie, mais vers les bases de données, tout en utilisant le même vocabulaire (connected to the vaccine). Les problèmes décrits dans ces rapports sont alors promus au rang « d’effets secondaires » documentés :

Au Canada, le Star a trouvé plus de 50 incidents sérieux, incluant 15 hospitalisations liées au vaccin depuis 2007. Aux États-Unis, le Star a trouvé des milliers de cas suspects, incluant 100 morts. Les effets secondaires évoqués dans la base de données de Santé Canada incluent des convulsions, des douleurs abdominales, l’anaphylaxie, deux morts, etc20.

Les journalistes utilisent donc la même expression, « connected to the vaccine », dans deux sens différents : dans un premier temps pour évoquer un effet secondaire documenté ; dans un deuxième temps, le lien ne tient qu’au fait que quelqu’un a associé le vaccin à un problème. Il est loin d’être assuré que le lecteur a perçu le glissement, qui laisse entendre que les problèmes très graves décrits dans l’article sont reconnus comme effets secondaires dans la monographie. En conséquence, par le biais de choix de vocabulaire, de glissements et d’ellipses, les auteurs laissent l’impression qu’une foule d’incidents qu’on trouve dans Canada Vigilance et dans le VAERS correspondent à des effets secondaires reconnus dans la monographie, et que les convulsions ou la mort figurent dans celle-ci à titre de réactions possibles. Ce n’est pas le cas.

L’étude de Dr. Steenbeek

Il est exact que les familles canadiennes n’ont pas toujours reçu une information complète au sujet des effets secondaires possibles de Gardasil. Le Star a consacré 83 mots à une étude ayant porté sur ce sujet. Dr. Audrey Steenbeek a examiné l’information fournie aux familles dans toutes les provinces canadiennes, l’a comparée à l’information officielle mise de l’avant par le fabricant du vaccin, par le CCNI et par la SOGC, et signale l’existence d’anomalies. Ce que les auteurs de l’article du Star ne disent pas, c’est que les données à la base de cette étude ont été recueillies entre juillet 2008 et mai 2009, donc au début du programme de vaccination, six ans plus tôt. D’où, dans l’étude, la mise en garde suivante : « Depuis la collecte de données, l’information donnée au public peut avoir été modifiée ou améliorée » (Steenbeek et al., 2011, p. 6). Rien n’indique que les journalistes ont tenté de vérifier si les conclusions de l’étude étaient toujours valides en 2015.

Le décès d’Annabelle Morin

Le Toronto Star a accordé une place importante à l’histoire d’Annabelle Morin. La jeune fille de 14 ans s’est noyée dans son bain, le 9 décembre 2008. Elle avait reçu une injection de Gardasil le 9 octobre et une autre le 24 novembre. D’après le rapport du coroner, la noyade aurait résulté d’une « perte de conscience ou une syncope » dont la cause n’a pu être déterminée par l’autopsie. Le pathologiste n’a décelé « aucune évidence anatomo¬pathologique d’une réaction anormale pouvant établir un lien entre la vaccination et le décès » et on « ne peut conclure par prépondérance à l’existence d’un lien entre la vaccination et le décès ». Le Star ne mentionne pas ces informations. Il signale par contre que le coroner a réclamé une enquête plus approfondie sur le rôle que Gardasil pourrait avoir joué dans le décès, et que celle-ci n’a pas eu lieu. En fait, le coroner mentionne dans son rapport qu’il « est impératif de s’assurer avec la rigueur scientifique requise si les effets indésirables de ce vaccin peuvent être en cause dans un décès ou pas [sic] » et recommande « qu’une copie de [son] rapport soit transmise [au] service de recherche [du fabricant] afin d’être analyser [sic] et qu’il serve à documenter leur banque de données et leurs recherches relative [sic] au vaccin Gardasil, s’il y a lieu21 ». Le fait que l’autopsie n’a établi aucun lien entre le vaccin et le décès constituait une information significative, a fortiori quand on constate que le journal insistait sur « l’enquête réclamée qui n’a pas eu lieu ». L’omettre laissait l’impression de forts soupçons du coroner, auxquels les autorités n’auraient pas donné suite.

