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Nouvelle série, n°6

1er semestre 2021

RECHERCHES

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Instagram : la une de l’ère mobile

Jean-Hugues Roy, Université du Québec à Montréal

Résumé

Une double analyse informatique des éléments textuels et visuels des publications d’une sélection de 32 médias d’information de la francophonie dans Instagram sur une décennie (n = 82 902) révèle que ceux-ci utilisent ce réseau socionumérique comme un quotidien utilise sa une, ou un bulletin de nouvelles ses manchettes. Instagram est principalement mobilisé par ces médias comme un outil de marketing leur permettant de susciter l’attention des abonnés de ce réseau social sur leurs contenus, et moins comme un outil journalistique destiné à informer le public.

Abstract

Instagram is the mobile era’s front page. A computational analysis of both textual and visual elements of 32 French-language media Instagram posts over a decade (n = 82,902) reveals that they mainly use the social network as if it were a daily’s front page or a newscast’s teaser: to promote their stories. In its use by the news media included in this analysis, Instagram is thus more a marketing tool destined to elicit its users’ attention than a journalistic tool used to convey news and information to the public.

DOI:10.31188/CaJsm.2(6).2021.R69





L'

utilisation d’Instagram pour s’informer a doublé depuis 2018, selon la plus récente édition du Digital news report 2020, qui prédit même qu’elle « dépassera probablement » celle de Twitter au cours de l’année 2021 (Newman, Fletcher et al., 2020, p. 10). Ce rapport du Reuters Institute for the Study of Journalism de l’Université d’Oxford est basé sur un sondage avec un échantillon d’environ 80 000 participants dans 40 pays, dont plusieurs francophones. C’est ainsi qu’en France, 9 % des répondants affirment s’informer par le biais d’Instagram, la même proportion que ceux qui utilisent Twitter. En Belgique, Instagram (8 %) a déjà dépassé Twitter (5 %). C’est aussi le cas en Suisse où 11 % des participants au sondage affirment se servir d’Instagram pour s’informer, une proportion proche de ce qui a été mesuré au Canada (10 %) où, en revanche, Twitter reste un vecteur plus important d’information avec 13 % des participants qui disent l’utiliser à cette fin.

Mais de quelle information, au juste, parle-t-on ici ? C’est la question de recherche au centre de cet article.

Instagram a été créé en 2010 par Kevin Systrom and Mike Krieger, deux informaticiens américains. Ils ont vendu leur entreprise à Facebook en 2012. Instagram s’inscrit parfaitement dans la jeune tradition du web social au sens où, en plaçant les usagers au centre du dispositif qu’il déploie, il permet un « usage expressif du web » (Proulx, 2012, p. 10).

Ainsi, il est cohérent qu’Instagram se décrive comme « un endroit où les gens peuvent s’exprimer par le biais de photos, de vidéos, […] incluant [des] stories, et explorer ce qui pourrait les intéresser dans des entreprises, des créateurs et des communautés » (Facebook, Inc., 2020, p. 8). Les stories sont des séries d’images et/ou de vidéos qui peuvent être augmentées de texte, d’icônes ou d’animations. Elles ont été implantées par Instagram en 2016 et imitent, en grande partie, le fonctionnement de Snapchat, un autre média socionumérique qui gagnait en popularité à l’époque. À l’été 2020, Instagram a ajouté la possibilité, pour ses utilisateurs, de mettre en ligne des reels, séquences vidéo de 15 secondes accompagnées de musique très largement inspirées de ce qu’on peut faire sur TikTok, plateforme basée en Chine.

Instagram revendique plus d’un milliard d’utilisateurs dans le monde (Systrom, 2018 ; Constine, 2018). Ceux-ci ne peuvent partager du contenu qu’avec leur appareil mobile. Instagram dispose d’une interface web (instagram.com). Mais elle permet presque uniquement de consulter le contenu d’Instagram. Il est possible, sur son interface web telle qu’elle existe à l’été 2020, d’échanger des messages directs avec d’autres utilisateurs et de téléverser de séquences vidéo pour IGTV1. Il est impossible, dans le web, de partager ni photos, ni vidéos, ni stories, ni reels. Instagram est donc un dispositif créé d’abord et avant tout pour le mobile.

Adopteurs précoces, les artisans de l’information se sont très tôt approprié les réseaux socionumériques (ci-après RSN) pour, entre autres, être en contact avec des sources et des idées nouvelles, entretenir leur réseau professionnel, mesurer la portée de leur travail, même si cela signifiait d’interagir avec un public pas toujours commode (Lewis et Molyneux, 2018, p. 12). Depuis une dizaine d’années, les études qui se penchent sur les usages journalistiques des différentes plateformes montrent que les reporters sont prompts à les utiliser, qu’ils s’adaptent rapidement aux exigences narratives propres à chacune et qu’ils parviennent à y réaffirmer leur autorité (Gadeau, 2014 ; Lewis et Molyneux, 2018).

Instagram ne fait pas exception. Bien qu’il n’ait pas été conçu, à l’origine, comme un véhicule d’information – pas plus que la plupart des autres RSN, d’ailleurs (Mercier et Pignard-Cheynel, 2014, par. 31) – les journalistes et leurs organisations l’ont progressivement investi au cours de la décennie 2010. Ils ne s’en servent pas, cependant, de la même façon que les autres plateformes. Dans une étude sur l’utilisation des RSN par les médias publics de six pays européens, des responsables de rédaction ont indiqué qu’Instagram est prisé parce qu’il permet de rejoindre les femmes et les jeunes, des publics qui s’informent de moins en moins par le biais des véhicules traditionnels que sont la presse imprimée, la radio, la télévision et même le web. Mais il apparaît qu’Instagram sert aussi aux médias pour projeter « l’impression » qu’ils innovent ! (Sehl, Cornia et al., 2018, p. 5, 20, 22)

De nombreuses études se penchent sur Instagram depuis sa création et les chercheurs, surtout en informatique, en psychologie et en sciences sociales, s’y intéressent de plus en plus. Un décompte sur Scopus (Elsevier, 2020) effectué en juillet 2020 permet de constater que le nombre d’études consacrées à Instagram est passé de 29 en 2013 à 938 en 2019, un bond de plus de 3000 % ! Cette croissance coïncide avec la hausse de l’utilisation des plateformes mobiles pour s’informer. Alors que 25 % des Français utilisaient un téléphone intelligent pour s’informer en 2013, ils étaient plus du double, 59 %, en 2019 (Newman, Fletcher et al., 2020).

Pourtant, dans toutes les études qui se sont intéressées à Instagram, bien peu se sont penchées spécifiquement sur ses usages journalistiques. Borges-Rey (2015) a étudié la frontière entre l’espace personnel et l’espace professionnel dans les publications Instagram de douze photojournalistes. Barclay et Maitra (2018) ont réalisé une analyse de contenu visuel des comptes Instagram de dix médias dans toutes les régions linguistiques de la Suisse. Vázquez-Herrero, Direito-Rebollal et al. (2019) ont, pour leur part, examiné l’utilisation des stories Instagram par 17 médias de part et d’autre de l’Atlantique dans une étude sur ce qu’ils ont appelé le « journalisme éphémère ». Rivera-Rogel et ses collègues, plus récemment (2020), ont scruté 3 600 publications sur les comptes Instagram de 23 médias latinoaméricains pour se rendre compte que les trois quarts de ces publications traitaient, en fait, de divertissement (culture, sports, lifestyle, people).

