Nouvelle série, n°8-9
2nd semestre 2022 |
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Didier Raoult dans le discours médiatique sur la crise sanitaire : une figure, des conflits
Eva-Marie Goepfert, Université Lyon 2
Mathias Valex, Université Lyon 2
Résumé
À partir d’une analyse de quatre titres de presse écrite française (Libération, Le Figaro, La Provence et Le Parisien) via le logiciel libre IRaMuTeQ sur le temps long de la crise sanitaire Covid-19 (2019-2021), cet article interroge la manière dont la construction médiatique de la figure conflictuelle de Didier Raoult participe d’une mise en récit polarisée de la crise sanitaire. Partant de la controverse scientifique sur l’HCQ dont les médias se font l’écho, notre article observe sa dérivation vers une polémique médiatique structurée autour de trois variables conflictuelles : partisane, territoriale et sociale, et la disqualification de Didier Raoult comme figure populiste, en contradiction avec l’exigence de vérité revendiquée par les journalistes.
Abstract
Based on the analysis of four French newspapers (Libération, Le Figaro, La Provence and Le Parisien) throughout the Covid-19 health crisis (2019-2021), this paper examines how media produce a conflictual figure of Didier Raoult and participate in a polarised narrative of the health crisis. From the scientific controversy that media relays, our paper addresses the shift from the controversy to a media polemic built on three conflicting variables: partisan, territorial and social, and the disqualification of Didier Raoult as a populist figure, incompatible with the journalists’ claim to truth.
DOI : 10.31188/CaJsm.2(8-9).2022.R101
I
nvité sur les plateaux ou montré au travail, le personnel médical et scientifique remplit le rôle de « héros » laissé vacant par le contexte incertain et anxiogène de la crise sanitaire du Covid-19 (Valex, 2020). Il est, dans les médias, celui qui accomplit la quête de l’éradication du virus et qui détient un savoir expert propre à démêler la complexité́ de la situation. Mais l’absence d’unanimité sur l’origine du virus, sa dangerosité́ et, plus généralement, sur les moyens pour le contenir, ont alimenté la confusion entourant la crise.
Dans ce contexte, les médias d’informations, positionnés en intermédiaire entre les scientifiques et le public, transforment le « savoir d’expert en savoir de sens commun » (Joffe, 2005, p. 125) pour résoudre ou expliquer les incertitudes (Sicard, 1997, p. 153). Le traitement journalistique du Covid-19 s’articule ainsi autour d’une double dimension : d’abord, celle de vulgariser des discours jugés inaccessibles pour les publics et enfin, celle de rendre compte des « processus de dispute » (Lemieux, 2007, p. 192) qui caractérisent la crise sanitaire et constituent des moments de « politisation de la science » (Meyer, 2015, p. 101). Si les journalistes ne sont plus les seuls à contribuer à la médiatisation des faits sociaux, l’autorité symbolique dont ils sont dotés (Ringoot, 2019) leur confère une position centrale dans la définition des débats publics.
C’est sur le cas particulier, mais que nous supposons exemplaire, de Didier Raoult que nous cherchons à analyser, sur un temps long, la manière dont les médias d’information ont cherché à réduire cette crise d’incertitudes transformée en crise de confiance.
Microbiologiste français, spécialiste des maladies infectieuses, Didier Raoult est lauréat du grand prix de l’INSERM (2010) et le directeur de la fondation Institut Hospitalo-Universitaire Méditerranée Infection. Il est un expert scientifique, considéré par les médias, au moins dans un premier temps, comme légitime à produire un discours vrai (Foucault, 1971). Le 25 février 2020, celui-ci publie une vidéo sur YouTube dans laquelle il révèle les résultats positifs d’un test sur l’hydroxychloroquine (HCQ dans le reste de l’article). Les médias d’informations s’interrogent alors sur cet « antidote » (Libération, 27.03.2020) ou ce « remède miracle » (Le Figaro, 27.03.2020). Mais, dès le 18 mars, des discours appelant à la réserve sur l’HCQ transforment l’espoir et les promesses en doutes et défiance. Didier Raoult devient « le savant que le monde entier hésite à qualifier de génie ou d’imposteur » (Le Figaro, 02.04.2020). Progressivement, l’expert consacré devient l’expert dissident (Starck, 2020). L’évolution de ces représentations et les disputes à propos de Didier Raoult et de l’HCQ permettent ainsi d’observer la mise en récit médiatique d’une « science en train de se faire » (Latour, 1989).
Une analyse outillée des conflits
Si la figure de Didier Raoult a déjà été étudiée selon une perspective synchronique (Varga, 2020 Pierru, 2020 Smyrnaios, Tsimboukis et Loubère, 2021), notre recherche vise à observer, sur le temps long cette fois (depuis la découverte du patient zéro, le 1er décembre 2019, à Wuhan, jusqu’à sa conclusion, pas encore atteinte1), la contribution des médias d’information à la représentation de la crise sanitaire à partir de la figuration de Raoult. Postulant que le contexte d’incertitudes induit une narration marquée par des disputes, nous interrogeons la manière dont la construction médiatique de la figure conflictuelle de Didier Raoult participe d’une polarisation partisane, territoriale et sociale de la crise sanitaire ?