Le rapport du coroner révèle qu’Annabelle prenait un contraceptif, le Yasmin, et ce depuis environ la date de sa première injection de Gardasil. Pendant son enquête, le coroner a constaté plusieurs cas de décès de personnes qui avaient été vaccinées avec Gardasil. Il écrit, en août 2010 : « Il y a plusieurs cas où la personne décédée prenait des contraceptifs oraux, dont au moins 2 personne [sic] où il s’agissait de Yasmin [...] Peut-il s’agir d’une autre piste ? » Dans le rapport d’incident qu’on trouve dans Canada Vigilance au sujet d’Annabelle Morin, deux produits sont évoqués à titre de « suspects » : Gardasil et Yasmin. Ce que le coroner ne pouvait savoir en 2010, mais que le Star pouvait établir en 2015, c’est qu’en décembre 2011, après que 23 jeunes filles sont décédées après avoir pris du drospirenone, commercialisé sous les marques Yasmin et Yaz, Santé Canada a déterminé que ce produit comportait un risque jusqu’à trois fois supérieur aux autres de provoquer des caillots sanguins. Les journalistes ont éliminé toute référence au Yasmin dans l’histoire d’Annabelle Morin.

Les études indépendantes

De nombreuses études ont démontré l’efficacité et l’innocuité de Gardasil. Aucune n’est nommée dans l’article, et lorsque leur existence est mentionnée, ce ne sont pas leurs conclusions qui sont évoquées, mais leur objet : « Les agences réglementaires du Canada et des États-Unis évoquent des études cliniques et d’autres données qui montrent que l’innocuité et l’efficacité du vaccin ont été bien étudiées ». La formulation indique que les journalistes n’ont jugé nécessaire ni de recenser, ni d’examiner ces études.

Pourtant, l’une d’elles avait porté sur l’ensemble des incidents déposés dans le VAERS entre le 1er juin 2006 et 31 décembre 2008. Elle concluait, en 2009, qu’aucun décès n’avait été causé par le vaccin, que pour la majorité des incidents, le taux d’occurrence des réactions était semblable à celui qu’on retrouve dans la population en général, et que le vaccin était sécuritaire. Elle soulevait deux doutes : la fréquence des syncopes et des caillots sanguins. Mais deux études subséquentes, en 2011 et 2013, avaient bouclé la boucle et montré que le risque associé à des caillots sanguins ne s’accroissait pas de manière significative. Selon toute apparence jamais examinées par le journal, ces trois études étaient primordiales dans le contexte puisqu’elles faisaient ensemble la lumière sur les rapports de réactions indésirables accumulés dans le VAERS, que le Star mettait fortement en évidence comme autant de signes d’un problème important. Là où le Star pourrait prétendre que son article soulevait une question légitime, ces études avaient répondu à la question. Un fait majeur, pertinent et d’intérêt public, non seulement manquait à l’appel dans l’article, mais n’a pas été pris en considération, à savoir que les nombreuses études menées un peu partout dans le monde montrent que le vaccin est sécuritaire.

Le cas du Japon

Au paragraphe 18, les journalistes écrivent :

Alors que Santé Canada et la FDA disent que le vaccin est sûr, les autorités d’autres pays ont sonné l’alarme. En 2013, le Ministère de la santé du Japon a déclaré vouloir stopper la promotion du vaccin pendant qu’il examinait des rapports de réactions indésirables.

On affirme donc ici, tôt dans l’article, que des autorités réglementaires autres que celles du Canada et des États-Unis « ont sonné l’alarme », dont le Japon, ici érigé en exemple représentatif. Les explications permettant de comprendre cette affaire ne se trouvent cependant qu’une quarantaine de paragraphes plus loin :

Au Japon, le Ministère de la santé a annoncé en 2013 avoir reçu des rapports de patients vaccinés contre le VPH – le Ministère ne précise pas s’il s’agit de Gardasil ou de son concurrent, Cervarix – qui disent avoir souffert de douleurs dont on ne peut pas nier qu’elles ont été causées par le vaccin [...] Mais un comité de l’Organisation mondiale de la santé a déclaré qu’il y avait peu de raisons de suspecter le vaccin, car des problèmes similaires n’ont été enregistrés nulle part ailleurs dans le monde.

