Nouvelle série, n°5
Été 2020 |
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Une crise dans la crise : comment les journalistes perçoivent-ils leurs rôles et leur avenir en temps de pandémie ?
Caroline Lacroix, Université de Sherbrooke et Radio-Canada
Marie-Eve Carignan, Université de Sherbrooke
Résumé
Alors que l’information est cruciale en matière de santé publique, notamment pour informer les citoyens des mesures sociosanitaires à adopter, mais aussi pour évaluer celles mises en place par les autorités, les médias de nombreux pays traversent une grave crise financière lorsque survient la pandémie de COVID-19. Le ralentissement économique mondial exacerbe ces difficultés et cela se traduit par une importante vague de fermetures et de mises à pied qui affaiblissent un journalisme déjà précaire. Notre recherche se penche sur les perceptions des journalistes québécois quant au rôle qu’ils ont joué dans l’épicentre de la pandémie au Canada. À partir de leurs témoignages, nous remarquons qu’ils se sont trouvés à exercer à la fois les fonctions de messagers et de chiens de garde du gouvernement. Nous verrons aussi que leur passion pour leur métier s’est renouvelée à travers cette couverture exceptionnelle, mais qu’ils sont nombreux à craindre pour l’avenir de leur profession en raison de la crise médiatique qui s’est exacerbée.
Abstract
Even though news is crucial when it comes to public health, especially in terms of informing citizens of the social and health measures to adopt, but also helping to evaluate the measures established by the authorities, the media in many countries has been experiencing a serious financial crisis with the COVID-19 pandemic. This crisis is compounded by the current global economic downturn, as is reflected by the significant wave of closures and layoffs that are weakening journalism, which was already in a precarious state. This study examines Quebec journalists’ perceptions of the role they have played at the epicentre of the pandemic in Canada. Their accounts show how they have found themselves acting as both messengers and watchdogs for the government. As we will see, while their passion for their profession has been renewed by the exceptional journalistic coverage during the pandemic, many of them fear for the future of their profession given the recent worsening of the media crisis.
DOI:10.31188/CaJsm.2(5).2020.R003
L
es médias d’information traversent une grave crise financière lorsque la COVID-19 arrive en sol québécois, en mars 2020. La pandémie provoque un choc économique tel qu’il menace la survie de nombreuses industries, si bien que les annonceurs se font de plus en plus rares, voire absents. Les entreprises de presse n’y échappent pas et doivent procéder à des restructurations qui entraînent des compressions supplémentaires et de nouvelles fermetures de salles de rédaction. Au même moment, les journalistes commencent ce qu’ils décrivent comme l’une des périodes les plus éprouvantes de leur carrière et couvrent les développements multidimensionnels que présente la crise sanitaire mondiale.
C’est dans ce contexte exceptionnel que nous avons voulu explorer les perceptions des journalistes du Québec quant à leurs fonctions exercées lors des premières semaines de la pandémie. À la lumière de neuf entretiens semi-dirigés réalisés auprès de professionnels de l’information1, on découvre que les journalistes ont la certitude d’avoir rempli une mission essentielle dans une période cruciale. Pour ce faire, ils expliquent qu’ils ont dû jouer les équilibristes entre se faire à la fois les chiens de garde du gouvernement – un rôle qui, dans la plupart des pays occidentaux, se situe au cœur du noyau normatif de la représentation que les professionnels de l’information se font de leur métier (Hanitzsch et Vos, 2018) – et les messagers des autorités (un rôle plus neutre et détaché) dans le but de donner une chance de réussite au plan de lutte contre la COVID-19 qui reposait largement sur l’adhésion aux mesures sanitaires mises en place (Adalja, Toner et al., 2020), tout en conservant un regard critique.
La façon dont les professionnels de l’information ont perçu ces fonctions dichotomiques et simultanées fait l’objet de la première partie de cet article. Nous démontrons également que d’informer le public pendant une période aussi cruciale a fait ressurgir leur amour du métier. Par contre, le pessimisme des journalistes est criant face à l’avenir de leur profession : ils sont nombreux à prédire la mort d’autres médias d’information et l’affaiblissement du journalisme au sortir de cette crise sanitaire qui aura tout bouleversé, ce qui risque, selon eux, d’affecter la capacité des professionnels de l’information à jouer leur rôle lors d’une prochaine crise sanitaire.
La pandémie de COVID-19 et le journalisme
L’importance de l’information en temps de crise de santé publique
Dans la société du risque où nous évoluons aujourd’hui (Beck, 2001 ; Giddens, 2005 ; Peretti-Watel, 2001), les potentialités de voir des crises de tout genre et de toute nature subvenir se multiplient rapidement. Parmi celles-ci, subsiste la menace de voir une pandémie à l’échelle mondiale en raison notamment de la mondialisation, de l’augmentation des voyages, de l’urbanisation, des changements dans l’utilisation des ressources et d’une plus grande exploitation de l’environnement (Madhav, Oppenheim et al., 2017). Avant la pandémie de COVID-19, la question n’est donc plus de savoir si nous ferons face à une crise sanitaire, mais plutôt quand nous devrons y faire face.