Si les journalistes ne manquent pas de mots pour désigner les différents affrontements (conflit, combat, guerre, clash…) et leurs formes médiatiques (polémique, affaire, scandale, controverse…), qu’ils utilisent d’ailleurs souvent comme synonymes (Plantin, 2003 Rennes, 2016), nous choisissons de parler du conflit comme forme générique d’un affrontement volontaire et hostile entre des êtres ou des groupes. Mais notre attention porte moins sur le conflit en tant que tel que la manière dont les médias lui donnent forme et sens. Ainsi, à l’opposé du principe de symétrie qui gouverne la sociologie des sciences de Callon et Latour (1991), les médias jouent un rôle particulier dans « la médiation entre les différents acteurs engagés, la structuration du débat et l’interpellation de l’opinion publique » (Badouard et Mabi, 2015, p. 146). Souvent pensés comme des relais des communications sociales ordinaires, ignorant ainsi leur spécificité énonciative et leur travail de transformation des textes (Le Marec et Babou, 2015, p. 118), les médias participent activement à la construction des processus de dispute, les cadrant, donnant la parole ou excluant certains acteurs, hiérarchisant et qualifiant les enjeux et les objets et finalement proposant une grille de lecture qui leur donne sens (Gamson, 1992). Notre travail s’inscrit précisément dans cette perspective : celle de comprendre comment les médias participent à la conflictualisation du cas Raoult et, ce faisant, à une conflictualisation de la crise sanitaire.
L’analyse présentée dans cet article permet d’apporter de premières réponses à ce questionnement à partir d’une étude quantitative outillée de la visibilité de Didier Raoult dans quatre médias écrits traditionnels : Libération, Le Figaro, La Provence et Le Parisien. Ces quatre médias ont été sélectionnés à partir de caractéristiques éditoriales : deux titres de PQN généraliste française aux lignes éditoriales opposées permettant d’entrevoir les ressorts politiques des conflits observés, et deux titres de presse infranationale (PQR) révélant non seulement des refigurations locales de débats nationaux (Ricœur, 1983) mais colorant également les conflits d’imaginaires socioterritoriaux stéréotypés. Certes, cette presse traditionnelle ne représente qu’une partie de l’écosystème médiatique complexe dans lequel se déploie la conflictualisation de Didier Raoult2, mais le poids symbolique dont elle jouit toujours permet d’entrevoir la manière dont elle polarise la crise sanitaire tout en s’arrogeant paradoxalement une fonction arbitrale et métadiscursive dotée d’un sceau de légitimité sociale.
Sur le temps long de la crise sanitaire et via la plateforme de presse Europresse, nous avons donc sélectionné tous les articles parus dans l’un des quatre médias étudiés à partir de la requête « Didier Raoult », entre le 1er décembre 2019 et le 31 octobre 2021. Nous avons obtenu 665 articles uniques, que Didier Raoult soit « objet premier de discours » (Valex, 2018) ou qu’il apparaisse de manière plus secondaire, à la marge des articles étudiés : 134 issus du Figaro, 110 de Libération, 106 du Parisien et enfin, 315 parus dans La Provence.
Ce corpus d’articles a ensuite été transformé3 afin de permettre son analyse par le logiciel libre IRaMuTeQ via la méthode Reinert (1990). À partir d’une analyse factorielle de correspondances, cette méthode décompose le corpus textuel en classes. Chaque classe est un monde lexical construit sur un ensemble de mots significativement surreprésentés (selon le test du Khi2). Cette méthode permet par ailleurs de définir la proximité ou distance des classes entre elles et d’identifier leurs segments caractéristiques. Ainsi, elle découvre des ensembles thématiques cohérents au sein des discours. Comme Ratinaud et Marchand (2015) le préconisent, cette méthode ne peut faire l’économie d’un travail par étapes successives de déconstruction du corpus, permettant ensuite une analyse plus fine de sous-corpus par thématique ou métadonnée. Car, si notre analyse outillée s’attarde davantage sur la régularité plutôt que la singularité d’énoncés discursifs (Dalud-Vincent, 2011), des focus particuliers, basés sur des sous-corpus (définis à partir de moments discursifs (Moirand, 2007), de thématiques ou d’un média-énonciateur) et des observations qualitatives, permettent d’approfondir certains résultats. Les rubriques en tant qu’éléments péritextuels participant à la structuration de la signification et orientant la consistance narrative du discours de presse (Ringoot, 2014), nous intéressent particulièrement en ce qu’elles nous renseignent sur l’identité des scripteurs, qu’ils soient journalistes ou non.
Dans le croisement des analyses quantitatives et qualitatives, nous analysons la manière dont ces 665 discours contribuent à construire des récits d’information, disséminés, fragmentés et polyphoniques (Certeau, 1990) à partir d’une entrée par le conflit autour de la figure de Didier Raoult. Partant de la controverse scientifique sur l’HCQ dont les médias se font l’écho, notre article observe sa dérivation vers une polémique médiatique structurée autour de trois variables conflictuelles : partisane, territoriale et sociale, et la disqualification de Didier Raoult comme figure populiste, en contradiction avec l’exigence de vérité revendiquée par les journalistes.