En outre, à part celle de Barclay et Maitra (2018), aucune étude ne semble s’être penchée sur les usages journalistiques d’Instagram dans l’univers francophone. Il s’agira donc, dans cet article, de se demander comment les médias francophones ont mobilisé Instagram depuis sa création. Plus spécifiquement, il s’agira de vérifier l’assertion de Pavlik selon qui les contenus journalistiques (« the content of what we call news ») sont modelés (« shaped ») par la technologie (2000, p. 229-231). Ainsi, la question de recherche plus précise est la suivante : comment le dispositif technique qu’est Instagram modèle-t-il l’information qui y est transmise par les médias francophones ?

Méthodologie

Une liste de 32 médias de la francophonie a tout d’abord été constituée en utilisant trois critères. Il fallait d’abord des médias issus des principaux pays francophones. C’est ainsi que des organisations de France, de Belgique, de Suisse, du Canada et du Liban ont été choisies. L’absence de pays africains s’explique par le fait qu’aucun compte Instagram d’un média francophone du continent n’ait été trouvé. Le Monde Afrique a été sélectionné pour pallier, bien imparfaitement puisque sa rédaction est basée à Paris. Ainsi, la moitié des médias choisis sont français, six sont québécois, cinq sont suisses romands, quatre sont de Wallonie/Bruxelles et un est libanais (Table 1).

Deuxième critère : il fallait, idéalement dans chacun de ces pays, des médias d’information quotidienne généraliste dans les trois grands moyens de diffusion traditionnels, soient la presse imprimée, la radio et la télévision. Pour la France, les données de diffusion de l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias ont guidé le choix des quotidiens nationaux et régionaux (2020)2. Une liste publiée par différentes ambassades a servi à compléter la sélection de radios et de télévisions d’information. Les principaux médias publics de la francophonie ont été inclus, mais seulement France Info et Radio-Canada Information possèdent un compte Instagram consacré à la diffusion d’information sur cette plateforme3. Un pure player du web, Mediapart, a aussi été inclus dans notre liste en raison de la place qu’il s’est taillée depuis sa fondation en 2008.

Troisième critère : il fallait également que le nombre d’abonnés du compte Instagram du média soit supérieur à 10 000 au moment où la collecte de données a été effectuée (première semaine de septembre 2020). C’est une limite arbitraire, mais qui correspond au seuil que se sont également fixé d’autres chercheurs, comme Vázquez-Herrero et al. (2019). C’est aussi la limite que des chercheurs en marketing ou en psychologie (Hendriks, Danii et al., 2020) utilisent pour distinguer un compte qui a une certaine influence d’un compte qui n’en a pas.

Ces critères font que les 32 organisations retenues sont représentatives de la présence des médias de la francophonie dans Instagram.

La collecte de données elle-même a ensuite été effectuée à l’aide de CrowdTangle, un outil d’analyse et de recherche de contenu sur différents RSN appartenant à Facebook. Depuis 2019, en vertu d’un partenariat avec Social Science One, de l’Université Harvard, des chercheurs peuvent y avoir accès (Garmur, King et al., 2019).

CrowdTangle peut être utilisé pour recueillir toutes les publications Instagram (sauf les stories et les reels) d’un compte sur une période donnée. Pour chaque publication, CrowdTangle nous retourne différentes informations, notamment la date, l’URL, le texte qui accompagne la publication, le nombre de « j’aime », le nombre de commentaires et, dans le cas des vidéos et des diffusions IGTV, le nombre de vues. La somme de ces trois informations (« j’aime », commentaires et vues) représente les interactions suscitées par la publication, ce qui peut donner une idée de sa portée chez les abonnés d’Instagram.

Cet outil est imparfait à plus d’un égard. Tout d’abord, comme Instagram, il appartient à Facebook. Dans la mesure où CrowdTangle fournit des données, il joue le même rôle qu’une API4. En fait, l’outil de présente à la fois sous la forme d’un module (« dashboard ») accessible dans le web et sous la forme d’une API interrogeable programmatiquement.

Les chercheurs en sciences sociales puisent dans des API depuis l’apparition des RSN (Bruns, 2019). Ces API sont en quelque sorte des fenêtres que différents services en ligne ouvrent sur leurs données. Certains ouvrent des fenêtres plus grandes que d’autres. L’API de Twitter, par exemple, est plus « généreuse » que celle de Facebook et d’Instagram qu’est CrowdTangle. Les chercheurs sont ainsi à la merci de ce que les plateformes qu’ils étudient veulent bien les laisser voir.

Cela n’est pas sans conséquences, nous met en garde Rogers (2018). D’abord, les données fournies par les plateformes peuvent être instables. En effet, une même recherche effectuée plusieurs fois dans CrowdTangle peut donner des résultats légèrement différents. Enfin, les chercheurs doivent être conscients que les données dont ils se servent n’ont pas été colligées à des fins de recherche. Facebook, en l’occurrence, n’existe pas pour faire de la recherche en sciences sociales ou en communication, mais pour vendre de la publicité à des annonceurs. Cela peut produire des effets sur les données produites. Il convient notamment de s’interroger sur les données d’interaction fournies par les plateformes. Un « like » est-il le reflet d’une authentique adhésion ou le simple effet de l’efficacité sournoise des algorithmes à nous faire appuyer sur le bouton « like » ? Il convient donc, d’entrée de jeu, d’être transparent quant aux limites de l’outil utilisé pour cette étude.


Figure 1. La plus ancienne publication de notre corpus, peut-être la première de la part d’un média francophone au monde. Publiée le 26 mai 2011 par le compte de France Info, elle présente une image floue du logo de France Info sur son site web.
Il semble s’agir d’un essai.

En l’absence d’une solution de rechange pour accéder au contenu d’Instagram, CrowdTangle a été utilisé pour recueillir toutes les publications qu’il contenait de chacun des 32 médias identifiés. Les publications recueillies ont été mises en ligne par ces médias entre le 1er janvier 2011 et le 31 août 2020. En fait, cette fenêtre temporelle permet de construire un échantillon assez représentatif de l’utilisation d’Instagram par les médias de la francophonie depuis que cette plateforme existe5. La collecte a recueilli des données sur près de 83 000 publications Instagram.

Deux analyses computationnelles6 (au moyen du langage python) ont ensuite été effectuées sur ce jeu de données. Elles ont été effectuées dans le cadre proposé par Highfield et Leaver (2016, p. 50-51), parmi les premiers chercheurs à définir les paramètres de l’étude de ces plateformes émergentes, conçues pour le mobile et éminemment visuelles, comme Instagram. Ils ont donné à leur cadre d’analyse le nom d’« Instagrammatics » et il consiste notamment à aller plus loin que les études sur les RSN qui n’examinent que le texte et à considérer également les éléments visuels : les photos, bien entendu, mais également les emojis qui accompagnent les textes.