Le Toronto Star, donc, ne savait pas si Gardasil était en cause au Japon, ne nommait aucun autre pays qui aurait sonné l’alarme, et expliquait que l’OMS estime peu probable que le vaccin ait causé les incidents, puisque nulle part ailleurs dans le monde on n’en avait signalé de semblables. Le cas japonais ne constituait pas un signal d’alarme et était impropre à la généralisation. L’affirmation du paragraphe 18 était objectivement fausse.

L’enquête du Star sur les médicaments

L’article s’inscrivait dans le cadre d’une enquête sur la sécurité des médicaments. La théorie du cadrage nous dit que, dans les articles ayant constitué cette enquête, le public a été exposé à des schémas qui, dans la mesure où ils ont été répétés ou récemment activés, étaient disponibles et allaient être réactivés pour interpréter l’article sur Gardasil. Nous avons donc examiné et évalué les 87 articles publiés à la Une par le Toronto Star entre le 1er janvier 2012 et le 4 février 2015 et mettant en cause Santé Canada. Aucun d’eux ne porte sur Gardasil ou sur un autre vaccin. Ces articles sont largement défavorables, voire très critiques à l’endroit de Santé Canada, surtout lorsque les auteurs sont MM. Bruser et McLean, qui ont écrit l’article sur Gardasil (table 1).


Table 1. Articles publiés à la Une portant un jugement sur Santé Canada Toronto Star, 1er janvier 2012 au 4 février 2015


Trois schémas sont utilisés à répétition : Santé Canada est laxiste, n’enquête pas, n’agit pas ; elle manque de transparence, dissimule l’information, refuse de collaborer ; elle fait preuve de complaisance envers l’industrie pharmaceutique (tableau 2). Près de 80 % des articles négatifs adoptent au moins un de ces schémas (tableau 3). À eux seuls, les articles jugés « très critiques » (n=18) contiennent 229 dispositifs susceptibles d’activer les schémas, soit entre 5 et 27 « posés » par texte. Dans 17 de ces 18 articles, le schéma apparaît en manchette et en sous-titre22.

Table 2. Exemples de schémas présents dans les articles jugés défavorables ou très critiques à l’endroit de Santé Canada, publiés à la Une entre le 1er janvier 2012 et le 4 février 2015



Table 3. Proportion des articles contenant les schémas identifiés (les articles peuvent contenir plus d’un schéma)


Discussion

Nous avons postulé que l’idée organisatrice de l’article consistait à critiquer l’État. Face à l’industrie pharmaceutique, Santé Canada serait servile au point de négliger sa mission et de mettre la sécurité du public en danger. Les industriels auraient réussi à s’attacher l’appui aveugle de l’establishment médical. Ces idées ne sont à aucun moment explicitement exprimées dans l’article. Celui-ci ne contient aucun commentaire ouvertement négatif à l’égard de Santé Canada. Le cadre s’installe furtivement « entre les lignes ».

La théorie du cadrage nous suggère que les schémas, pour être activés, doivent d’abord être présents. Nous avons constaté qu’entre 2012 et 2015, la couverture de Santé Canada, dans le Toronto Star, a été abondante, négative et souvent à la Une. Elle a dépeint Santé Canada comme étant laxiste, cachottière et complaisante, au point de vraisemblablement transformer cette idée en attitude préalable au sein de l’audience. « Les citoyens ordinaires sont sensibles aux effets du cadrage, qui souvent suppose non pas une exposition à des messages légèrement différents, mais une exposition répétée et orchestrée à des images et des expressions puissantes23 », écrit Entman (2010, p. 333). Graber (1988, p. 137) allait dans le même sens : « L’information préalablement emmagasinée a un impact important sur la plupart des nouvelles. Elle affecte les détails qui seront absorbés et la perspective générale24 ».

Vues sous cet angle, les allusions à Santé Canada présentes dans l’article, même peu nombreuses, étaient essentielles : leur rôle était de ramener à la surface les impressions transmises par le Star durant les mois et les années précédentes. Nous suggérons, au vu de la couverture antérieure, qu’il fallait peu de chose pour activer le schéma. Lorsque le Star cite Santé Canada assurant que le vaccin est sécuritaire, nous postulons que l’énonciateur entend faire comprendre au public que l’agence, comme d’habitude, répète mécaniquement les prétentions de l’industrie. La présence de ces déclarations constitue le dispositif d’activation qui met Santé Canada sur la sellette. Pour l’énonciateur et son lecteur-modèle, lorsque Santé Canada dit une chose, c’est la preuve que l’inverse est vrai.