La controverse érudite autour de l’hydroxychloroquine
L’(hydroxy)chloroquine figure en 3e position des termes les plus présents (1184 occurrences) après « Covid-19 » (1186 occurrences) et « Raoult » (1796 occurrences). En regardant de plus près ces occurrences, nous observons que l’HCQ est racontée dans un monde lexical liée à la recherche en laboratoire. Les journalistes rendent compte des essais/études et de leurs résultats à partir de nombreux adjectifs (dé)valorisants (prometteur, (in)efficace, décevant, etc.) et de verbes liés à l’activité de la recherche (tester, évaluer, comparer, conclure, prouver, expliquer, etc.).
Cependant, le récit de presse à propos de l’HCQ est bouleversé par sa remise en cause qui débute, fin mars 2020, par des accusations de manquements à l’intégrité scientifique à l’endroit de Didier Raoult et ses équipes, formulées notamment pas l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Le 22 mai 2020, un article publié dans The Lancet conclut non seulement que l’HCQ est inefficace contre le Covid-19 mais qu’elle fait porter un plus grand risque aux patients. À la suite de cette étude, l’OMS et l’ANSM suspendent les essais et le Haut Conseil de la santé publique recommande, le 26 mai, de « ne pas utiliser l’hydroxychloroquine dans le traitement de la Covid-19 ». Deux jours plus tard, une lettre ouverte signée par une centaine de médecins pointe différentes erreurs et incertitudes concernant la méthodologie et l’intégrité des données citées dans l’article du Lancet. Le 4 juin, trois des quatre auteurs rétractent l’article.
Dans leur travail sur la controverse Didier Raoult sur Twitter, Smyrnaios, Tsimboukis et Loubère montrent qu’« un consensus international se forme à la fin de l’été, pour affirmer […] que les effets de la HCQ dans le traitement de la COVID-19 sont nuls, au moins en ce qui concerne le taux de mortalité » (2021, p. 64). L’analyse factorielle par correspondance soutient cette rupture dans la médiatisation de Didier Raoult : en effet, dans notre corpus de presse, l’HCQ est surreprésentée (67,19 % du corpus) avant le 31.08.2020. Ainsi, l’établissement progressif d’un consensus résout l’incertitude quant à l’efficacité de ce traitement et signe le désintérêt des journalistes pour la molécule. Cette démarcation temporelle justifie la création d’un sous-corpus sur le moment discursif HCQ (entre le 1.12.2019 et le 31.08.2020) composé de 385 articles.
L’analyse Reinert appliquée à ce sous-corpus dévoile deux mondes lexicaux liés à la molécule. Le premier décrit les essais sur le traitement et ce qu’il produit sur les patients. Le second traite aussi des études mais cette fois, dans leur contradiction et leur dispute :
Didier Raoult a répondu sur sa chaîne YouTube à l’étude publiée dans The Lancet qui remet en cause l’efficacité de l’hydroxychloroquine et estime même le traitement dangereux (Le Parisien, 26.05.2020).
Beaucoup pointent aussi un conflit d’intérêts : Didier Raoult publie ses résultats dans une revue dont l’un des rédacteurs en chef fait partie de ses proches collaborateurs… (Le Figaro, 25.06.2020).
L’absence de consensus avant le 31 août 2020 place les quatre journaux étudiés dans une position discursive malaisée et labile. Faute de pouvoir trancher un débat qui les dépasse, ils s’attardent sur le conflit, multipliant les mots pour qualifier le « moment effervescent » (Lemieux, 2007, p. 192) et soulignant le potentiel conflictuel du traitement promu par Didier Raoult :
Publications « non fiables » selon Raoult, qui n’hésite pas à qualifier de « plus grand scandale sanitaire de tous les temps » la mise au ban de l’hydroxychloroquine […] (Le Figaro, 20.08.2020).
Et si les bons résultats du Sénégal […] étaient en partie liés à l’utilisation de l’hydroxychloroquine, cette molécule qui suscite tant de polémiques en France ? (Libération, 27.05.2020).
Pour Claverie (1998), la dénonciation publique d’une faute et du fautif crée le scandale qui devient une affaire par le retournement de l’accusation scandaleuse en direction de l’accusateur (The Lancet passe d’accusateur à accusé lorsque son étude est elle-même dénoncée). Pourtant, elle définit le scandale, comme Lascoumes (1997) ou Esser et Hartung (2004), dans l’unanimité de la condamnation. Or, ce premier temps de médiatisation est précisément déterminé par l’absence de consensus, qui devient alors objet de discours. Cette absence d’unanimité est renforcée par l’absence de la foule en colère décrite comme caractéristique du scandale par Claverie (cité par de Blic et Lemieux, 2005, p. 18). Si la circulation de discours scientifiques dans la sphère publique (Bourdieu, 1997) est induite par la nature médiatique du corpus, le point de vue des profanes est absent de ce monde lexical.