Notre première étape a ainsi consisté en une analyse du texte des quelque 83 000 publications recueillies à l’aide de spaCy (Honnibal et Montani, 2017), un outil de traitement du langage naturel.

La seconde analyse a ensuite été effectuée sur un sous-échantillon de 733 images extraites de notre corpus. Pour constituer ce sous-échantillon, nous avons d’abord exclu les vidéos et les segments IGTV pour ne conserver que les photos seules et les albums. Comme le montre la Table 2, dans le chapitre résultats ci-dessous, les photos et les albums sont, de loin, le type de contenu le plus couramment diffusé par les médias francophones avec un peu plus de 88 % de tout ce qu’ils ont publié sur Instagram.

Pour chacun des 32 médias examinés, donc, le premier centile des publications ayant suscité le plus d’interactions a été téléchargé. Lorsqu’il s’agissait d’un album, uniquement la première image était téléchargée. Par exemple, le corpus comprend 4 530 images ou albums diffusés par Le Figaro. Ce sont donc 45 photos du Figaro qui ont été incluses dans l’échantillon analysé. Le nombre d’images par média oscille entre quatre (dans le cas de la Radio-Télévision Suisse, du Monde Afrique, de TVA Nouvelles et du JT de TF1) et 74 (dans le cas du Monde).

Chacune des images de cet échantillon a ensuite été analysée à l’aide de l’API7 Computer Vision du service d’intelligence artificielle infonuagique Azure Cognitive Services, de Microsoft. Cet outil permet, notamment, « le traitement de données visuelles pour étiqueter du contenu [et] reconnaître des sujets familiers », incluant des personnalités publiques (Microsoft, 2020).

Nous allons maintenant nous pencher sur les résultats de ces deux analyses. Ils présentent un portrait inédit de l’activité des médias francophones dans Instagram au cours d’une période de près de dix ans.

Résultats

Une décennie dans Instagram

Commençons par décrire notre corpus (table 1). Au 31 août 2020, les 32 médias qu’il contient revendiquent ensemble plus de 6,5 millions d’abonnés dans Instagram.


Table 1. Caractéristiques des publications Instagram de 32 médias francophones
Classement selon le nombre d’abonnés (1er janvier 2011 – 30 août 2020)

Depuis qu’ils ont commencé à utiliser cette plateforme, ils y ont diffusé précisément 82 902 publications (sans compter les stories ni les reels »). Ces publications ont suscité plus de 44,2 millions de « j’aime » et plus de 850 000 commentaires. Lorsque les publications avaient la forme de vidéos, d’albums photos ou de segments IGTV, ceux-ci ont été vus plus de 72,6 millions de fois. Ainsi, la somme de toutes les interactions suscitées par notre corpus de médias francophones depuis leurs débuts dans Instagram avoisine les 118 millions.


Table 2. Répartition des publications Instagram en fonction du type de contenu publié Classement selon le nombre de publications (1er janvier 2011 – 30 août 2020)

La table 2 montre la répartition des types de publications privilégiés par l’ensemble de notre corpus. Les photos seules sont, de loin, le format de prédilection avec près des trois quarts de l’ensemble. Viennent ensuite les albums (ou galeries de photos) avec environ 15 % de toutes les publications, les vidéos avec près de 8,5 % et les segments IGTV qui représentent à peine plus de 3 % de l’ensemble de ce que nos 32 médias ont diffusé dans Instagram. À noter que cinq médias (La Presse, La Libre Belgique, RTL Info (Belgique), Le Monde et Le Monde Afrique) n’ont diffusé aucun segment IGTV sur l’ensemble de la période étudiée. Quatre autres (Le Matin, Le Soleil, Le Temps et Sud-Ouest) en ont diffusé moins de 10 chacun. En revanche, si IGTV est le type de contenu le moins souvent utilisé, il est celui qui a généré le plus d’interactions avec près de 35,5 % du total.


Figure 2. Nombre de publications dans Instagram par mois par les 32 médias du corpus

La figure 2 nous permet de constater que les médias ont progressivement et régulièrement investi cette plateforme depuis les premières publications par France Info au milieu de 2011 (voir figure 2). De 127 publications par mois en moyenne au cours de l’année 2013, le rythme mensuel moyen des médias de notre corpus est passé à plus de 1 840 publications pour chacun des huit premiers mois de 2020. Si la tendance s’est maintenue, 2020 aura connu une croissance de 22,2 % du nombre de publications Instagram par les médias francophones, par rapport à 2019. C’est inférieur à celle de l’année précédente : en 2019, les médias francophones avaient publié 31,3 % fois plus qu’en 2018.

Le printemps 2020 semble avoir été marqué par un effort des médias pour rejoindre un public confiné par la pandémie de COVID-19. En effet, avril 2020 est le mois record du nombre de publications avec plus de 2000 ce mois-là. Mais depuis, le volume de publications dans Instagram diminue sans cesse. Il reste cependant plus important, chaque mois, que presque tous les mois d’avant 2020.

On vient d’évoquer le public ; on peut maintenant se demander comment celui qui est abonné à Instagram a réagi à ces publications.

La figure 3 montre qu’il a tardé à se manifester. Si le volume publié par les médias de la francophonie a progressé à un rythme à peu près linéaire depuis les débuts d’Instagram (figure 3), les interactions que ces publications suscitent, elles, ont augmenté à un rythme exponentiel.

La progression des interactions a été lente, jusqu’en 2018 où elle se met à accélérer. On dirait cependant que la pandémie a brusquement freiné cette croissance et qu’on assiste à une diminution du nombre d’interactions par mois depuis le pic de 8,25 millions atteint en mars 2020. La maladie à coronavirus semble avoir refroidi les ardeurs des abonnés d’Instagram comme elle a refroidi celles des médias. Il n’en demeure pas moins que la somme de ces interactions pour les huit premiers mois de 2020 dépasse presque la somme de toutes les interactions ayant été suscitées au cours des huit années précédentes !


Figure 3. Somme des interactions, par mois (en millions), suscitées par les publications Instagram des 32 médias du corpus

Mais ce recul, en 2020, dans l’utilisation d’Instagram par les médias (et dans les interactions avec leurs abonnés) s’explique-t-il uniquement par la COVID-19 ? La popularité d’autres plateformes, notamment TikTok et les applications de messagerie, pourrait y contribuer. En effet, l’application chinoise TikTok compterait déjà, en juillet 2020, près de 700 millions d’utilisateurs dans le monde (Sherman, 2020), ce qui se rapproche du milliard revendiqué par Instagram. Déjà, quelques médias francophones ont une présence sur ce média socionumérique en émergence (dont BFMTV et Le Figaro, entre autres). TikTok pourrait donc, au fur et à mesure que son nombre d’utilisateurs croît, concurrencer Instagram chez les médias francophones et leurs publics, particulièrement les plus jeunes.