Ce qui précède, par ailleurs, éclaire l’absence des trois experts fréquemment utilisés par le Toronto Star. Contrairement à Santé Canada, ceux-ci ont été présentés au public, au fil du temps, comme dignes de foi. D’éventuels témoignages de leur part à l’effet que le vaccin n’est pas spécialement dangereux auraient engendré de la dissonnance, au point d’inhiber l’activation du schéma.

D’autres choix discursifs ont pu jouer le rôle de dispositifs d’activation. Par exemple, lorsqu’on signale emphatiquement, en début de texte, que « des » agences réglementaires, ailleurs dans le monde, ont sonné l’alarme, inférant que Santé Canada, elle, ne se posait aucune question sur l’innocuité du vaccin. On isole alors l’agence, on présente sa position comme singulière, alors que dans les faits elle ne l’est aucunement. La description stéréotypée des réactions des médecins et l’absence de suite donnée à une « demande d’enquête » formulée par un coroner constituent également des dispositifs susceptibles d’activer un schéma voulant que l’establishment médical est inféodé aux compagnies pharmaceutiques.

L’article comptait 125 phrases. Si on les examine une à une, en les détachant de tout contexte, on constate qu’une seule contient une inexactitude manifeste (la référence à des signaux d’alarme ailleurs dans le monde). Toutes les autres peuvent se défendre, du moins sur le plan dénotatif. En surface, l’article ne dérogeait pas au standard journalistique d’exactitude. Ce n’est qu’en mettant les choses en contexte qu’il devenait problématique, puisqu’il faisait comprendre que les faits pointaient dans une direction, alors que considérés dans leur ensemble, ils pointaient dans la direction opposée. Une explication peu vraisemblable, voire invraisemblable, était présentée comme très vraisemblable. Pensons aux incidents qui peuvent être qualifiés de « suspects » dès lors que quelqu’un, n’importe qui, et sur n’importe quelle base, estime qu’ils soulèvent des questions. Le problème, c’est lorsque le contexte laisse entendre que la communauté scientifique porte ce jugement, alors que ce n’est pas le cas. De même de l’expression « effets secondaires », utilisée indifféremment par les journalistes pour évoquer les véritables effets secondaires et des incidents dont la science a déterminé qu’ils n’ont pas été causés par le vaccin. Le public ne détenait pas les outils pour faire la distinction, ils lui ont été cachés. Dans la même veine, monter en épingle le cas du Japon et le positionner comme représentatif d’autres agences réglementaires qui auraient elles aussi sonné l’alarme au sujet de Gardasil, alors que les journalistes n’en évoquent aucune autre, qu’il n’est pas certain que Gardasil ait été en cause au Japon, que l’OMS affirme que le Japon est le seul pays à avoir connu de tels problèmes, et que l’explication est dissimulée 40 paragraphes plus loin, constitue une distorsion.

Les omissions ont contribué au cadrage de manière très notable, et elles étaient suffisamment importantes pour constituer des fautes déontologiques. Notons entre autres les omissions au sujet du décès d’Annabelle Morin ; l’absence complète de témoignages d’experts allant dans le sens des journalistes, une carence qui aurait dû constituer un signal d’alarme important pour la hiérarchie, avant publication ; et l’absence de mise en garde quant à l’établissement d’un lien de causalité à partir des rapports de réactions indésirables. Le standard d’exactitude, qui suppose que l’information est complète, à savoir que rien ne manque dont l’absence engendre une distorsion, n’a pas été respecté.