L’observation des 24 noms propres caractéristiques de la classe dédiée au conflit sur l’HCQ découvrent 16 acteurs sociaux concernés par la dispute : 14 issus du milieu scientifique (Didier Raoult, The Lancet et des spécialistes de santé) et 2 du monde politique (Olivier Véran et Sibeth Ndiaye). L’agentivité des journaux étudiés s’entrevoit ainsi dans le fait de refuser de faire du public un acteur dans le débat et de séparer deux espaces discursifs indépendants : celui du scientifique et celui du journaliste. 28 tribunes libres et 32 interviews publiées sur la première période préservent l’indépendance des journaux vis-à-vis de locuteurs tiers dont ils choisissent de rendre visible le discours et à qui ils confèrent, dans le même temps, la qualité d’expert, légitimé par l’attribution du droit à la parole, et la labellisation de leurs discours (Varga, 2020). Ils circonscrivent, ainsi, « un espace indépendant au sein duquel les scientifiques sont maîtres de l’expression » (Rabeharisoa, 1997, p. 22). Cela est confirmé par l’analyse des titres interrogatifs des articles. En effet, l’usage journalistique de la forme interrogative relève de marques explicites soulignant le flottement d’un positionnement énonciatif à l’égard de la controverse scientifique dont la résolution réside dans les savoirs experts. Sur les 63 articles au titre interrogatif de l’ensemble du corpus, 35 évoquent directement l’HCQ dans leurs contenus. 25 de ces références concernent la première période, soit 71,4 % des titres interrogatifs de l’ensemble du corpus. Une preuve donc que le journaliste qui s’interroge à propos de Raoult, s’interroge essentiellement sur la controverse érudite au sujet de l’HCQ. Ainsi, conformément aux critères professionnels et déontologiques, les journalistes s’arrogent une fonction arbitrale dans la dispute. Mais dans l’absence de consensus, l’affirmation est limitée au discours direct ou rapporté des acteurs parties prenantes de la dispute dont les médias s’excluent.
Ainsi, la dispute scientifique ne fait pas scandale (ni affaire) mais n’est traitée que comme une « controverse érudite » (Lilti, 2007) où la science conserve une place autonome par rapport au monde social.
Les médias dans le conflit : la polémique Raoult
Parmi les classes identifiées dans le corpus entier, une catégorie se dégage par la mise au jour d’un conflit dont Raoult et les médias sont caractéristiques. Les discours médiatiques à son propos sont particuliers en tant qu’ils s’intéressent moins aux arguments antagonistes qu’à la structuration de la dispute. Ainsi, avec Amossy (2014), nous envisageons ce conflit comme une polémique, permettant d’observer comment les médias agissent dans la dispute en lui donnant une matérialité discursive. Pour cela, nous transformons cette classe en un sous-corpus.
Figure 1 : classes de discours du sous-corpus « Raoult et les médias »
Nous remarquons d’abord que les médias comme espace d’expression des opinions antagonistes sont omniprésents dans les différentes classes, rappelant le rapport étroit entre les discours polémiques et leur support médiatique (Gelas et Kerbrat-Orecchioni, 1980), et réactualisant par-là la dimension médiagénique de la polémique (Amossy et Burger, 2011, p. 16). Les médias y sont décrits à la fois comme des espaces de publicisation mais aussi comme les adjuvants d’une énonciation conflictuelle portée par d’autres locuteurs.
Une foule d’autres ont envahi les plateaux télé pour appeler l’opinion à une élémentaire prudence, les informer sur les progrès de la science et les alerter sur les difficultés des hospitaliers : Karine Lacombe, Xavier Lescure, Eric Caumes, Gilles Pialoux (Libération, 09.06.2021).
Étude « foireuse » a balayé hier le Pr Raoult dans une vidéo de six minutes postée sur la chaîne YouTube, média faisant peu de place à la contradiction, par lequel le spécialiste a pris l’habitude de communiquer (La Provence, 26.06.2020).
En affinant la focale sur la première classe caractérisée par des acteurs médiatiques nommément identifiés (Hanouna, RMC, RTL, etc.), nous remarquons que les médias nommés sont présentés comme acteurs du conflit (Yanoshevsky, 2003) :
Dans les médias, les « bons clients », qu’ils soient chercheurs, éditorialistes, responsables politiques ou chanteurs de rap, sont ceux qui crient le plus fort et décochent des avis péremptoires. L’important, c’est que ça dézingue dans l’émission d’Hanouna (La Provence, 09.09.2021).
CNews (qui n’a pas répondu à nos sollicitations) est celle qui permet le plus aux voix dissonantes de s’exprimer, jusqu’au clash (Le Parisien, 18.10.2020).
Un lexique du divertissement caractéristique de cette classe (amuser, rire) spécifie la nature de l’activité conflictuelle des médias désignés : la spectacularisation et la dramatisation de la confrontation :
L’émission, 24H Pujadas, a réalisé sa meilleure audience, grâce au truculent professeur marseillais, qui a fait la couverture de l’Express jeudi avec ce titre : « Raoult tire à vue. » À l’occasion, la chaîne d’information en continu de TF1 a dépassé le score de sa rivale BFMTV. Cette dernière avait eu recours à la même cartouche le 30 avril, en proposant une grande interview, là encore « exclusive », du même personnage (Libération, 30.05.2020).