En outre, le Digital news report 2020 rapporte que dans plusieurs pays européens (comme l’Allemagne, les Pays-Bas ou l’Italie), l’application de messagerie privée WhatsApp arrive au deuxième rang parmi les sources d’information dans les RSN, loin devant Instagram (Newman, Fletcher et al., 2020, p. 62-85). Le rapport indique aussi que la pandémie de COVID-19 a changé les habitudes d’information des citoyens confinés (p. 13). Plusieurs sont retournés devant les bulletins télévisés et dans les versions en ligne de grands médias traditionnels, alors que d’autres ont essayé de nouvelles sources numériques, comme des groupes privés dans Facebook ou des applications de messagerie, telles que Messenger ou WhatsApp. Tout ceci pourrait se faire aux dépens de la plateforme Instagram.

Mots-clics et emojis : Qu’est-ce que les médias racontent à leurs abonnés
dans Instagram ?

Il y a, dans les données que CrowdTangle fournit à propos de chaque publication dans Instagram, trois champs d’information textuelle possibles : un titre, une description et (s’il y a lieu) du texte extrait d’une image.

La figure 4 donne un exemple avec une publication de France 24, le 17 septembre 2018. L’encadré A, en vert, désigne le titre de la publication.

L’encadré B, en rouge, représente la description de la publication. C’est l’élément le plus courant et là où on trouve généralement des mots-clics (hashtags) et des emojis.

L’encadré C, en jaune, désigne du texte que CrowdTangle peut détecter par reconnaissance optique des caractères. Cette opération, cependant, n’est pas toujours fiable et contient parfois des erreurs.

À noter, enfin, que les commentaires laissés par d’autres utilisateurs d’Instagram ne sont pas recueillis par CrowdTangle et ne font donc pas partie de cette analyse.


Figure 4. Les trois éléments textuels d’une publication dans Instagram

Sur les quelque dix années étudiées, les 32 médias que nous avons ciblés ont publié près de 6 millions de mots dans Instagram. Près de 57 000 publications (68,5 % de l’ensemble) contiennent des emojis. La figure 5 présente ceux qui ont été utilisés le plus couramment.


Figure 5. Les 20 emojis le plus souvent utilisés dans les publications de notre corpus

Sans surprise, puisque Instagram est centré sur la photographie, les emojis représentant un appareil photo ou un appareil photo avec flash ont été utilisés dans la plus grande proportion de publications (près de 18 % de l’ensemble). Les emojis suivants donnent une idée des sujets le plus souvent abordés dans Instagram : le ballon de foot, le trophée et la balle de tennis donnent à penser que même si aucun média sportif n’a été retenu dans notre corpus, le sport est le sujet dont les médias francophones parlent le plus dans Instagram avec la culture, illustrée par les emojis d’une caméra et d’un clap (pour parler de cinéma), d’un microphone (pour illustrer des publications sur la musique) ou d’une feuille avec crayon, d’un téléviseur ou d’un poste de radio (pour accompagner des publications sur l’industrie des médias).

Le rang des drapeaux, aussi, est révélateur. La troisième place du tricolore français n’est pas étonnante, puisque la moitié de notre corpus est composée de médias français. Mais le drapeau suivant n’est pas celui d’un pays francophone. Il s’agit du drapeau américain, ce qui montre la place prépondérante des informations en provenance des États-Unis, même dans l’espace informationnel francophone. Le drapeau suisse vient au 11e rang, suivi (hors de la Figure 3) au 28e rang du Royaume-Uni (un autre pays non-francophone), au 29e rang de la Belgique et, au 42e rang du Canada (ce qui s’explique probablement par un plus grand sentiment d’appartenance au Québec qu’au Canada chez les artisans de l’information québécois). Parmi les autres emojis couramment utilisés, la plupart sollicitent les émotions du lectorat (visage avec yeux en cœur, cornet de fête, clin d’œil, mains qui applaudissent).

Ces emojis ne sont pas nécessairement ceux qui suscitent le plus d’interactions. La figure 6 présente le nombre moyen d’interactions des publications dans lesquelles se trouvent différents emojis, à condition que ceux-ci aient été utilisés dans 100 publications ou plus.


Figure 6. Les 20 emojis ayant suscité le plus d’interactions par publication de notre corpus et se retrouvant dans 100 publications ou plus

Ces résultats montrent que des emojis associés à la pandémie de COVID-19 sont parmi ceux qui ont le plus fait réagir les abonnés d’Instagram. Le drapeau chinois, qui se retrouve en tête, a été fréquemment utilisé pour expliquer les origines du virus, pour décrire les mesures adoptées par les autorités de Pékin ou pour raconter les effets du confinement dans la société chinoise, comme la figure 7 en fournit un exemple. Deux autres emojis très populaires peuvent être associés à la pandémie : le visage portant un masque et l’arc-en-ciel, symbole d’espoir ayant été utilisé dans plusieurs pays et repris dans de nombreuses publications Instagram avec le slogan « Tout ira bien » (en Europe) ou « Ça va bien aller » (au Québec).


Figure 7. Segment IGTV diffusé par France 24 ayant été vu plus de 100 000 fois
et expliquant le grand nombre d’interactions associées à l’utilisation de l’emoji du drapeau chinois
(recadrage)

Le drapeau libanais se retrouve au troisième rang uniquement en raison du très grand nombre de réactions aux publications Instagram relatant les explosions du 4 août 2020 dans le port de Beyrouth. La présence, très haut dans ce classement, des drapeaux américain et britannique montre que non seulement la presse francophone parle beaucoup de ce qui se passe dans le monde anglo-saxon, mais combien ses abonnés dans Instagram sont réceptifs. La plupart des autres emojis (le visage qui rit aux larmes, celui avec les yeux en cœurs, les applaudissements, les flammes (« c’est chaud ! ») montrent aussi combien Instagram fonctionne à l’émotion. C’est le cas de la plupart des RSN. Plusieurs études ont fait la démonstration de l’effet multiplicateur des émotions sur la diffusion des informations sur ces plateformes (Bakir et McStay, 2018 ; Kramer, Guillory et al., 2014 ; Stieglitz et Dang-Xuan, 2013). Il n’est donc pas étonnant que les médias francophones aient recours à cette stratégie dans leur emploi d’Instagram.

L’analyse des mots-clics est aussi propre à l’étude de la communication sur les RSN. Ces mots ou expressions précédés d’un dièse (« # ») ne sont pas uniques à Instagram. Ils y permettent, comme dans Twitter ou Facebook, de « structurer les discussions autour d’un thème ou d’une idée » (Small, 2011, p. 873-874). La figure 8 présente la liste des mots-clics qui sont apparus le plus souvent dans les quelque 83 000 publications de notre corpus.