Si on exclut un scénario qui voudrait que la tromperie ait été délibérée, les omissions et les choix de cadrage peuvent être examinés sous l’angle du biais de confirmation. Les journalistes auraient accordé beaucoup de crédit aux informations confirmant leur théorie, et jugé qu’il fallait éliminer d’autres informations qui n’auraient constitué dans les circonstances que du bruit. C’est exactement le phénomène que tente de combattre la méthode journalistique, en s’inspirant de la méthode scientifique, lorsqu’elle demande que la nouvelle soit compatible avec tous les faits que la recherche journalistique a permis d’établir, ou aurait pu ou dû raisonnablement établir. Nous sommes en effet frappé ici par l’omission d’informations que les journalistes non seulement n’ont pas communiquées, mais qu’ils se sont apparemment refusés à accepter et à prendre en compte. Ces informations, auxquelles ils ont résisté, n’ont pu contribuer à la construction de sens chez eux, parce qu’elles ont été éliminées avant de pouvoir le faire.

S’il a été possible, pour le journal, de ne pas répudier son article, c’est dans une certaine mesure parce que celui-ci se présentait comme un face-à-face entre des victimes ayant le droit de dire ce qu’elles « croient » et la version « officielle » des choses, à savoir que le vaccin est efficace et sûr. Dans ce face-à-face, lorsque les choses ont commencé à chauffer, le journal a eu la prétention de se présenter comme ne donnant raison ni à l’une ni à l’autre partie, et il avait inséré dans l’article les refuges nécessaires pour ce faire. Mais cette neutralité était factice. On ne saurait d’aucune manière prétendre que : « Des familles croient que Gardasil est responsable de leurs problèmes, mais il est probable qu’elles se trompent, car l’innocuité du vaccin est démontrée » paraphraserait fidèlement l’article. Nous étions plutôt devant : « Des familles croient que Gardasil est responsable de leurs problèmes et notre enquête montre qu’elles ont probablement raison parce que nous avons découvert une masse critique de cas suspects ». Nous sommes ici devant un cas caractéristique où l’invocation de « l’équilibre » constitue en fait une distorsion de la réalité, puisqu’il n’y avait pas de véritable controverse.

Certains aspects du dossier Gardasil ne font pas l’unanimité, mais ce ne sont pas eux qui étaient l’objet de l’article. Cette notion courante qui veut que les journalistes soient là pour faire état des « deux côtés de la médaille » peut avoir pour résultat de justifier la publication et de présenter comme plausibles des informations dont il était possible de vérifier qu’elles étaient fausses ou douteuses. Si les journalistes sont en mesure d’établir qui a raison, ou vraisemblablement raison, la médaille n’a plus deux côtés, ou les deux côtés ne peuvent être présentés comme ayant le même mérite. Sous prétexte d’équilibre, on trompe le public, on instille le doute là où il était possible de ne pas le faire (Clarke 2008 ; Dixon et Clarke, 2012 ; Kovach et Rosenstiel, 2001).

Le Star n’a jamais reconnu publiquement que l’article comportait des problèmes graves, et défendu le texte bec et ongles. Néanmoins, l’éditeur du journal a convenu, quelques mois plus tard, que l’article avait été un échec journalistique à tous les niveaux :

Les reporteurs n’ont pas compris le sens à donner aux statistiques et aux études portant sur le vaccin. Nous avons échoué à plusieurs titres. Cet article était fautif, notre analyse des données ne reposait pas sur une bonne compréhension du vaccin. La manchette et la présentation ont grandement exacerbé le problème. Les journalistes et leurs supérieurs n’ont compris ni l’histoire, ni ses imperfections25.

Conclusion

Il faut en arriver à placer cette discussion dans un cadre plus large, celui de la recherche de la vérité, qui suppose que le journaliste, avant d’être communicateur, se présente en enquêteur capable d’examiner froidement les faits et de ne pas aveuglément ou de manière expéditive donner foi aux propos d’une source, s’en remettre à ses préjugés ou sauter aux conclusions. L’honnêteté intellectuelle, l’intégrité, la rigueur, l’impartialité et un sens aigu de l’équité se présentent alors comme des conditions nécessaires (Bernier, 2004). Cette recherche de la vérité suppose aussi de pouvoir accepter une diminution du caractère spectaculaire de la nouvelle, si c’est le prix à payer pour la rapprocher du réel. Mais ce dilemme, si c’en est un, ne pourra se manifester que si la recherche a été menée jusqu’au bout, et que préside à l’exercice la pensée rationnelle.

