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Nouvelle série, n°8-9

2nd semestre 2022

DÉBATS

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ÉDITORIAL

À l'évaluateur inconnu

La diffusion des idées et des recherches dans le monde universitaire repose de longue date sur le temps que lui consacrent de nombreux collaborateurs bénévoles. Mais sous la pression que connaît aujourd'hui l'enseignement supérieur, le temps à offrir devient dangereusement rare…




Photo : HSE


E

n mai 2017, l'université moscovite HSE, réputée la plus libre d'un pays qui ne l'est guère, a dévoilé une statue à laquelle on aurait dû songer beaucoup plus tôt. Un monument à la gloire des évaluateurs scientifiques anonymes.

L'œuvre est un peu ambiguë - un énorme dé sur les faces duquel figurent des mentions comme « rejeté » ou « réviser et resoumettre » - mais l'hommage est sincère. Et mérité, car les évaluateurs et évaluatrices externes qui examinent les travaux soumis sont un maillon capital de la chaîne de collaborateurs désintéressés permettant aux revues scientifiques de paraître et donc aux recherches d'être publiées afin de s'intégrer au corpus collectif des connaissances savantes.

Mais cette chaîne se fragilise : confrontés des deux côtés de l'Atlantique à la pression toujours croissante des tâches administratives et des contraintes qui se superposent à leurs missions fondamentales d'enseignants et de chercheurs, ainsi qu'à la raréfaction des ressources de soutien, les universitaires sont de moins en moins disponibles pour offrir un temps précieux à l'évaluation des articles soumis - et pour le faire dans les délais requis - même si tous ont conscience que leurs propres travaux ne pourraient voir le jour sans l'évaluation de leurs pairs.

Les autres maillons de la chaîne de publicisation de la recherche font face à la même attrition institutionnelle de temps et d'énergie : il serait à ce propos opportun d'envisager un second monument, de taille au moins équivalente, pour célébrer tous ceux qui participent bénévolement à la gestion et la production des revues scientifiques non commerciales.

Dans le cas des Cahiers du journalisme, ils composent la presque totalité de l'équipe qui assure leur réalisation, depuis l'accueil et le suivi des soumissions jusqu'à leur mise en page et en ligne. C'est cette chaîne seule qui permet d'accéder gratuitement à une revue internationale double (Débats et Recherches) dont la qualité éditoriale est largement reconnue.

La chaîne tient encore bon, les numéros publiés en témoignent, mais elle n'a guère de marge de sécurité lorsqu'un maillon se grippe : afin de ne pas fragmenter et multiplier les efforts qu'elle réclame déjà de ses participants, la phase de production éditoriale de la revue ne peut être lancée que lorsque son contenu est complet et définitif. Or, un dysfonctionnement mineur a entravé avant la coupure de l'été la validation préalable d'une petite partie de la section Recherches.

Toutes les équipes éditoriales subissent la raréfaction des bonnes volontés et l'alourdissement des défis éditoriaux qui menacent la publication traditionnelle des revues scientifiques. Beaucoup ont fini par se replier sur des plateformes dématérialisées qui assurent automatiquement une mise en ligne très simplifiée (formule qui permet en outre de publier au besoin un numéro ne contenant que quelques textes). C'est un choix que nous comprenons particulièrement bien, et que nous respectons, mais ce n'est toujours pas le nôtre.

De ce fait, considérant à la rentrée qu'être ainsi sortis des créneaux de disponibilité toute relative des divers collaborateurs techniques laissait peu de chance de faire paraître le numéro « d'été » avant le milieu de l'automne au mieux, nous avons plutôt décidé de publier un numéro double annuel plus épais, ce qui a permis d'accueillir notamment une seconde chronique… mais surtout impliqué d'envoyer de nouveaux articles de la section Recherches en évaluation externe.

Il va sans dire que nous regrettons le retard qui en découle, en particulier pour les auteurs dont les articles étaient programmés pour une parution à la fin du premier semestre. Cependant, devant tirer le maximum d'un budget éditorial minime dans un contexte difficile, nous préférerons toujours compromettre s'il le faut la régularité de notre production que sa qualité sur le fond mais aussi sur la forme. Ceci afin de continuer à proposer envers et contre tout une revue dans laquelle ils puissent être fiers de publier.

Les Cahiers du Journalisme




Référence de publication (ISO 690) : LES ÉDITEURS. À l’évaluateur inconnu. Les Cahiers du journalisme - Débats, 2022, vol. 2, n°8-9, p. D3-D4.
DOI:10.31188/CaJsm.2(8-9).2022.D003


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