Ce qui étonne, dans ce palmarès, c’est à quel point les mots-clics autoréférentiels sont fréquents. On y trouve bien entendu les noms des médias eux-mêmes (#rcinfo, #france24, #lavoixdunord, #pourlemonde, #lapresseplus, #rtl et #rfi), mais il y a aussi #clicquebec, qui est un concours dans lequel le quotidien Le Soleil, de Québec, invite ses lecteurs à lui envoyer leurs plus belles photos. Les mots-clics qui se rapportent directement à l’information relayée sont peu nombreux et, à part #coronavirus et #covid19, la décrivent en termes plutôt vagues (#politique, #culture, #art, #musique).


Figure 8. Les 20 mots-clics les plus souvent utilisés dans les publications du corpus

La figure 9 montre quels mots-clics génèrent le plus d’interactions chez les abonnés Instagram des médias analysés.


Figure 9. Les 20 mots-clics ayant suscité le plus d’interactions par publication de notre corpus et se retrouvant dans 100 publications ou plus

Les deux mots-clics qui récoltent, de loin, le plus d’interactions par publication sont également autoréférentiels. Ils sont associés à un populaire segment de huit à neuf minutes animé par Bruce Toussaint sur BFMTV et ses réseaux sociaux (Facebook Watch et IGTV). « Deux autres mots-clics sont des illustrations du fait que les médias se servent aussi d’Instagram pour faire leur propre publicité : #le13h (TF1) et #lcn (chaîne québécoise d’info continue, sœur de TVA). »

Les autres mots-clics de cette liste, heureusement plus nombreux, se rapportent à l’actualité. Ils donnent une idée des sujets ayant mobilisé le plus d’attention chez les abonnés de ces médias sur Instagram ces dernières années : les manifestations contre le racisme aux États-Unis (#georgefloyd, #blacklivesmatter, etc.), la pandémie (#masque, #covid, etc.) et l’incendie de la cathédrale #notredame de Paris.

Le même type d’analyse a ensuite été effectué avec les mots seuls (qui ne sont pas des hashtags), les bigrammes (paires de mots) ainsi que les trigrammes. Il est important d’avoir recours à ces regroupements d’unités lexicales afin de faire ressortir des mots ou expressions qui ne sont pas repérés quand on travaille avec des mots seuls. Justement, l’analyse des mots seuls s’est révélée trop semblable à ce qui a été observé avec les mots-clics. Nous allons donc d’abord examiner les occurrences des paires de mots, ou bigrammes.


Figure 10. Les 20 bigrammes les plus souvent utilisés dans les publications de notre corpus de médias francophones

La figure 10 est révélatrice, comme les emojis, de la fascination des médias francophones pour les États-Unis. Après deux paires de mots qui sont des « appels à l’action » (« lire article » pour inviter les abonnés à consulter un article et « lien bio » pour la « biographie » du compte où se trouvent des hyperliens vers un article ou un reportage dans le web), le bigramme suivant est « donald trump » qui coiffe « emmanuel macron » en apparaissant dans 21 % de plus de publications Instagram que ce dernier. La paire de mots, « état unir », est le résultat de la lemmatisation8 d’« États-Unis ».

La présence des bigrammes « of the » et « in the » peut surprendre. Le premier vient des locutions « photo of the day » et « video of the day », courantes dans Instagram, ce qui indique que les médias francophones adoptent le vocabulaire et les pratiques du média socionumérique. Le mot-clic #photooftheday était d’ailleurs associé à près de 840 millions de publications dans l’ensemble d’Instagram au moment de la rédaction de cet article. Mais le second vient de la fâcheuse habitude que semblent avoir prise certains médias francophones d’accompagner leurs descriptions de texte en anglais.

Quand on examine les paires de mots ayant provoqué le plus grand nombre de réactions chez les abonnés Instagram des médias échantillonnés (figure 11), on en retrouve plusieurs qui sont associés aux grands événements de 2020 : la pandémie de COVID-19 et les manifestations contre le racisme aux États-Unis (« george floyd », « violence policier »9).


Figure 11. Les 20 bigrammes ayant suscité le plus d’interactions par publication du corpus et se retrouvant dans 100 publications ou plus

Mais on retrouve plusieurs bigrammes servant à faire la promotion du média ou de ses productions, comme « suivez actualité » ou « réseau social » qui est une invitation à suivre le média sur ses autres plateformes. Une seule anomalie, dans le palmarès de la Figure 8 : « 26 an ». Elle s’explique par la grande popularité d’un reportage diffusé par le JT de TF1 sur l’histoire d’Émilie, jeune fille abandonnée à Orly il y a… 26 ans. Il a été vu plus de 400 000 fois sur IGTV, ce qui en fait le troisième item ayant récolté le plus de vues de tout notre corpus.

L’analyse des trigrammes les plus souvent utilisés n’est pas pertinente, car on n’y retrouve que des expressions en appui à la promotion du média. On n’examinera donc que les trigrammes ayant provoqué le plus d’interactions. Comme on retrouve un moins grand nombre de trigrammes distinctifs, nous avons diminué à 50 le seuil du nombre de publications dans lesquelles ils devaient être présents pour être inclus dans la figure 12.


Figure 12. Les 20 trigrammes ayant suscité le plus d’interactions par publication du corpus de médias francophones et se retrouvant dans 50 publications ou plus

Hormis quelques appels à l’action, la plupart des expressions sont relatives aux sujets les plus chauds de l’actualité récente. De loin, le mouvement « Black Lives Matter » est le trigramme qui a fait le plus réagir chez les abonnés Instagram de nos 32 médias. Suivent la pandémie, incluant ses effets indésirables (« violence faire femme ») ; les explosions de Beyrouth et l’incendie de Notre-Dame. L’astronaute canadien David Saint-Jacques se fraie un chemin dans ce top 20, ce qui est remarquable considérant qu’on ne compte que six médias du Québec dans notre corpus.

Analyse de pertinence

En analyse de texte, compter les mots ou les expressions n’est qu’une première étape d’extraction de sens. C’est ainsi qu’on s’attend, dans des publications par des médias, à ce que la fréquence d’utilisation de mots ou d’expressions relatives à l’actualité soit élevée. Pour déterminer si un mot est pertinent ou « parlant », Manning et al. (2008, p. 107-110) ont proposé l’indice TF/IDF, pour « Term Frequency / Inverse Document Frequency ». Dans un corpus composé de plusieurs documents, cet indice est le rapport entre la fréquence d’un terme dans un document donné et l’inverse du nombre de documents dans lequel il apparaît. Plus l’indice d’un terme est élevé, plus cela signifie que ce terme est caractéristique du document dans lequel on le retrouve (Lavin, 2019).

Nous avons effectué deux analyses TF/IDF : la première en divisant notre corpus en 32 documents, l’un pour chacun des médias de notre corpus ; la seconde en le divisant en 104 autres documents, l’un pour chacun des mois couverts par cette étude (de janvier 2012 à août 2020). Ces analyses nous ont permis d’identifier quels sont les termes les plus caractéristiques de chacun des 32 médias francophones que nous avons retenus, et de faire la même opération, mais dans le temps.