Les efforts des autorités sont alors concentrés sur la communication des risques, largement associée à la santé publique et aux actions mises en place par les gestionnaires, pour prévenir le public des comportements à risques et chercher à lui faire adopter des comportements préventifs adéquats (Seeger, 2006). Cette communication échoue lorsqu’elle ne parvient pas à motiver la population à adopter des comportements préventifs adéquats et à convertir leurs connaissances des risques en actions concrètes (Abunyewah, Gajendran et al., 2018). À l’opposé, elle semble plus efficiente lorsqu’elle inclut de l’information sur l’efficacité des mesures mises en place pour protéger les individus et la société (Dryhurst, Schneider et al., 2020). Les citoyens sont donc appelés à développer une culture du risque qui leur permette d’agir en société et d’affronter le futur (Giddens, 1991), surtout dans un contexte où les stratégies des acteurs de santé publique reposent largement sur l’adhésion populationnelle. Cette culture repose sur une communication stratégique qui devient alors la clé pour permettre aux citoyens de comprendre ces risques et d’adopter les bons comportements pour y faire face (David et Carignan, 2017).
Au cœur de cette communication stratégique se retrouvent les médias qui accordent une importante couverture aux crises et ont un rôle capital à jouer pour transmettre des informations cruciales au public. Ainsi, parler des risques serait presque toujours parler de leur médiatisation ou de la vision que les médias en ont dressé (Carignan, 2014 ; Champagne, 1999). Des études sur la perception du risque démontrent d’ailleurs que les publics ont une image construite par les médias et surestiment les « risques imaginaires » ou la fréquence des événements spectaculaires et fortement médiatisés, dont les attentats ou les meurtres, pourtant moins fréquents, et sous-estiment les risques naturels qui sont les plus fréquents, mais les moins médiatisés, tels les maladies et les accidents (Fischhoff, Slovic et al., 1978). La façon dont les médias traitent d’un sujet jouerait donc un rôle clé dans la façon dont les risques seront gérés et sur la perception des individus qui évalueraient les événements en comparaison avec ceux qui ont été fortement médiatisés préalablement (Boutté, 2006 ; Hornig Priest, 2005).
Ainsi, il semble nécessaire de se pencher sur le rôle des professionnels de l’information pour communiquer sur ces risques. Les journalistes peuvent voir leur rôle en trois temps dans ce type de situation : 1) informer le public de la situation, 2) donner de l’information pour décoder et comprendre la situation, et 3) en analyser les conséquences (Carignan, 2014). Lors de l’implantation des mesures sociosanitaires visant à combattre la COVID-19, une grande pression est mise sur les médias d’information pour se faire les relais du gouvernement et faire la promotion de ses mesures au sein du public. Une affirmation du directeur national de la santé publique au Québec, Horacio Arruda, qui a attiré de vives critiques au sein des médias d’information pendant la pandémie de COVID-19, en témoigne de façon éloquente, alors qu’il a qualifié les journalistes de « pigeons voyageurs » en référence à leur devoir de partager ce type de message officiel (Hachey, 2020). Cet incident se veut un bon indicateur des tensions vécues par la communauté journalistique qui doit jongler entre la responsabilité qui lui est attribuée dans la réponse publique aux mesures mises en place et ses fonctions usuelles de « chien de garde de la démocratie » voulant critiquer et contrevérifier les mesures gouvernementales. Ces tensions vécues par les journalistes se déroulent dans un contexte où les professionnels de l’information sont eux-mêmes confrontés à la pandémie, à ses risques sanitaires, à ses répercussions économiques et aux effets directs des mesures de santé publique sur les conditions de pratique journalistique (la distanciation physique et les mesures de confinement modifiant largement les conditions de pratiques des journalistes sur le terrain).
État des médias d’information avant la pandémie
Ainsi, la pandémie survient au moment où les médias d’information des pays industrialisés sont plongés dans une grave crise financière. Au Canada, plusieurs observateurs s’inquiètent que les médias ne puissent plus assurer « une couverture régulière, routinière et solide des institutions civique » (Forum des politiques publiques, 2017, p. 28). Depuis 2010, plusieurs journaux régionaux ont disparu ou ont réduit leur personnel de façon considérable : 225 hebdomadaires et 27 quotidiens n’existent plus et plus de 12 000 postes de journalistes ont été abolis (Forum des politiques publiques, 2017). Pour le Québec, le dernier recensement mené par Statistique Canada faisait état d’une réduction de 10 % du nombre de journalistes entre 2006 et 2016 (Giroux, 2019, p. 69).