Le véritable lieu d’exercice du journalisme se situe en amont de la mise en forme de l’objet communicant, au moment de l’enquête proprement dite. À cette étape, la tâche se présente comme « un mystère à éclaircir ». C’est la rigueur dans la mise en application des méthodes d’investigation, la capacité de transcendance du journaliste et le raisonnement logique qui détermineront en amont le caractère objectif ou pas que la nouvelle aura en aval.

C’est lorsque l’on bascule dans la phase de fabrication de l’objet communicant que les dispositifs de cadrage sont mis en jeu pour faire comprendre. La dynamique, à ce stade, n’en est plus une de recherche de la vérité, mais d’efficacité communicationnelle. Il n’est plus possible pour l’énonciateur de changer le sens de l’intrant qu’il a lui-même mis au point, et alors absorbé. Kovach et Rosenstiel (2001) parlent d’ailleurs du journaliste comme ayant successivement deux rôles : il est un « truth-seeker » dans un premier temps, puis ensuite un « truth-presenter ».

Bernier (2004) souligne que l’information journalistique se distingue de la désinformation par son recours à des arguments valides et rationnels, qui visent à obtenir une adhésion éclairée, et non à « extorquer » cette adhésion en manipulant la présentation avec des arguments qui seraient fallacieux. Sur cette question de la rationalité, il est remarquable de constater le sort des nombreuses études portant sur Gardasil, absentes de l’article. Qu’on cache cette réalité au public est un problème, mais qu’on les écarte de la recherche, alors qu’on prétend enquêter, témoigne d’un problème différent. Nous quittons alors le monde de la rationalité, pour tomber dans une dynamique qui tient de la théorie du complot : les études auraient été ignorées parce que les chercheurs qui les ont menées sont, bien sûr, tous à la solde de l’industrie pharmaceutique, ce qu’il n’est même pas nécessaire de démontrer. Avec le jugement porté sur Santé Canada, c’est l’autre grand présupposé de l’article.

Lewandowsky et al. (2012), tentant de comprendre les facteurs qui expliquent qu’une information fausse s’impose, insistent notamment sur la cohérence. Ce qui compte, entre autres, c’est que la logique interne fonctionne, qu’elle soit plausible. Une histoire est plausible dès lors que les faits qu’elle contient s’accordent entre eux. Si le storytelling demande simplement qu’une histoire soit plausible, comme c’est le cas pour les œuvres de fiction, le journalisme, lui, place la barre plus haut, puisque ce qu’il vise, c’est la fidélité la plus grande possible au réel, et non simplement l’absence de contradictions internes. Une nouvelle n’est pas simplement un texte dans lequel des faits réels s’accordent entre eux, elle doit aussi s’accorder avec les faits qui sont à portée de la main.

Dans la même veine, en écho à Tuchman, Glasser faisait ressortir en 1992 comment la notion d’objectivité peut braquer le projecteur sur la forme que prend la nouvelle, plutôt que sur sa validité. Le journaliste aligne les faits et les points de vue, dans la perspective souvent invoquée de donner au lecteur les outils lui permettant de se faire une opinion, mais il ne tente pas toujours de tester l’information et de prendre parti quant à établir ce qui est vrai. Pour Glasser, l’objectivité, ainsi entendue, mènerait le journaliste à ne pas faire face aux conséquences de ses actes. Elle serait alors une affaire d’apparence.

Nous avons montré que les dispositifs de cadrage peuvent entrer en conflit avec la déontologie lorsque la recherche n’a pas été adéquate ou que des conclusions hâtives ont été tirées, avec pour conséquence l’adoption d’un angle journalistique erroné et la publication d’informations trompeuses qui vont à l’encontre de l’intérêt public. Nous posons l’hypothèse, ici, que l’histoire des jeunes filles a activé un schéma chez les journalistes. Cette histoire, en effet, constituait simplement pour eux une preuve de plus que Santé Canada n’est pas à la hauteur de sa mission, une proposition qui correspondait pour eux à une conviction profonde. Les journalistes ne cherchaient pas la vérité, mais des preuves de ce qu’ils présumaient être la vérité. Darnton (1975) a avancé que les journalistes n’écrivent pas pour le public, mais pour leurs patrons, leurs sources et leurs pairs, dans la perspective de plaire ou d’impressionner. Dans le présent cas, les attentes d’un rédacteur en chef « provocateur » ont pu, également, jouer un rôle.