L’analyse par média révèle que dans presque tous les cas, le terme numéro un dans la liste des termes lui étant propres est… son nom. Pour Le Dauphiné Libéré, c’est « dauphinelibere », pour la RTBF, c’est « rtbf », pour Le Journal de Montréal, c’est « journaldemontreal » et ainsi de suite. Sinon, il s’agira du nom d’artisans du média (comme « garnotte_ledevoir » ou « jnadeauphotographe » pour, respectivement, un caricaturiste et un photographe du quotidien montréalais Le Devoir) ou de produits dérivés, comme des émissions (« le20hlemag » chez TF1) ou des concours (« clicquebec » au Soleil). Cette prépondérance nous semble un autre indice que les médias utilisent Instagram principalement pour parler d’eux-mêmes, comme véhicule servant davantage à faire leur autopromotion qu’à faire de l’information.

Les médias qui ne sont pas basés à Paris se distinguent, en outre, par une utilisation plus marquée de termes relatifs à leur ville ou leur région. Les termes « nordpasdecalais », « npdc » ou « lille » apparaissent très haut dans le palmarès TF/IDF de La Voix du Nord, tout comme « nouvelleaquitaine », « paysbasqu », « charentemaritime », « gironde », « bordeauxmavill » ou « bayonne » sont caractéristiques du journal Sud-Ouest, ou « vaud » ou « lausanne » le sont du 24 heures suisse.

D’autres termes, enfin, sont révélateurs des sujets sur lesquels certains médias reviennent souvent. Par exemple, La Libre Belgique se démarque par son utilisation fréquente de termes relatifs à la famille royale belge : « kingphilippe », « belgianroyals », « queenmathilde », « koningfilip ». Les équivalents en français se retrouvent plus bas dans la liste parce qu’ils sont peut-être utilisés plus souvent par d’autres médias. Pour le quotidien de Suisse romande Le Temps, les termes « montreuxjazz » ou « paleofestival » paraissent indicatifs de la priorité qu’il donne à la culture dans ses pages. Mediapart, de son côté, se caractérise par des termes comme « benalla », « leaks », « gilet », « violencespoliciere », ce qui tend à démontrer que ce sont ses enquêtes ou sa couverture des sujets de société qu’il met de l’avant dans Instagram. Le mot « démocratie » apparaît même au 16e rang des termes de l’analyse TF/IDF de Mediapart, ce qui est un peu inquiétant, car cela serait indicatif de la rareté de cette notion dans les publications Instagram des autres médias.

Appliquée aux textes regroupés par mois, l’analyse TF/IDF fait ressortir les termes les plus caractéristiques utilisés sur Instagram par les médias francophones dans le temps. Pour produire la figure 13, nous avons utilisé le terme se rapportant à l’actualité ayant obtenu le score le plus haut ce mois-là en excluant les termes se rapportant aux médias de notre corpus. En effet, il arrivait régulièrement, même en regroupant les publications de tous les médias, que les termes qui se retrouvent en tête étaient les noms d’un média ou d’un(e) journaliste de ce média – encore un signe qu’Instagram est surtout utilisé par les médias pour faire leur publicité. Nous avons donc exclu ces termes autoréférentiels dans la figure 13.

Le score TF/IDF donne à la fois une indication du nombre de publications avec ce mot ou cette expression, ainsi qu’un indice d’à quel point ce terme est unique à ce mois-là. La présence du mot « coronavirus » pour tous les mois de l’année 2020 montre à quel point la pandémie a provoqué une éclipse médiatique, y compris dans Instagram. Aucun autre sujet, pas même les manifestations dans la foulée de la mort de George Floyd, aux États-Unis, n’est arrivé à surclasser la Covid-19 en termes d’importance dans la couverture des médias francophones.


Figure 13. Score TF/IDF des principaux sujets abordés dans Instagram par les 32 médias francophones de notre corpus

Avant 2020, les sujets qui ont le plus de « saillance » sont culturels (Cannes, le festival Paleo, en Suisse) ou sportifs (euro2016, rio2016). Sinon, il s’agit de catastrophes naturelles (irma) ou d’attentats (jesuischarlie, parisattacks, parkland). De grands disparus, aussi, éclipsent tout autre sujet certains mois (chirac, aznavour, johnny). Quelques thèmes plus « sociaux » ressortent, çà et là (cop21, gilet). Mais la fréquence du mot « noel », en décembre, et la présence de « neige » et « tempete » dans certains mois de janvier, semblent attester du caractère généralement soft de l’information diffusée dans Instagram avant la pandémie.

Les images et leur valeur journalistique

L’intelligence artificielle a beau avoir fait des bonds de géant, ces dernières années, la reconnaissance d’images par ordinateur demeure loin d’être parfaite. C’est ainsi que notre analyse computationnelle des 733 images ayant suscité le plus d’interactions par les médias francophones dans Instagram donne des résultats mitigés.

Voici un exemple avec un album photo publié par le quotidien bruxellois Le Soir (figure 14).


Figure 14. Publication du compte Instagram du Soir, le 27 juin 2020

Lorsqu’on soumet uniquement l’image à l’API Computer Vision, celui-ci nous retourne des résultats au format JSON dont on peut extraire trois types d’informations : des catégories descriptives générales ("outdoor" ;"people_group"), des mots-clés décrivant quelques objets ou détails reconnus dans l’image ("person" ; "outdoor" ; "fence" ; "group" ; "people" ; "water" ; "standing" ; "man" ; "young" ; "child" ; " riding" ; "boy" ; "talking" ; "walking" ; "woman" ; "park" ; "bridge" ; "ramp" ; "bench" ; "suit" ; "dog" ; "river" ; "board" ; "street") et, dans certains cas, des personnalités ou des lieux célèbres ("Philippe of Belgium" ; "Queen Mathilde of Belgium" ; "Princess Elisabeth, Duchess of Brabant").

Dans cet exemple, si les catégories générales sont bonnes puisqu’elles ont correctement identifié un groupe de personnes se trouvant en extérieur, certains des mots-clés ne correspondent pas à la photo. Ainsi, il n’y a ni bateau, ni chien, ni rue dans l’image analysée. Et ce n’est pas parce que cette image comportait en fait deux photos qu’elle était plus complexe. Des erreurs du même ordre ont été remarquées avec plusieurs autres photos.

Dans l’ensemble de notre échantillon de 733 photos, l’API a tout d’abord identifié 85 personnalités. Il est intéressant de constater qu’il ne se borne pas aux stars américaines ou britanniques. Ainsi, l’ancien président Jacques Chirac, mort en septembre 2019, est celui qui revient le plus souvent (5 fois). Deux princesses (la duchesse de Brabant et Meghan Markle) ont été identifiées quatre fois chacune, ce qui nous permet de déduire que les sujets people sont très prisés par les médias dans Instagram. Charles Aznavour, Emmanuel Macron et Justin Trudeau l’ont été trois fois. Onze personnalités ont deux mentions chacune (incluant des sportifs tels que Antoine Griezmann, Kobe Bryant et Laurent Duvernay-Tardif) et 68 autres ont été reconnues une fois.