Finalement, retrouver le désormais retraité (il le sera officiellement aujourd’hui) Didier Raoult face à Cyril Hanouna, animateur et producteur emblématique de TPMP s’inscrit dans une certaine logique. Celle de l’audimat que le directeur de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) de Marseille sait à merveille faire grimper à chacune de ses interventions et prises de position souvent à contre-courant de ses confrères (La Provence, 31.08.2021).
Il se cache en creux de cette première classe une critique méta-médiatique (Spano, Gadras et Goepfert, 2019) des médias sensationnalistes, ainsi que de la fonction commerciale de la polémique. Dans une situation d’apparente « égalité cognitive » (Chambat-Houillon, 2016, p. 248) avec leur lectorat, cette critique permet de dénoncer un journalisme soumis aux logiques d’audience et de s’en affranchir.
Il intéresse donc certains médias en recherche de polarité, qui mettent en scène des confrontations d’« experts » sur des sujets qui font pourtant l’objet de consensus (Libération, 05.10.2020).
Ainsi, les médias sensationnalistes (essentiellement audiovisuels) seraient ceux qui créeraient ou exacerberaient le conflit, selon les quatre titres de presse écrite étudiés. Si ce constat démontre l’importance du rôle joué par les médias dans la polémique, il se remarque à partir de l’observation des citations explicites de dispositifs médiatiques et de médiatisation (Lafon, 2019). Cela permet aux journaux du corpus de revendiquer une certaine éthique dans leurs manières de faire du journalisme et de définir par-là leur éthos journalistique. Mais, l’analyse de la polémique, comme « manifestation discursive sous forme de heurt, d’affrontement brutal, d’opinions contradictoires qui circulent sur la place publique » (Amossy, 2014, p. 58-59), ne peut se contenter d’observer le rôle donné aux autres médias dans la conflictualisation. Au contraire, elle exige d’observer les deux opérations distinctes et complémentaires qui la façonnent : la dichotomisation et la polarisation. La première sert des oppositions inconciliables. C’est une opération abstraite, conceptuelle, qui « fige les interlocuteurs dans des positions symétriques et indépassables » (Ibid., p. 61). À l’inverse de la dichotomisation qui divise, la polarisation regroupe les participants dans l’un des deux camps. C’est une opération sociale, un processus par lequel deux ou plusieurs groupes « fortement contrastés et mutuellement exclusifs » partagent les « valeurs que l’argumentateur considère comme fondamentales » (King et Anderson, 1971).
Ainsi, la suite de notre article vise à analyser les dynamiques oppositionnelles structurant les formes de polarisation caractéristiques des conflits d’appropriation de la figure de Didier Raoult dans les récits médiatiques du corpus de presse écrite étudié. Il permet de distinguer 3 formes non exclusives qui s’entremêlent : une polarisation partisane (droite/gauche), une polarisation territoriale (Paris/Marseille) et une polarisation sociale (pro/anti).
La polarisation partisane et l’opposition droite/gauche
La dispute entre experts, dévoilant le microcosme social d’une science en train de se faire, est à ramener au sein d’une « économie de constellation discursive » (Foucault, 1969, p. 92). En effet, dans le contexte de l’urgence caractéristique de la crise, le débat scientifique sur l’HCQ avoisine et contamine d’autres microcosmes sociaux (Shinn et Ragouet, 2005) révélés par le discours médiatique. Au premier rang duquel, le champ politique d’où émane la décision publique sanitaire.
La requalification objective de l’HCQ en objet politique, c’est-à-dire « lorsqu’un enjeu ou un dossier qui se situe initialement hors du champ politique est saisi par des acteurs socialement définis comme politiques » (Hamidi, 2006, p. 9), apparaît dès le 18 mars 2020 lorsque Sibeth Ndiaye qualifie les recherches de Raoult de prometteuses. Côté médiatique, La Provence est le premier média du corpus à faire de l’HCQ un objet politique dans un article dédié aux élus locaux qui profiteraient de leur statut pour bénéficier de passe-droit au sein de l’IHU (19.03.2020). Ainsi, progressivement, politique et scientifique s’entremêlent.
Dans Libération, le champ politique est un monde lexical à part entière. Il se focalise exclusivement sur des acteurs issus du champ politique où se côtoient le chef de l’État, son gouvernement, les élus locaux et certains acteurs scientifiques dont l’activité de direction d’une institution autorise à les rapprocher du politique. À l’inverse, Le Figaro sépare les politiques de la politique à partir de deux classes mettant en scène le champ politique : d’un côté l’exécutif, les partis et les élus, de l’autre, l’État, la Nation, la France et Emmanuel Macron. Fidèle à sa ligne éditoriale territorialisée, La Provence raconte la politique au travers de deux mondes lexicaux. Si le premier est concentré sur la politique locale, le second mélange acteurs politiques nationaux (au premier rang, Macron et Véran) et acteurs médiatiques, comme si trop loin de Marseille, le chef de l’État et son ministre n’étaient que des personnages que l’on regarde à la télévision. L’entrelacement du médiatique et du politique est justement révélateur des discours du Parisien où aucune classe n’est dédiée au champ politique. Macron et Castex appartiennent au monde lexical médiatique dans lequel Zemmour, Bachelot, Hanouna et Philippot les devancent en représentativité. La grandeur des êtres (Boltanski et Thévenot, 1991) est donc moins liée à leur position dans la hiérarchie politique qu’à leur reconnaissance médiatique.
