Nouvelle série, n°6
1er semestre 2021 |
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NOTE DE LECTURE
Pauline Amiel – Le journalisme de solutions
Amélie Daoust-Boisvert, Université Concordia
D
es milliers d’enfants souffrent de la contamination environnementale au plomb dans la région de Cleveland, aux États-Unis. Le journal local, le Plain Dealer, a abondamment couvert la question. « Le problème n’est pas nouveau. Là où nous avons échoué, c’est à le régler », dénoncent les journalistes Rachel Dissel et Brie Zeltner (2015). La série d’articles qui suivra cette prise de position, abordant les cas d’autres municipalités qui ont trouvé des réponses efficaces, a fini par payer. Cleveland a depuis adopté des changements législatifs et règlementaires.
Voilà une application exemplaire des principes du journalisme de solutions. Le récent ouvrage de Pauline Amiel, intitulé simplement Le journalisme de solutions, instille le désir de voir davantage de journalistes et de médias emprunter cette voie peu fréquentée, celle d’un journalisme d’impact qui agit tel un caillou lancé dans des eaux dormantes, provoquant une onde de choc.
Le journalisme de solutions, Le journalisme de solutions, rappelle Amiel, consiste à aborder les enjeux sociaux sous l’angle de leurs solutions, à pratiquer un « journalisme à deux yeux », l’un positif, l’autre négatif, selon la formule du Constructive Institute (p. 6). Comme le Solutions Journalism Network américain le présente, « on peut être guide sans renoncer à son rôle de chien de garde » (p. 17).
L’ouvrage complète un tour d’horizon de la pratique, avec une lunette résolument française, puisant la plupart de ses exemples dans la presse de l’hexagone. Après un historique, quelques définitions et un état des lieux, les chapitres plus pratiques expliquent plus en profondeur comment se lancer dans la production de reportages de solutions. L’ouvrage comble un vide certain quant à la disponibilité de références en français sur le journalisme de solutions, qui s’est développé, tant du point de vue académique que dans l’industrie, d’abord aux États-Unis et au Danemark.
Amiel ne prétend pas que la pratique du sojo, comme on dit en anglais, se limite à des exemples vertueux. Elle évoque notamment la proximité avec la communication et le marketing, le détournement de l’objectivité et du positionnement de 4e pouvoir de la presse et les dérives d’un « journalisme bisounours » (p. 54). La maître de conférences à l’École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille université et ancienne journaliste propose une introduction digeste et complète, critiques et dérives incluses. Le format scolaire plaira aux étudiants et étudiantes en journalisme et aux reporters en exercice qui souhaitent s’initier à cette pratique.
Bien que survolant la littérature scientifique disponible, l’ouvrage laissera sur leur appétit les chercheurs et les chercheuses ainsi que les cadres dans l’industrie. Comment agit le sojo sur les publics et les journalistes eux-mêmes ? Amiel, reconnaissant à raison le caractère parcellaire des réponses dont on dispose, poussera une personne curieuse à plonger dans d’autres sources. Depuis 2016 environ, le journalisme constructif et de solutions attire l’attention du monde académique. Comme le souligne l’autrice, une de ses vertus réside dans sa capacité à « redonner du sens » aux pratiques professionnelles des journalistes, plongés depuis plusieurs années dans une crise de l’information pour laquelle ils sont eux-mêmes en quête de… solutions. 
Pauline Amiel (2020). Le journalisme de solutions. Fontaine : Presses universitaires de Grenoble, 128 p.
Amélie Daoust-Boisvert est professeure adjointe
au département de journalisme de l’Université Concordia.
Références
Dissell, Rachel et Zeltner, Brie (2015). Toxic Neglect: Curing Cleveland’s Legacy of Lead Poisoning. Cleveland Plain Dealer [en ligne] Cleveland.com, 20.10.2015.
Référence de publication (ISO 690) : DAOUST-BOISVERT, Amélie. Pauline Amiel – Le journalisme de solutions. Les Cahiers du journalisme - Recherches, 2021, vol. 2, n°6, p. R117-R118.
DOI:10.31188/CaJsm.2(6).2021.R117