Par ailleurs, la Table 3 présente les catégories les plus couramment identifiées dans notre échantillon.


Table 3. Les 15 catégories les plus fréquemment identifiées par l’API Computer Vision dans notre échantillon de 733 photos

Des gens, des images extérieures, des foules, des immeubles… Il est difficile de conclure quoi que ce soit de pertinent à partir de ces catégories. Il en va de même avec les mots-clés générés par l’API à partir de notre échantillon (Table 4).


Table 4. Les mots-clés identifiés dans plus de 100 photos de notre échantillon de 733 photos par l’API Computer Vision

Tout au plus peut-on constater que, dans les photos où le genre de la personne a été reconnu, les hommes représentent 62 % de l’ensemble. On s’est quelque peu rapproché de la parité (mais sans l’atteindre) depuis qu’un chercheur a déterminé que les cinq principaux quotidiens américains préféraient placer des hommes en première page, plutôt que des femmes, dans une proportion de 79 % (Lester, 1988). Mais encore faudrait-il vérifier si l’API a vu juste. C’est une vérification manuelle que le temps ne nous permet pas de réaliser.

Cela dit, le téléchargement des 733 images de cet échantillon a été effectué manuellement. Cela a permis d’examiner une à une les images des médias francophones qui ont le plus cartonné dans Instagram et de constater que plusieurs correspondent aux critères de valeur journalistique (« news value ») définis par Galtung et Ruge (1981) et récemment adaptés à l’information visuelle par deux chercheures australiennes (Caple et Bednarek, 2016, p. 439-440).

La « valeur journalistique », c’est ce qui explique pourquoi des journalistes choisissent de diffuser ou de publier une information. En anglais, on l’appelle aussi « newsworthiness ». Caple et Bednarek (2016) ont d’ailleurs mis au point une grille d’analyse avec 10 critères, 10 raisons qui permettent de justifier l’utilisation d’une image dans un contexte journalistique. Les voici avec, pour chacun, un exemple tiré de notre échantillon.

1. Négativité. Le premier critère (negativity) correspond à des images d'événements « négatifs » et de leurs effets sur les gens, sur des immeubles, sur les paysages. Les auteurs précisent que, souvent, ces images offriront un point de vue en hauteur, plaçant le lecteur en position dominante par rapport à l'événement illustré. Ci-dessous (planche 1 : 01), publication du Figaro montrant l'intérieur de Notre-Dame après l'incendie des 15 et 16 avril 2019.

2. Actualité. Ce critère (timeliness) correspond à des images dans lesquelles la dimension temporelle est importante. Il ne s'agit pas nécessairement d'images d'événements récents. Cette valeur peut aussi s'exprimer avec des images qui vont simplement montrer la saison dans laquelle on se trouve. Ci-dessous (planche 1 : 02), les couleurs de l'automne, au Québec, dans une publication d'octobre 2014 du Soleil.

3. Proximité. Il s'agit, avec ce critère (proximity), de montrer des lieux que le public va reconnaître ou des symboles culturels (drapeaux) auxquels il va s'identifier. Ci-dessous (planche 1 : 03), le Mont Saint-Michel dans une publication de Ouest-France en octobre 2019.

4. Caractère superlatif. Ce critère (superlativeness) s'applique à des images montrant des scènes très vastes, des émotions très fortes chez des acteurs de l'actualité, ou encore des contrastes saisissants. Ci-dessous (planche 1 : 04), vaste foule sur la Grand-Place de Bruxelles, vive émotion chez les joueurs des Red Lions, champions du monde de hockey sur gazon, cette publication de La Libre Belgique du 18 décembre 2018 contient certains éléments dont on peut dire qu'ils sont « superlatifs ».

5. Reconnaissance. Les auteurs ont plutôt nommé ce critère « eliteness » pour désigner des images dans lesquelles se trouvent des personnalités reconnues ou des personnes exerçant des métiers reconnus et portant, généralement, des uniformes (militaires, police, scientifiques, etc.). Sur le plan technique, ces images seront souvent en contre-plongée afin de mettre en relief le caractère dominant du sujet représenté. Ci-dessous (planche 1 : 05), une publication de Radio-Canada qui, le 31 octobre 2017, montre le premier ministre Justin Trudeau prêt à célébrer l'Halloween.


6. Impact. Ce critère (impact), qui ressemble au premier, sert à reconnaître les images qui montrent les effets d'un événement sur les gens ou sur un lieu. Ci-dessus (table 1 : 06), première photo d'un album mis en ligne par L'Orient-Le Jour dans les heures qui ont suivi l'explosion du 4 août 2020 à Beyrouth.

7. Nouveauté. Ce critère (novelty) ne correspond pas nécessairement aux « nouvelles », mais aussi pour montrer des gens surpris, étonnés, choqués par un événement donné. Ci-dessus (planche 1 : 07), le quotidien suisse Le Temps, comme de nombreux autres médias sur Instagram, a relayé des photos de la surprise, puis de la colère de Greta Thunberg face à l'inaction des dirigeants du monde devant les changements climatiques lors de son passage à l'ONU en septembre 2019.

8. Incarnation. Il s'agit ici (personalisation) de montrer des personnes « ordinaires » qui sont au cœur de l'actualité et qui permettent, à travers leur exemple, de comprendre la portée d'un événement. Sur le plan technique, ces images consisteront souvent en plans rapprochés. Ci-dessus (planche 1 : 08), à l'instar de La Voix du Nord (26 mars 2020), plusieurs médias ont rendu hommage au personnel des services de santé par des portraits individuels pendant la pandémie de COVID-19.

9. Consonance. Ce critère (consonance) sert à décrire des images typiques d'une personne ou d'un événement, qui correspondent à ce qu'on s'attend de voir au sujet de cette personne ou de cet événement. Ci-dessus (planche 1 : 09), cette photo sur le compte de France Info, le 14 juillet 2020, comporte des éléments consonants (les chasseurs survolant l'arc de Triomphe en relâchant de la fumée tricolore)… mais aussi dissonants (les Champs-Élysées pratiquement déserts), ce qui fait qu'elle aurait pu également à la valeur « nouveauté » ou « impact ».

10. Esthétique. Enfin, les auteures indiquent que des images peuvent se retrouver dans l'actualité uniquement en vertu de leur attrait esthétique (aesthethic appeal). Dans ces images, la qualité de la composition sera particulièrement importante, sur le plan technique. Cette dernière valeur correspond particulièrement aux images qu'on retrouve dans Instagram. Ci-dessus (planche 1 : 10), publication de La Tribune de Genève, le 7 avril 2020.

Hormis certaines images mignonnes d’animaux, plus caractéristiques des sites de contenu « viral », la plupart des images de l’échantillon pouvaient être justifiées en vertu de l’un ou de plusieurs de ces critères de valeur journalistique. C’est ainsi qu’Instagram peut revendiquer sa place dans l’histoire de l’information illustrée qui, depuis le 19e siècle, a joué un rôle central dans les pratiques discursives du journalisme (Knox, 2009).