Cette baisse importante de sources d’informations professionnelles est attribuable au bouleversement du modèle d’affaires des médias d’information provoqué par l’essor des géants du numérique qui engrangent la majorité des revenus publicitaires. Ce phénomène est observable un peu partout dans le monde. Selon un rapport du Canadian Media Concentration Research Project (CMCRP) et de l’Université Carleton à Ottawa, les géants Google et Facebook s’accaparent 74 % des revenus publicitaires numériques (Winseck, 2018) au détriment des médias d’information, ce qui a un impact direct sur la capacité de ces médias à garder les journalistes à l’emploi et à financer la production de nouvelles avec autant de qualité, de diversité et de profondeur (Martel, 2018). Pour survivre, plusieurs médias, dont ceux du Québec, ont dû revoir leur modèle d’affaires. Le plus ancien quotidien francophone d’Amérique du Nord, La Presse, s’est transformé en un organisme à but non lucratif (OBNL), le journal Le Devoir mise désormais sur l’abonnement, la philanthropie et les revenus publicitaires, et les six quotidiens régionaux du Groupe Capitales Médias se sont réunis sous la coopérative CN2i, espérant atteindre la rentabilité d’ici 2022. Cette rentabilité constitue un défi. Ainsi, dans son rapport annuel 2019 sur l’industrie des médias d’information, le Reuters Institute for the Study of Journalism de l’Université Oxford souligne, après avoir étudié la situation de 38 pays, que les médias sont encore loin d’avoir trouvé des modèles d’affaires durables et que cela présente des enjeux importants (Newman, Fletcher et al., 2019).
La pandémie fait reculer le droit à l’information à un moment crucial
Les premiers mois de 2020 creuseront un fossé encore plus important dans les finances déjà précaires des médias d’information. En raison des risques élevés de contagion et de l’absence d’un vaccin ou de traitements médicaux, le nouveau coronavirus force de nombreuses industries à ralentir, voire à cesser leurs activités, ce qui engendre une crise économique majeure. En juin 2020, la Banque mondiale révèle d’ailleurs que « la pandémie de COVID-19 a eu un impact économique "rapide et massif" qui n’a jamais affecté autant de pays depuis 150 ans, et ce, malgré l’aide massive des gouvernements » (Scott et Touitou, 2020).
Devant cette crise économique qui découle de la pandémie, les annonceurs se font rares et les revenus publicitaires, déjà affectés par la concurrence du numérique, se retrouvent en chute libre. Au cours des six premières semaines de la pandémie, plus d’une centaine de médias canadiens réduisent leurs effectifs et 50 journaux cessent leurs activités de façon temporaire ou permanente au pays (Wechsler, 2020). Au Québec, Québecor et Cogeco Média annoncent la mise à pied temporaire de nombreux employés. Le quotidien La Presse retranche le salaire et le régime de retraite des journalistes et des cadres d’environ 14 %, une mesure en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021 (Brousseau-Pouliot, 2020a).
Cette nouvelle vague de compressions survient au moment même où le public compte majoritairement sur les médias traditionnels, plus que sur toutes les autres sources, pour obtenir des renseignements sur la COVID-19 (Statistique Canada, 2020). Même si le public manifeste le besoin de connaître tous les détails de la pandémie afin de prendre des décisions pouvant être vitales, rares sont les médias qui peuvent bénéficier financièrement de l’augmentation de l’auditoire observée pendant cette période et il est incertain que cette hausse se maintienne après la crise (Bendali, 2020).
Les premiers ministres du Québec et du Canada estiment que les médias d’information sont un service essentiel, mais l’aide financière promise avant la pandémie se fait attendre et plusieurs entreprises de presse peinent à poursuivre leur mission (Brousseau-Pouliot, 2020b). Pour l’organisme Reporters sans frontières (RSF), la COVID-19 et les crises financières qui en découlent entraînent l’appauvrissement du journalisme de qualité et menacent le droit à l’information libre et indépendante à l’échelle mondiale (RSF, 2020).
Cette diminution importante du nombre de journalistes et ce recul du droit à l’information, se produisant simultanément à la pandémie, entraînent forcément un questionnement quant au rôle joué par les professionnels de l’information en cette période de crise sanitaire mondiale. Comment les professionnels de l’information ont-ils perçu et assumé leur rôle en ces temps exceptionnels de COVID-19 ? C’est ce qui nous amène aux objectifs de notre recherche.
Objectifs de la recherche
C’est dans ce contexte financier particulièrement difficile pour les médias et face à l’importance des informations indépendantes et vérifiées en temps de crise que nous nous sommes intéressées au travail réalisé par les journalistes appelés à couvrir la pandémie de COVID-19. De façon globale, notre recherche porte sur les effets de la pandémie sur le travail journalistique ainsi que sur les défis rencontrés par les professionnels de l’information du Québec dans la couverture de cette crise sanitaire.
Dans cet article, nous nous concentrons sur la représentation que les professionnels de l’information ont eue de leur rôle pendant les premières semaines de la pandémie et abordons l’effet que les déplacements de rôles qu’ils ont observés peut avoir sur leurs perceptions du métier et de l’avenir de la profession. Nous évoquons ainsi le fait que plusieurs d’entre eux sortent de cette couverture journalistique des plus éprouvantes avec plus d’estime et d’affection pour leur métier. Toutefois, nous verrons aussi que les journalistes entrevoient l’avenir de leur profession avec beaucoup de pessimisme, alors que la crise financière des médias d’information a pris de l’ampleur pendant les premiers mois de la pandémie.
