Nouvelle série, n°5 Été 2020 |
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DÉBATS |
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ÉDITORIAL
La fin du début…
En s’emparant de l’actualité avec une hégémonie lassante et pourtant inéluctable, la pandémie confronte les journalistes, mais aussi les chercheurs, à des conditions inusitées. Elle montre aussi à quel point la diffusion des informations et des croyances dans l’espace public dépasse aujourd’hui le cadre du journalisme traditionnel.
A
lors même que son déroulement se poursuit, il n’est sans doute pas besoin d’attendre le décompte précis des pages qui lui auront été consacrées pour estimer que, depuis 75 ans au moins, aucun événement n’a dominé l’actualité d’une façon aussi écrasante que la pandémie en cours. Une durée événementielle sans dates, ni de début précis ni de fin assurée, de plus en plus lassante et pourtant incontournable : on ne saurait encore dire si sa couverture médiatique a atteint le genre de « plateau » ou de « pic » que scrutent pour leur part les épidémiologistes.
Bouleversant à la fois le journalisme par la place qu’elle monopolise dans l’actualité, par les conditions de travail qu’elle lui impose, par le rôle qu’elle lui confère et par les ressources publicitaires dont elle le prive, elle pousse aussi la recherche à adopter – dans ce domaine comme dans les autres – des calendriers inusités, présageant peut-être d’une courbe de publications scientifiques à la hauteur de la commotion professionnelle et sociale qu’elle a provoquée.
Dans ce numéro, déjà, un travail précurseur observe, dans le temps même de l’événement, les ressentis et expectations des professionnels face à la COVID-19. Outre son intérêt intrinsèque et, bien sûr, sa célérité (qui en a demandé autant de la part d’évaluateurs en butte eux aussi à des conditions de travail très dégradées), il a la particularité d’associer une chercheuse et une journaliste expérimentées. Une particularité mais pas une exception puisqu’un autre article, consacré pour sa part au journalisme de solutions, procède lui aussi du rapprochement bienvenu d’une universitaire et d’une professionnelle.
Sans transgresser en rien les distinctions épistémologiques, cette dualité culturelle délicate mais féconde se manifeste aussi dans la variété des auteurs et des contributions des sections Recherches, et a fortiori Débats. Tout aussi variés sont les problèmes qui s’y trouvent abordés. Mais chacun porte en filigrane la remise en cause, économique, bien sûr, mais même ontologique qui secoue le journalisme dans une sphère publique désormais ouverte à toutes les voix, y compris les plus spécieuses.
Perdrait-on cette évolution de vue que la pandémie, justement, serait là pour montrer, par le foisonnement des croyances diffusées en ligne, à quel point la question fondamentale de l’information du public dépasse celle du journalisme stricto sensu.
Cette question est au centre des réflexions de l’équipe de chercheurs francophones qui, comme annoncé dans le précédent numéro, est en train de se constituer pour donner un nouveau souffle aux Cahiers du journalisme. Un nouveau souffle qui devrait se manifester dès l’hiver prochain, non seulement par un renouvellement de leurs instances, mais aussi par l’élargissement de leur perspective.
Ce pourrait être le moment de porter un toast churchillien à la revue, mais surtout au journalisme en général dont, malgré les pertes, la résilience et la plasticité défient les prophéties : « Ce n’est pas la fin, ce n’est même pas le début de la fin, mais c’est peut-être la fin du début ».
Les Cahiers du journalisme
Référence de publication (ISO 690) :LES ÉDITEURS. La fin du début... Les Cahiers du journalisme - Débats, 2020, vol. 2, n°5, p. D3-D4.
DOI:10.31188/CaJsm.2(5).2020.D003