Mais il y a plus. En examinant, une à une, ces photographies qui ont eu le plus de résonnance auprès des abonnés Instagram, on constate que la plupart auraient très bien pu faire la une des éditions papier, se retrouver en page d’accueil des sites web ou encore ouvrir les bulletins de nouvelles des différents médias. D’autant que certains journaux, comme Libération, reproduisent parfois carrément leur une dans Instagram.

En outre, quand ils n’y diffusent pas de photographie ou de vidéo, les médias se servent d’Instagram pour publier une combinaison d’image et de texte qui peut prendre plusieurs formes : des caricatures, des dessins d’information (comme une case de BD ; voir figure 15), des infographies ou une simple surimposition de surtitres sur les images.


Figure 15. Exemple de dessin d’information diffusé sur le compte Instagram de Mediapart

Cette combinaison du texte et de l’image est un des attributs des premières pages des journaux et des magazines. C’est ainsi que la plateforme est bien davantage que le seul prolongement de l’histoire de l’information journalistique illustrée. Instagram est devenue la une de l’ère du mobile.

Conclusion

Cette étude, en dépit de l’exhaustivité de son corpus, n’est qu’exploratoire. Elle n’a fait qu’examiner en surface les composantes textuelles et visuelles des publications journalistiques francophones dans Instagram.

Elle permet tout de même quelques observations préliminaires qui offrent des éléments de réponse à la question de recherche initiale, réponse qui dépend de la composante analysée.

Si on n’examine que les textes de leurs publications Instagram, on peut dire que les médias francophones ont mobilisé ce RSN en cohérence avec ce que Proulx appelle « l’injonction à la présentation de soi » (2012, p. 23) qui se trouve au cœur de tous les dispositifs du web social. Comme un individu qui se sert de son compte Instagram pour se mettre en scène, les médias ont utilisé Instagram comme une vitrine.

Les analyses des éléments textuels révèlent en effet que les médias utilisent de façon prépondérante leur propre nom dans les mots-clics qui accompagnent leurs publications. Ils cherchent également à susciter non seulement des réactions chez leurs abonnés sous la forme de « j’aime » ou de commentaires, mais ils le sollicitent aussi par divers appels à l’action : suivre un lien pour se rendre sur son site web ou lui envoyer des photos. Ainsi, l’autopromotion est peut-être ce qui caractérise le plus, quant à la forme, le texte des publications Instagram des médias francophones.

Sur le fond, on a vu que lorsqu’ils diffusent de l’information dans Instagram, les médias francophones privilégient les soft news : sujets people, voire racoleurs, la culture, le divertissement, le sport. Il y a des exceptions, notamment Mediapart qui détonne par l’intérêt public généralement plus grand dans le texte de ses publications Instagram. On a vu également que les médias de notre corpus semblent avoir une fixation pour les États-Unis.

Malgré tout, plus le temps passe, plus les grands événements de l’actualité ont tendance à se retrouver en tête non seulement de ce que les médias diffusent dans Instagram, mais de ce que à quoi leurs abonnés réagissent. Cela s’impose depuis que le volume des interactions dépasse le million par mois (à partir de la moitié de 2018). Les événements de l’année 2020, plus particulièrement, semblent prédominer dans l’information qui se rend visible aux abonnés des médias francophones d’Instagram (on pense aux manifestations contre le racisme aux États-Unis, par exemple, ou à la COVID-19), ce qui est peut-être un signe que la plateforme a atteint une certaine forme de maturité dans le sens où son contenu tend à ressembler à celui d’un média d’information plus classique.


Figure 16. Mosaïque réalisée avec quelques-unes des images diffusées dans Instagram par les médias francophones qui ont suscité le plus de réactions
au cours des dernières années

L’analyse des éléments visuels (dont la figure 16 offre quelques exemples) tend pour sa part à démontrer que les médias francophones ont mobilisé Instagram comme la une d’un journal. Lorsqu’on examine les images qui ont le plus fait réagir leurs abonnés, on se rend compte que la plupart peuvent correspondre aux critères de valeur journalistique utilisés par les artisans de l’information pour définir ce qui vaut la peine d’être porté, ou non, à l’attention du public.

Dans la mesure où la une d’un journal est, en quelque sorte, sa vitrine, l’espace où il annonce ce qu’il a choisi de présenter au public comme information, l’analyse des éléments textuels et visuels des publications Instagram des médias francophones semble ainsi converger. Instagram serait bel et bien la une de l’ère mobile. 

Jean-Hugues Roy est professeur à l’Université du Québec à Montréal.




Notes

1

IGTV, pour « InstaGram TeleVision », est une application distincte d’Instagram qui permet de regarder, de créer ou de téléverser dans Instagram des vidéos de longue durée (entre une minute et une heure) en format vertical, donc adaptées à un téléphone intelligent.



2

En presse nationale, les deux premiers titres et Libération ont été retenus ; en presse régionale, Le Télégramme n’a pas été retenu, bien qu’il se trouvait au quatrième rang, son territoire se superposant à celui couvert par Ouest-France.



3

En Belgique, le compte général de la RTBF a été préféré à RTBF Info, car ce dernier ne comptait à peine plus de 1500 abonnés au moment de notre collecte de données.



4

Cet acronyme (de l’anglais « Application Programming Interface », qu’on peut traduire par « interface de programmation ») décrit la manière d’accéder à un service en ligne au moyen d’un programme informatique. Typiquement, on rédige un script qui communique avec l’API et cette dernière nous renvoie des données.



5

En dépit de l’exhaustivité de ce corpus, on ne peut prétendre couvrir 100 % de l’activité Instagram des 32 médias francophones sélectionnés. En effet, non seulement les contenus éphémères (les stories et les reels) ne sont pas indexés par CrowdTangle, mais les résultats de cet outil, comme on l’évoquait plus haut, peuvent être instables.



6

Dans un souci de transparence et de reproductibilité, en phase avec la science ouverte, différents scripts programmés pour réaliser cette étude, et fichiers afférents, sont rendus accessibles dans le compte github de l’auteur à l’adresse : https://github.com/jhroy/CdJ_Instagram.



7

Pour cette analyse, un script rédigé par l’auteur a envoyé 733 requêtes à l’API d’Azure, une pour chaque image analysée.



8

La lemmatisation consiste à ramener les mots à leur forme canonique (le masculin singulier pour la plupart des noms, des adjectifs et des déterminants ; et l’infinitif pour les verbes). Cette opération, ainsi que d’autres étapes de prétraitement de notre corpus (le retrait des mots-vides, notamment), a été effectuée par l’outil spaCy.



9

Les graphies telles que « violence policier » et plus loin « paysbasqu », « charentemaritime » ou « violencespoliciere » résultent du processus de lemmatisation.






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Référence de publication (ISO 690) : ROY, Jean-Hugues. Instagram : la une de l’ère mobile. Les Cahiers du journalisme - Recherches, 2021, vol. 2, n°6, p. R69-R97.
DOI:10.31188/CaJsm.2(6).2021.R69


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