Méthodologie
Notre recherche repose sur une approche qualitative. Nous tenions à récolter nos données au plus fort de la crise au Québec, alors que le nombre de cas de COVID-19 était en hausse constante et que les professionnels de l’information se trouvaient en plein cœur d’une couverture journalistique hors normes. Neuf journalistes québécois ont accepté de répondre à nos questions, malgré leur emploi du temps chargé. La majorité de nos entretiens semi-dirigés ont été réalisés à la mi-avril alors qu’un dernier a eu lieu au début du mois de mai.
Nos participants2, cinq femmes et quatre hommes, exercent le journalisme depuis au moins cinq ans et ont tous été très impliqués dans la couverture médiatique de la COVID-19. Par souci de diversité, les journalistes à qui nous avons parlé proviennent de différents médias québécois, tous types de journalisme confondus (radio, télévision, presse écrite et internet). Trois des répondants œuvrent au sein d’un média national public, trois autres travaillent pour un média national privé, alors que les trois derniers sont à l’emploi d’une organisation médiatique à but non lucratif (l’une nationale, l’autre régionale et la dernière à vocation scientifique). Cet échantillon nous permet d’obtenir une variété de représentations des structures de propriété et des types de médias. Néanmoins, les analyses conduisant aux résultats présentés dans cet article n’ont pas révélé de différences significatives dans les réponses selon le rattachement médiatique du répondant.
Pour analyser les données recueillies au cours de ces entretiens, nous avons utilisé une technique d’analyse thématique puisqu’elle nous apparaissait la plus polyvalente pour notre type de recherche (Bonneville, Grosjean et al., 2017 ; Mucchielli, 2009). Nous avons ciblé, dans un guide d’entretien, les idées principales que nous voulions aborder avec les participants. En codant le verbatim de chaque entretien à l’aide du progiciel N’Vivo, nous avons regroupé toutes les idées en différentes catégories, ce qui nous a permis d’identifier les principaux enjeux et défis auxquels les journalistes ont été confrontés. Pour cet article, nous avons choisi de présenter les résultats liés aux perceptions des journalistes à propos de leur métier et de l’avenir, perceptions qui se confrontent entre le sentiment du devoir accompli, un amour rehaussé pour la profession et la crainte quant à l’avenir des médias et de leur capacité à jouer pleinement leur rôle lors d’une éventuelle crise sanitaire aussi importante.
Présentation des résultats
C’est à la mi-mars 2020 que les journalistes du Québec, avec des ressources limitées comme nous l’avons vu précédemment, ont plongé dans ce qui allait devenir l’une des périodes les plus exigeantes de leur carrière. Les participants à notre recherche nous ont témoigné des efforts considérables qu’ils ont dû fournir pendant de nombreuses semaines pour arriver à informer le public de tous les bouleversements provoqués par le nouveau coronavirus, mais aussi de toutes les mesures gouvernementales annoncées quotidiennement par le gouvernement du Québec et du Canada : fermeture des écoles et des entreprises jugées non-essentielles, mesures sanitaires diverses et règles de confinement (Gouvernement du Québec, 2020).
Entre pigeons voyageurs et chiens de garde
Nos résultats démontrent que bon nombre de journalistes se sont retrouvés instinctivement à revoir leurs façons d’exercer leur métier et à chercher comment assumer leur rôle en ces temps de pandémie. Relayer les mesures sanitaires présentées par les autorités comme une question de vie ou de mort ou remettre en doute les décisions gouvernementales ? Plusieurs répondants ont eu l’impression de marcher sur un fil, à cheval entre le rôle de messager et celui de chien de garde de l’information. Un double-rôle qu’ils ont dû, pour la plupart, apprivoiser. Cela s’explique, selon les perceptions du journaliste 5, par la nécessité de faire connaître les mesures sanitaires et de confinement afin de contribuer à la réussite du plan gouvernemental, donc ultimement au combat contre la COVID-19. Ce journaliste explique le tiraillement ressenti entre la représentation qu’il a habituellement de son métier (remettre en question, critiquer et analyser les décisions des autorités) et le sentiment à l’effet qu’il devait soudainement participer à la transmission des messages des autorités pour assurer l’adhésion populationnelle aux mesures essentielles :
Et je t’avoue que dans les premières journées, ç’a été difficile parce que le gouvernement a adopté des mesures et voulait que ces mesures se rendent à la population. Il y avait un devoir de réussite de ces mesures-là pour permettre à notre société et à notre population de combattre la maladie. Donc, on était réduit un peu à ce rôle de courroie de transmission (Journaliste 5).
Certains répondants ont comparé cet aspect de leur travail à un « effort de guerre » ou à « une responsabilité sociale3 » pour transmettre à la population, sans trop de filtres, les informations, les consignes et les mesures adoptées par le gouvernement. Ce rôle semble avoir été plus important en début de crise en raison de l’urgence sanitaire. À ce propos, plusieurs de nos participants ont été professionnellement heurtés quand le directeur de la santé publique, Horracio Arruda, les a décrits comme étant ses « merveilleux pigeons voyageurs ». « Effectivement, il y a des gens qui pensent qu’on est des pigeons voyageurs, mais ce n’est pas exactement ça », rétorque le journaliste 1.