Cette première analyse indique donc quatre manières médiatiques de faire vivre le champ politique, que l’on repère de manière plus approfondie par l’« effet de sémantisation de l’information » que produit le rubricage (Ringoot, 2014, p. 65). Par ce truchement, Le Figaro est à ce titre le premier média du corpus à faire migrer explicitement le conflit scientifique vers le conflit politique. Le 23 mars 2020, le quotidien conservateur se fait l’écho d’une lettre adressée par un député LR au chef de l’État sur sa stratégie sanitaire en étant le relai transparent d’un discours politique en faveur de l’HCQ et de son promoteur. Ensuite, le glissement progressif de la figure de Didier Raoult, depuis des rubriques « Sciences » vers des rubriques politiques et à énonciation subjectivisée (Moirand, 2007) témoigne de certaines prises de position (explicites ou non) à l’égard de Raoult. Dans sa rubrique « politique », Le Figaro cède ainsi la parole à la contestation – souvent droitière – de la gestion de crise gouvernementale et convoquant la figure de Raoult. Sur le corpus global, c’est dans ce même moment discursif que se trouve condensée la majeure partie des articles placés sous un rubricage à énonciation subjectivisée. En effet, sur les 48 articles concernés dans trois des quatre médias du corpus (Le Figaro, Libération, La Provence), 28 se rapportent à la première période. Le Figaro est à cet égard omniprésent dans cette catégorisation (32 articles sur toute la période) montrant par-là l’affirmation – explicitée par le dispositif énonciatif – d’une politisation de la figure de Didier Raoult dans le quotidien de droite. La délégation de parole à l’infectiologue marseillais (30.05.2020) et à ses soutiens scientifiques – « La chloroquine contre le Covid-19 : oui, le Pr Raoult nous a convaincus » (6.04.2020), « Conseil de l’ordre des médecins, il faut laisser Didier Raoult en paix ! » (12.09.2020) – fait de Raoult une figure scientifique légitime et soutenue – du moins un temps – par des hérauts de la droite conservatrice. Le journal cède aussi la parole à ses propres journalistes et éditorialistes et certains intellectuels dans des articles pamphlétaires faisant d’Emmanuel Macron, une menace à la Nation. La particularité du Figaro est donc liée à la forte présence d’une parole subjective marquant par là des discours ouvertement partisans associant au soutien de Raoult des thèmes conservateurs absents des autres médias du corpus (islamisme, terrorisme, antiracisme…).
Du côté de Libération, la politisation par le rubricage est moins saillante et se fait de façon plus diffuse, ce qui n’empêche pas le journal de se positionner en critiquant fermement la méthode et le style Raoult : « [S]on tempérament et sa façon de procéder le desservent. » (18.03.2020) Une critique qui s’arrime sur des arguments d’autorité fournis par la communauté scientifique. Dans cette perspective, la polarisation partisane se fait dans un mouvement contradictoire, à la fois mise à distance et mobilisée dans les discours. Ainsi, Libération interroge régulièrement l’appartenance politique des scientifiques dont il fait le portrait (« Elle vote à gauche », 07.04.2020 « Politiquement, elle est de gauche, syndiquée aussi », 29.12.2020 « Il se dit de gauche », 02.05.2020). Un article entier est d’ailleurs dédié à l’obédience politique de Raoult que le média a du mal à catégoriser : il est un « électron politiquement libre » ou « difficile à cerner » malgré la « proximité de jeunesse avec la droite locale » et le soutien par « plusieurs figures du parti Les Républicains » (10.04.2020). Les rubriques à énonciation subjectivisée du quotidien – peu nombreuses dans le corpus (8 sur toute la période) – retrouvent ce même intérêt.
Dans la presse infranationale, l’analyse factorielle par correspondances révèle une sous-représentation de l’opposition droite-gauche par rapport à la presse quotidienne nationale4. Ce résultat retrouve non seulement les résultats de l’analyse par classification qui ne repère pas de classe dédiée au politique dans Le Parisien mais aussi l’absence d’article classé dans une rubrique à énonciation subjectivisée. En cohérence avec une ligne éditoriale populaire (Dakhlia, Provenzano et Roche, 2016), la rubrique « politique » se mélange aux rubriques « médias », « loisirs », « l’actu » et « portrait » dans un même monde lexical. Le Parisien mentionne Didier Raoult dans 3 portraits : Roselyne Bachelot, Martine Rubirola et enfin, Jean-Marie Bigard. L’hétérogénéité de ces acteurs affermit le mélange des genres et le refus du Parisien de politiser de manière partisane la figure de Raoult. Le Parisien semble ainsi s’octroyer la fonction de chef d’orchestre entre les camps mais refuse de se positionner au risque de froisser une partie d’un lectorat défini par son lieu d’habitation plus que par son ancrage politique.