Nous avons également montré comment il est possible de publier un texte qui, dans son essence, est mal fondé, bien qu’il comporte très peu d’inexactitudes au sens littéral. Il faut en conclure que l’exigence déontologique d’exactitude ne suffit pas à la tâche et peut être aisément contournée si on ne convient pas qu’elle doit transcender la dimension dénotative pour tenir compte et englober également les aspects connotatif et contextuel de tout choix lexicologique ou discursif, y compris les suppressions. Peut-être faut-il, dans cette veine, revoir certaines définitions, comme celle de l’exactitude. On le voit ici, sur la base de définitions trop courtes, la déontologie risque d’être instrumentalisée, les dispositifs de cadrage se posant alors en vecteurs. Enfin, notre recherche indique que la théorie du cadrage offre une grille d’analyse critique qui peut être utile pour évaluer le respect des normes journalistiques usuelles. 

Michel Lemay est consultant indépendant en matière de relations publiques, gestion de la réputation, gestion de crise, communication et rédaction.




Notes

1

« It is a mistake to rush to the interpretative stage before sorting out what has actually occurred. Rather than rushing to add context and interpretation, the press needs to concentrate on synthesis and verification. » (toutes les traductions et l'adaptation française des citations sont de l’auteur. Dans certains cas, pour alléger, certains passages ont été comprimés et paraphrasés).



2

« The truth – sometimes referred to as the "objective truth" – is what journalists are aiming at; something that can backed up with evidence, verified, and demonstrated to be the case. »



3

« Objectivity is not the absence of interpretation. It is the testing of interpretations by the best available methods and restraining standards [...] That reporters be strictly neutral, across the board, is neither possible nor desirable [...] [Pragmatic] objectivity is a fallible, context-bound, holistic method of testing interpretations » (Ward, 2015, p. 53 et 298).



4

« It is the frame, as much as the event or development itself, which affects how the citizen will interpret and respond to news events. »



5

« We can define framing as the process of culling a few elements of perceived reality and assembling a narrative that highlights connections among them to promote a particular interpretation. »



6

« Schemata, defined as collections of organized knowledge, develop gradually, becore more complex, and are related to personal experiences and associated feelings. Schemata help individuals deal with the flood of new information as well as retrieve stored information from memory. Frames, on the contrary, are rather stable, because they are part of culture. »



7

Bruser, D. et McLean, J. (2015). A wonder drug's dark side. Toronto Star (05.02.2015).



8

Très critique : lorsque Santé Canada est mise directement en cause pour ce qui est décrit comme une faute, de la négligence, du laxisme, un problème majeur, en général dès la manchette, ou le sous-titre, ou le lead. Défavorable : lorsque Santé Canada est mise en cause et que son comportement fait partie du problème, mais une ou d'autres parties sont également mises en cause, ou lorsque la critique de Santé Canada n'est pas ostensiblement mise en vedette. Neutre : lorsque Santé Canada fait partie de la nouvelle mais que le traitement semble factuel. Favorable : lorsque Santé Canada est saluée pour une initiative.



9

« A Star investigation has found that since 2008, at least 60 Canadians experienced debilitating illnesses after inoculation. »



10

Rob Ford, à l'époque maire de Toronto, filmé consommant de la drogue, et Jian Ghomeshi, animateur de radio, pointé du doigt pour agressions sexuelles, accusé, puis acquitté.



11

« Before [Cooke] took over in 2009, the Star was stale and predictable. These days, it routinely takes on power [...] The Star has become a publication that delights in telling the public who the bad guys are, and even more in holding their feet to the fire [...] Any Star investigation has to meet certain criteria: someone must be getting hurt; something bad must have happened that the paper is trying to fix by exposing it; and usually public dollars or regulatory systems are involved [...] [Cooke] sees pervasive, insidious, institutional crookedness and mendacity at all levels of government. »



12

« Investigative reporting involves not simply casting light on a subject, but usually making a more prosecutorial case that something is wrong. Here journalists should be careful they have enough evidence to do so [...] Because what the investigative journalist discloses may lead to loss of reputation or change the flow of public events, it carries a greater weight of responsibility, not only in verification of fact but in sharing information about the nature of the sources of that information. »