C’est une expression qu’on a comprise, mais qu’on n’a pas nécessairement appréciée parce que ça nous déleste de notre autre rôle qu’on doit continuer à assumer, même en temps de pandémie, même en temps de crise sanitaire, c’est-à-dire de contrepoids au pouvoir exécutif, au pouvoir du gouvernement (Journaliste 5).
Cet autre rôle, communément appelé celui de « chien de garde », est l’un des plus appréciés et valorisés par les journalistes du monde entier (Weaver et Willnat, 2012). Il constitue aussi une dimension ancrée dans l’idéal que plusieurs se font du journalisme politique, c’est-à-dire qu’il représente le quatrième pouvoir (Hanitzsch et Vos, 2018). Il est d’ailleurs important de souligner que les travaux de l’Assemblée nationale avaient été suspendus lors des deux premiers mois de la pandémie au Québec et que les partis d’opposition ont eu très peu d’occasions de soulever des questionnements sur le plan d’action gouvernemental. À ce moment, l’ex-juge à la Cour suprême du Canada, Louise Arbour avait d’ailleurs déclaré :
Au niveau des droits de la personne, les organes de surveillance sont très importants. Les oppositions, les parlementaires, les médias. Et dans le moment, vous vous inquiétez. Il ne faut pas que personne ne devienne le mégaphone, le porte-parole des autorités, même quand on a vraiment confiance. Il ne faut pas abandonner l’espèce de vigilance et la légitimité de poser des questions qui peuvent aller à l’encontre de l’opinion publique (Arbour, 2020).
Cela explique aussi que les journalistes à qui nous avons parlé se soient sentis tiraillés entre leurs fonctions de surveillance critique et celle nommée informationnelle-instructive par Hanitzsch et Vos (2018), qui se résume essentiellement à la transmission d’informations nécessaires pour que les citoyens participent à la vie politique. En évoquant que les journalistes étaient ses pigeons voyageurs, le directeur de la santé publique pouvait aussi donner l’impression que les journalistes étaient ses collaborateurs ou des facilitateurs du gouvernement, une dimension journalistique qui, selon Hanitzsch et Vos (2018), s’accompagne souvent d’une tendance à défendre des autorités et à s’engager systématiquement dans l’autocensure, ce à quoi ne souscrivent pas les répondants : « Oui, on a un rôle d’informer de ce que disent le gouvernement et la Santé publique, mais on a aussi le rôle de regarder ce qui ne marche pas et de le rapporter », précise le journaliste 7.
Les répondants estiment qu’ils étaient donc toujours aux aguets et conservaient leur fonction de surveillance critique, tout en assumant celle de messager qui semblait avoir préséance sur la première au début de la pandémie. Lorsqu’ils ont commencé à percevoir des problématiques et à obtenir des informations qui contredisaient les déclarations officielles des autorités, ils ont recalibré leur double-rôle pour mettre en doute certaines décisions du gouvernement et interroger notamment le niveau de préparation des gouvernements, la capacité des systèmes de santé à affronter la crise et la disponibilité du matériel de protection. Par exemple, le journaliste 7 rappelle que le premier ministre a nié, un certain temps, qu’il y avait une pénurie de masques et d’équipements de protection médicale et que ce sont les questions des médias, ayant obtenu des informations allant en ce sens, qui l’ont amené à admettre qu’il y avait un problème important. Les répondants, tous convaincus d’avoir contribué de façon indispensable à la lutte contre la pandémie, soutiennent que leur quête de la vérité a notamment permis de mettre au jour les graves lacunes dans les résidences pour aînés où se sont produits des milliers de décès :
Sans un article de la Gazette [Derfel, 2020], on n’aurait pas vu la situation dans les CHSLD4, sans les questions des journalistes, on aurait moins su de la situation générale au Québec, des pénuries de médicaments, des cris de détresse et d’alarme du personnel de la santé (Journaliste 5).
Pour la grande majorité des professionnels de l’information à qui nous avons parlé, il est indéniable que leur travail a contribué à démontrer toute la pertinence du journalisme à travers cette pandémie et que l’exposition des situations problématiques dans les médias d’information a permis au gouvernement de prendre conscience de certains problèmes et d’adopter des mesures. « Si on n’avait pas sorti, jour après jour, des décès et le nombre de cas qui n’arrêtaient pas d’augmenter dans les CHSLD, ç’aurait peut-être fini par sortir, mais pas aussi vite », estime le journaliste 1. Cela rappelle que le gouvernement minimisait l’ampleur du problème en parlant de cinq centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) où il y avait des problèmes graves, alors qu’il y en avait une quarantaine dans les faits. « Probablement que si l’exposition dans les médias avait été faite plus tôt, les mesures du gouvernement auraient été adoptées plus tôt dans les CHSLD pour essayer d’endiguer la pandémie » (Journaliste 5) .
C’est sûr que les médias jouent un rôle super important en ce moment parce qu’ils mettent la lumière sur des situations qui sont inacceptables […] Il y a beaucoup d’histoires qu’on n’entendrait pas. Oui, on aurait les chiffres, mais la crise a des impacts que même le gouvernement ne pouvait pas prévoir (Journaliste 4).