Dans un même rôle d’amplificateur social et territorialisé (Bousquet et Amiel, 2021), La Provence politise le conflit davantage sur une base territoriale. Mais contrairement au Parisien, il appartient au même territoire, ce qui le conduit à s’arrêter longuement sur la politique locale et les affrontements internes à l’IHU. Le conflit partisan n’a à ce titre que peu de valeur pour le média régional puisqu’en local, droite et gauche s’unissent autour de Raoult et contre le gouvernement. La figure du microbiologiste se construit ainsi dans une association droite-gauche (« De droite à gauche et jusqu’à l’extrême droite. Comment l’homme de science est devenu un instrument politique », La Provence, 21.08.2021). La « reconnaissance de la dimension conflictuelle des positions adoptées » caractéristique de la politisation (Hamidi, 2006, p. 10) n’est donc pas celle d’une opposition droite/gauche pour le média méditerranéen mais celle d’une opposition entre Marseille et Paris.
La polarisation territoriale et l’opposition Paris/Marseille
Le conflit politique à échelle territoriale marque donc une rupture entre Marseille et Paris, symbolisée par des conflits d’intérêts territoriaux en deux échelles de gouvernance politique et sanitaire : les élus et le personnel médical locaux d’un côté, le gouvernement et les autorités sanitaires de l’autre.
La prestation de Jean Castex jeudi sur France 2 et la réunion de vendredi soir avec deux ministres en préfecture des Bouches-du-Rhône à Marseille n’auront pas calmé la colère des élus de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Le Figaro, 26.09.2020).
Le président du conseil scientifique a été un proche du professeur marseillais avant qu’il ne le voue aux gémonies […] les guerres picrocholines entre Didier Raoult et Yves Lévy, ancien président de l’Inserm et mari d’Agnès Buzyn (La Provence, 4.06.2021).
Ce conflit Marseille/Paris caractérise le traitement médiatique de deux médias du corpus. D’abord, la territorialisation du conflit particulièrement explicite dans Le Figaro se justifie par son ancrage politique à droite et notamment par la mise en visibilité des deux principales figures politiques locales du parti Les Républicains : Renaud Muselier, président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et Martine Vassal, présidente du département des Bouches-du-Rhône et de la Métropole Aix-Marseille-Provence. Dans La Provence, la particularité territoriale explique un traitement particulier de Didier Raoult qui est, comme dans les autres médias, un acteur conflictuel mais qui n’est pourtant pas caractéristique de la classe à propos de l’HCQ : la molécule est ainsi séparée, dans les discours, de son promoteur principal. Notre hypothèse à ce propos est que cela permet au journal de maintenir la légitimité de Didier Raoult malgré la délégitimation du traitement. En effet, nous remarquons qu’à mesure que les vocables relatifs au débat scientifique sur l’HCQ – omniprésents sur la première période – s’amenuisent, les formes lexicales renvoyant au territoire marseillais prennent de l’ampleur. Ainsi, La Provence joue un rôle « d’instance de médiation à portée géographique » (Noyer et Raoul, 2011, p. 19) en assumant un positionnement médiatique plus subjectif que les autres médias plus prudents. Par exemple, au lendemain de la visite d’Emmanuel Macron à l’IHU de Marseille le 9 avril 2020, Franz-Olivier Giesbert – alors directeur éditorial du journal – titre son éditorial en Une, « Reconnaissance ». Cette logique éditoriale de patriotisme local, et ce particulièrement lorsque la focale nationale de gestion de crise se tourne vers le territoire marseillais, érige Didier Raoult en fierté locale encore victime de la condescendance parisienne. La reconnaissance de Raoult permet aussi la reconnaissance du territoire (Bryon-Portet, 2011, p. 30) au travers de la promotion de la créativité des habitants de la région qui rendent hommage à leur héros. Ainsi, le média local s’attarde sur la création du santon Didier Raoult par un santonnier marseillais, d’une peinture représentant Didier Raoult « avec le "S" de superman » (12.04.2020) par un graffeur avignonnais, et enfin, du « "Chloro clean", un savon de Marseille sur lequel a été incrusté le portrait du professeur de l’IHU » (04.02.2021) par une parfumerie toulonnaise… Bref, la célébration du territoire et de ses acteurs permet au journal d’établir une frontière entre l’intérieur et l’extérieur de sa zone de diffusion et, par là même, de structurer le sentiment d’intégration territoriale caractéristique de ce type de presse (Bousquet et Amiel, 2021).
Mais le conflit Paris/Marseille structure également plus largement l’ensemble du corpus médiatique à partir de la construction narrative romantisée d’une union locale marseillaise déjà évoquée plus haut. Cette union locale transpartisane, autour des trois figures d’un pouvoir local notabiliaire (Chamouard et Fogacci, 2015) : Muselier (LR, 88 occurrences) – Rubirola (Union de la gauche, 85 occurrences) – Vassal (LR, 80 occurrences) leur octroie le rôle d’alliés discursifs.
Mais dans le Sud, peu importe leur bord politique, les élus locaux le soutiennent sans faillir (Libération, 12.03.2021).
Cette opposition symbolique territoriale Paris/Province s’épaissit davantage par l’usage fréquent et continu de métaphores footballistiques souvent structurées autour de la rencontre entre le PSG et l’OM.
L’iconoclaste professeur a tapé pile dans le cœur d’une ville encline à sanctifier les personnalités atypiques, jusqu’alors plutôt option foot. Pas étonnant ainsi qu’Eric Cantona, autre dieu du Panthéon local ait, plusieurs fois, soutenu l’infectiologue durant la crise (Libération, 27.05.2020).