13

 « Investigative reporting typically abandons the journalistic convention of allegation-and-denial, or attributed opinions, in favour of an attempt 'to establish facts which, if possible, decide the issue one way or the other'. »



14

« Hundreds of thousands of teen girls in Canada have safely taken Gardasil, a vaccine shown to prevent HPV. But a Star investigation has found that since 2008, at least 60 Canadians experienced debilitating illnesses after inoculation. Patients and parents say the incidents point to the importance of full diclosure of risks. »



15

« Patients and parents say the incidents point to the importance of full disclosure of risks »; « Like Kenzie and Armstrong, many of the girls say the vaccine was pushed on them by school officials, nurses or doctors » ; « The parents of the young women in this story said the documents they received were sparse and omitted some of the side-effects included in the official document » ; « Many of the girls interviewed by the Star said that as they struggled to learn what was ailing them, doctors told them the illnesses were in their head. »



16

Par exemple : « Leading health authorities have largely lauded Gardasil » ; « While Health Canada and the U.S. FDA say the vaccine is safe, officials in other countries have sounded alarms ».



17

« A Health Canada spokeswoman said, 'None of the adverse events reviewed have suggested any concerning trends or patterns linked to the HPV vaccines in Canada'. »



18

Par exemple : « [Health Canada's] adverse reactions database [...] cannot be used to prove causality [...] », dans Yang, J. et Cribb, R. (2014, 22 fév.). D’autres articles du Toronto Star, le 26 septembre 2012 et le 29 octobre 2012, vont dans le même sens. Ces derniers sont signés par les auteurs de l’article sur Gardasil.



19

« Gardasil's product monograph devotes multiple pages to a range of common and rare side-effects, some serious, connected to Gardasil. The parents of the young women in this story said the documents they received were sparse and omitted some of the side-effects included in the official document. »



20

« The Star analyzed [Health Canada]'s database of reports and found more than 50 'serious' incidents, including at least 15 hospitalizations connected to the vaccine since 2007. In the U.S. [...] the Star found thousands of suspected cases, including more than 100 deaths. Suspected side-effects listed in the Canadian reports include: Convulsions; more than 10 cases of joint, abdominal and other serious pain; two cases of anaphylaxis; a severe allergic reaction; two deaths [...]; and a hemorrhage, stroke and life-threatening heart condition. »



21

Gouvernement du Québec, Bureau du coroner (2010, 8 août). Rapport d'investigation du coroner Michel Ferland sur le décès d'Annabelle Morin (dossier A-307001).



22

Par exemple : « Health Canada ignores reports of side effects – Families, doctors stonewalled seeking help following deaths tied to prescription drugs » (29 octobre 2012) ; « DANGERS OF OFF-LABEL DRUG USE KEPT SECRET – Health Canada won't reveal serious suspected side-effects of medications being prescribed for uapproved uses » (26 juin 2014) ; « 'FEEBLE' HEALTH CANADA CAN'T BLOCK DODGY DRUG IMPORTS – Canada's lax health regulator has allowed drugs and pharmaceutical ingredients into the country that were banned from the United States because [they] were deemed potentially unsafe » (19 septembre 2014).



23

« Ordinary citizens are quite susceptible to framing effects in the real world, which often involve not one exposure to a slight message variation, but a pattern of repeated exposure to resonant words and images. »



24

« For most news stories the impact of prior information is profound. It affects the kinds of details that will be absorbed and the perspectives from which the story is viewed. »



25

« The crux of the problem was the reporters’ failure to understand the statistical significance of the vast testing and close study of Gardasil. There were multiple failures [at the Star]. There was failure in reporting and failures in every level of editing and oversight. The article was wrong because our analysis of the post injection event data wasn’t informed by a coherent understanding of the well established risk profile of Gardasil. This was made far worse by the presentation and headline treatments which indicated that the handlers of the story didn’t understand the story itself much less the story’s imperfections. » (Communication avec l’auteur).






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Référence de publication (ISO 690) : LEMAY, Michel. Cadrage et déontologie : la présentation de l’information comme indicateur de biais. Les Cahiers du journalisme - Recherches, 2019, vol. 2, n°3, p. R97-R119.
DOI:10.31188/CaJsm.2(3).2019.R097


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