Les journalistes ont donc accepté de jouer les « pigeons voyageurs » pour faire en sorte d’amener le public à adopter certains comportements et à connaître les mesures sanitaires à respecter, mais ils n’ont pas hésité à poser les questions difficiles aussitôt que la situation l’a exigé. Selon nos répondants, c’est un double rôle qui s’est avéré indispensable dans la lutte à la pandémie et que seuls les professionnels de l’information peuvent jouer, ce qui explique notamment que les sites d’information officiels des autorités ne pourront jamais remplacer le travail journalistique pour offrir une information complète et équilibrée.
Perceptions des journalistes quant à leur métier
La pandémie de COVID-19 a donc entraîné un important questionnement chez les professionnels de l’information à qui nous avons parlé et une modification de la représentation qu’ils se faisaient de leurs fonctions. Nous avons aussi découvert, au fil de nos entretiens, que cette couverture journalistique aussi stimulante qu’exténuante et le sentiment d’avoir joué un rôle essentiel au plan sanitaire et social avaient modifié leur appréciation de leur métier. En deux phrases, le journaliste 4 résume les nombreux témoignages que nous avons eus à cet effet :
On est tous en train de retomber en amour avec pourquoi qu’on fait ça. Là on a l’impression que c’est du service public qu’on fait. On ne fait pas juste boucher des pages et écrire des textes pour remplir un journal (Journaliste 4).
Le journaliste 2 éprouve aussi davantage de passion pour son métier. « En ce moment, je ne voudrais pas être autre chose que journaliste. […] Cette crise-là me fait renouer avec une partie de l’amour que j’ai pour cette profession-là », déclare ce répondant qui estime que les sujets de reportages sont parfois un peu futiles en temps normal.
Nous avons demandé aux répondants si la crise qu’ils traversaient renforçait leur volonté d’être journaliste ou si, au contraire, elle les amenait à reconsidérer leur choix de métier en raison des contraintes et des risques qu’ils doivent prendre pour l’exercer, incluant de potentiellement s’exposer à la maladie. Aux yeux de plusieurs d’entre eux, la crise a su démontrer que ce qu’ils font est indispensable. « Ça montre que notre rôle est plus important que jamais » (Journaliste 1) ; « j’ai un sentiment que c’est vraiment utile en ce moment, le journalisme, plus qu’avant peut-être. » (Journaliste 9). La réponse du journaliste 7 a également été sans équivoque :
Je vis pour ça, je serais même prêt à mourir pour ça. Et je n’exagère même pas quand je le dis. Il y en a beaucoup qui sont comme moi. On travaille parce que c’est ce qu’on sait faire. Alors en temps de crise, on fait ce qu’on peut faire, et c’est informer le public. Parce que ça nous tient à cœur ! (Journaliste 7)
Pour le journaliste 8, son travail pendant la crise lui a insufflé une dose d’énergie pour continuer de couvrir l’actualité liée à la santé alors qu’il ressentait un certain essoufflement avant la pandémie :
La crise, ç’a quand même donné un deuxième souffle à l’affaire. Pis là ça m’a convaincu que j’allais faire [cela] probablement jusqu’à ma retraite. Parce que je te dis que le manque de transparence du réseau de la santé, ça finit par te rendre très aigri, très colérique, très frustré (Journaliste 8).
De son côté, le journaliste 6 a exprimé le souhait que le public ait pu lui aussi reconnaître plus d’importance quant au journalisme :
Non, non, moi ça ne me fait pas du tout remettre en question les choses, au contraire. Je trouve que ça démontre l’utilité de ce qu’on fait, je trouve ça encore plus important. Je te dis, il y a un côté de moi qui n’y croit pas, mais il y a un côté de moi qui espère aussi que ça va démontrer que c’est important de s’informer, puis c’est important d’apprendre à reconnaître l’information qui est fiable de celle qui ne l’est pas.
Comme d’autres, le journaliste 4 espère que le travail des représentants de la presse pendant la crise rappellera à la population et aux autorités l’importance du journalisme et des médias d’information dans un contexte où ceux-ci sont sous-financés et vivent une crise qui menace l’avenir du métier :
Moi ce que j’espère c’est que les gens vont comprendre la valeur de la nouvelle et qu’ils vont se rendre compte qu’elle a un coût aussi. […] Dans les médias, on essaie de vendre quelque chose qui est un bien public, mais ça reste que ça coûte quelque chose à faire et ç’a une valeur (Journaliste 4).
Nous verrons dans la prochaine section que les participants à notre recherche craignent de voir s’effriter, voire de s’évanouir le pouvoir journalistique au sortir de la pandémie. Leurs craintes rejoignent celles de RSF qui prévoit que la prochaine décennie sera déterminante pour l’avenir du journalisme notamment en raison des crises géopolitiques, technologiques, démocratiques, de confiance et économiques (RSF, 2020).
Perceptions des journalistes quant à l’avenir de leur métier
Alors qu’ils affirment que la pandémie a démontré à quel point le journalisme était important en période de crise et au sein d’une société démocratique, la peur de l’avenir pour les médias d’information tenaille les répondants, un sentiment généralisé, peu importe le type de médias dont ils sont issus. Le journaliste 1 estime que les récentes pertes publicitaires pourraient engendrer d’autres disparitions de médias d’information : « Si la crise s’éternise, je pense que cela pourrait avoir des conséquences assez directes sur le métier ». Le journaliste 5 partage les mêmes inquiétudes :
C’est ça le danger, c’est que les entreprises de presse soient déjà tellement par terre à cause de cette crise-là, qu’elles ne soient pas capables de se relever, même si on a démontré toute leur utilité et toute leur pertinence dans une démocratie pendant la crise (Journaliste 5).
Ils sont plusieurs à prédire la fermeture de nouveaux médias d’information. Pour le journaliste 7, c’est la diversité des médias qui est en jeu : « C’est une crise sans précédent parce que, honnêtement, je ne vois pas comment on pourrait s’en sortir intacts […] Les gouvernements doivent aider parce que sans ça, on va mourir ! » Le journaliste 6, lui, s’inquiète pour les quotidiens qui appartenaient au Groupe Capitales Médias et qui se sont regroupés en coopérative au cours des derniers mois : « C’est une catastrophe. C’est une vraie catastrophe, donc ça va faire très, très, très, très, très mal ». D’autres intervenants ont exprimé un tel pessimisme face à l’avenir :
C’est sûr que s’il y a d’autres médias qui tombent entre-temps, bien ça va être une bataille de perdue aussi contre cette pandémie parce qu’on n'aura pas accès à cette information de qualité à laquelle on a accès en ce moment (Journaliste 9).
À savoir si la démonstration de la pertinence du journalisme à travers cette crise permettra d’accélérer l’aide promise par les gouvernements, de nombreux intervenants sont sceptiques, dont le journaliste 7 :
[J]e suis très, très conscient qu’avec les millions de personnes qui se retrouvent au chômage, on n’est pas la priorité du gouvernement parce qu’on continue à rouler pareil, alors que le travailleur qui n’a plus d’emploi, qui sait pas comment il va payer son loyer, c’est urgent puis c’est autrement plus urgent. Ça me fait mal au coeur de le dire… (Journaliste 7)
Le journaliste 3 craint que de nouvelles mises à pied surviennent plus rapidement que l’aide gouvernementale : « Ça va peut-être être un petit peu trop tard pour beaucoup d’employés, de journalistes au Québec, surtout dans les plus petits médias ». Pour sa part, le journaliste 2 redoute que certains médias tentent de revoir à la baisse les exigences du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC)5 quant à la production d’informations :
Je ne crains pas pour mon poste à moi, mais je crains vraiment pour l’avenir des médias qui sont plus précaires. Absolument. Mais peut-être que je devrais craindre pour mon poste parce que si les grands médias [ont vraiment des difficultés financières], peuvent-ils aller négocier avec le CRTC pour diminuer les exigences ? (Journaliste 2)
Enfin, le journaliste 4 craint que la pandémie, en bout de piste, permette à l’autre épidémie, celle de la désinformation (OMS, 2020), d’avoir le dessus :
Ma crainte, ce serait qu’on perde la lutte à la désinformation parce qu’on n’aura pas eu les ressources nécessaires pour survivre assez longtemps, si l’aide financière n’arrive pas assez vite et que des médias continuent de couper dans leurs effectifs. Jusqu’où on peut nous-mêmes s’atrophier pour survivre sans toucher à notre mission d’informer ? Parce que moins on informe, moins on est nombreux à livrer l’information, plus il y a de place pour la désinformation (Journaliste 4).
Devant les pertes encaissées depuis le début de la pandémie, des éditeurs des plus grands journaux canadiens ont écrit une lettre ouverte pour réclamer qu’Ottawa impose notamment à Google et Facebook de partager leurs revenus publicitaires avec eux (Lepage, 2020). Des demandes répétées depuis plusieurs années tant au Canada qu’à l’international par les entreprises médiatiques et divers gouvernements, mais qui viennent d’être refusées à l’Australie par le géant américain Facebook (AFP, 2020).
Conclusion
Au moment de rédiger cet article, nous apprenons que la pandémie a déjà fait ses premières victimes chez les médias d’information au Québec. En juin 2020, le magazine culturel Voir, créé en 1986, annonce sa fermeture. Les six quotidiens régionaux de la nouvelle coopérative CN2i, qui avaient cessé leur édition papier (en semaine) pendant la pandémie, annoncent qu’ils se tournent vers une version numérique de façon permanente et que le journal du samedi prendra la formule d’un magazine (Desmeules, 2020). Cela tend à donner raison aux appréhensions exprimées par les participants de notre recherche.
L’industrie des médias d’information parle depuis longtemps de l’importance de trouver des solutions et un modèle d’affaires rentable et durable. Si l’information joue un rôle essentiel, comme l’ont mentionné les premiers ministres du Canada et du Québec pendant la pandémie, peut-elle réellement reposer principalement sur des revenus publicitaires ou doit-elle bénéficier de revenus assortis à ce statut de bien public indispensable ? Est-ce qu’une société démocratique peut accepter de voir son droit à l’information s’effriter de la sorte d’ici à la prochaine crise de santé publique ? Ces questions se posent à la lumière de la situation et des témoignages que nous avons recueillis.
Les journalistes s’en inquiètent et rappellent qu’ils ont, à travers la pandémie, permis à la population de prendre connaissance des mesures de santé publique et des annonces gouvernementales, tout en contribuant à faire sortir des informations cruciales jusque-là inconnues du public, telles que des données sur le nombre d’équipements de protection disponibles dans les hôpitaux ou sur la situation sanitaire dramatique dans certains CHSLD. Cela démontre, à leurs yeux, qu’ils ont joué un rôle fondamental pendant la crise sanitaire et que le journalisme doit avoir les véritables moyens lui permettant de continuer d’être un service essentiel pour la société. L’UNESCO craint également que l’impact économique de la COVID-19 constitue une menace existentielle pour le journalisme, mais estime que « ce moment offre également l’occasion de reconnaître le journalisme comme un élément essentiel de nos vies et de nos ressources, et de renforcer les médias d’information aujourd’hui et dans les années à venir » (UNESCO, 2020).
Considérant l’importance des médias dans la communication des risques, il est de mise de s’interroger sur le rôle joué par les journalistes pendant la pandémie. Ont-ils eu les moyens, malgré leurs ressources limitées, de bien couvrir tous les aspects essentiels de la crise sanitaire ? Ont-ils trop relayé les informations gouvernementales ? Ont-ils été suffisamment critiques des gouvernements ? L’ombudsman de Radio-Canada6 et ses homologues à l’international ont vécu une période exceptionnelle pendant les deux premiers mois de la pandémie, période pendant laquelle les plaintes, les questions et les recommandations du public se sont multipliées. Ces nombreuses requêtes tendent à démontrer que le public n’a pas toujours la même perception que les journalistes de leur rôle et de leurs pratiques professionnelles. D’autres volets de notre recherche ont aussi révélé que plusieurs de nos répondants ont essuyé un lot de critiques plus important qu’à l’habitude pendant cette même période, un symptôme probable de la crise de confiance actuelle envers les institutions et les médias, d’une méconnaissance du travail journalistique dans le processus démocratique et de la nécessité d’intensifier les efforts en matière d’éducation aux médias et à l’information.
Enfin, comme la médiatisation de la pandémie de COVID-19 risque d’influer sur la vision des prochaines crises sanitaires, il nous semble primordial d’étudier le discours que les médias ont tenu sur cette crise, de s’intéresser aux défis que sa couverture a engendrés pour les professionnels de l’information et de veiller à ce que le droit à l’information demeure suffisamment fort pour que le public puisse bénéficier d’une information indépendante, complète et rigoureuse ainsi que d’une diversification des sources journalistiques. 
Caroline Lacroix, qui prépare un mémoire de maîtrise à l’Université de Sherbrooke, est
présentatrice de nouvelles sur les ondes d’ICI RDI. Marie-Eve Carignan est professeure
à l’Université de Sherbrooke et directrice du Pôle médias de la Chaire UNESCO
en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violents (UNESCO-PREV).
Notes
1Pendant cette enquête, la double posture de Caroline Lacroix, journaliste et candidate à la maîtrise en communication de l’Université de Sherbrooke, était communiquée de façon très claire aux participants avant la tenue des entretiens semi-dirigés. Elle a mené la recherche de façon parallèle à toutes les tâches liées au suivi étroit de l’actualité. Cette double position lui a permis de développer une fine connaissance de la crise, lui donnant un regard éclairé sur les enjeux et les défis auxquels ont fait face les journalistes pendant les premières semaines de la pandémie.
2Dans cet article, les participants à notre recherche seront identifiés selon l’ordre chronologique de nos entretiens, du journaliste 1 au journaliste 9. Pour assurer la confidentialité de nos répondants, nous les présenterons tous par l’emploi du genre masculin.
3La responsabilité sociale des médias stipule que les médias doivent s’assurer d’agir de façon responsable et que la société est en droit d’exiger des comptes pour veiller à ces agissements responsables. Voir Siebert, Peterson et al. (1956) à ce propos.
4Au Québec, la pandémie a frappé durement dans les résidences pour aînés et les centres d’hébergement et de soins de longue durée (INSPQ, 2020). « Sur les décès causés par le coronavirus au Québec en date du 16 juin, 3 642 provenaient de CHSLD, 932 de résidences pour aînés (RPA) et 234 de ressources intermédiaires (RI) » (Pilon-Larose, 2020).
5Au Canada, les licences émises aux différents médias par le CRTC sont soumises au respect d’exigences en matière de production d’information.
6Ces informations sont issues d’un entretien réalisé avec l’ombudsman de Radio-Canada le 1er juillet 2020.
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Référence de publication (ISO 690) : LACROIX, Caroline, et CARIGNAN, Marie-Eve. Une crise dans la crise : comment les journalistes perçoivent-ils leurs rôles et leur avenir en temps de pandémie ? Les Cahiers du journalisme - Recherches, 2020, vol. 2, n°5, p. R3-R18.
DOI:10.31188/CaJsm.2(5).2020.R003