Dans le sillage du professeur Raoult, les Marseillais ne veulent plus se laisser dicter leur vie par des décisions prises dans la capitale. […] Cela vaut aussi dans le football. Pour les supporteurs de l’OM, le PSG incarne un club tout-puissant, soutenu par les autorités du foot (Le Parisien, 13.09.2020)
Finalement, si Raoult est lié à un conflit territorial, il n’en est pas un des acteurs principaux5. Il est l’incarnation-prétexte d’une opposition séculaire qui lui préexiste entre deux territoires aux représentations opposées :
Bien que construit sur un canevas de lieux concrets à fort contenu symbolique, le territoire s’affirme surtout en tant qu’artefact, représentations sociales et idéologie (Di Méo, 1998, p. 320).
Cependant, la figure de Didier Raoult est aussi symbolique d’un territoire qui rassemble Paris et Marseille dans un travail métaphorique et mémoriel. La figure rebelle et la métaphore guerrière autorisent toutes les comparaisons avec des héros nationaux : Il est « Astérix, celui qui se bat seul avec les armes de l’intrépidité et de la débrouillardise […] face aux armées sûres d’elles-mêmes. L’homme libre contre les élites, le savant fort en gueule contre le sachant arrogant » (Le Figaro, 10.04.2020) mais aussi « le Général de Gaulle du coronavirus » (La Provence, 27.03.2020). Plus généralement, la métaphore du druide (26 occurrences) justifiée par son activité (« La potion magique à la chloroquine du druide Raoult », Le Figaro, 17.04.2020) et son apparence (le « savant à la chevelure de druide », Le Parisien, 08.08.2020) autorise sa désignation comme « gaulois réfractaire » (6 occurrences), « élément central du discours sur l’identité portée par le roman national » (Bourdon, 2020) et connotant, par-là, sa francité.
La polarisation sociale autour de l’icône Raoult
Ces comparaisons marquent un dernier enjeu : la starification de Didier Raoult permet de le transformer en une icône, divisant et regroupant la société en deux camps ennemis.
La célébrité de Raoult, qui se structure non plus seulement sur la médiatisation de sa performance scientifique mais également de sa performance publique (Mignon, 2007), fait suite à son autoproclamation « Je suis une star mondiale » dans une interview accordée à La Provence (21.02.2020) et se matérialise dans notre corpus sur des « positionnements dichotomiques transformant l’enjeu de vérité en enjeu de notoriété » (Varga, 2020). En effet, avant cette date, la réputation du microbiologiste n’existe que dans la sphère scientifique mais cette déclaration autorise de le conjoindre au « grand » public. Il devient ainsi « la star incontestable de la crise du Covid-19 » (La Provence, 25.12.2020), la « star de la médecine » (Libération, 06.08.2020) et « le médecin le plus célèbre » (La Provence, 12.04.2020). Mais sa célébrité ne se limite ni au contexte de la crise sanitaire ni à son statut professionnel : il est une star locale – « le plus célèbre des marseillais » (Le Parisien, 21.07.2020) – et nationale – « la star des médias » (La Provence, 23.04.2020) et « un des hommes les plus célèbres de France » (Le Figaro, 26.06.2020). Trois médias du corpus – Libération, Le Figaro, La Provence – se font d’ailleurs le relai de l’entrée de Didier Raoult dans le baromètre Odoxa des personnalités politiques préférées des Français en avril 2020.
Raoult, désormais suffisamment connu, incarne un clivage social et devient l’objet de la dispute. Dès lors, le patronyme se substantivise et s’adjectivise sous différentes formes et déclinaisons pour symboliser une figure socialement et politiquement clivante : les médias étudiés parlent ainsi de « pro-Raoult » (12 occurrences) et d’« anti-Raoult » (15), de « raouliens » et d’« anti-raouliens » (1), de « raoultiens » (4). D’autres néologismes permettent de qualifier ce qu’il se passe : le « Raoultgate » (La Provence, 27.03.2020) ou la « Raoult mania » (Le Figaro, 17.04.2020).
Si l’HCQ ou les conflits politiques/territoriaux justifient cette célébrité, ils disparaissent dans la starification de Raoult et s’élargissent aux crises sanitaire, politique et journalistique. Ainsi, Raoult est décrit comme l’« icône des antivax » (Libération, 16.09.2021), l’ « icône des antivax et des antipass » (La Provence, 07.09.2021) mais aussi une « icône antisystème » (Le Parisien, 26.03.2020) et une « icône de la résistance » (La Provence, 13.09.2020). Mathé (2013) distingue l’icône de l’idole en faisant de la première une incarnation et de la seconde un symbole. Cela permet au chercheur de considérer que « l’on se retrouve en une icône alors que l’on admire une idole » (p. 97) et ainsi distinguer les formes d’attachements qui relèvent de l’identification, la projection et la reconnaissance pour l’icône et de l’adoration et l’admiration (contemplatives) pour l’idole. Si l’on trouve 3 occurrences du mot « idole », c’est bien en tant qu’icône que Raoult s’impose dans le corpus. Il est l’incarnation d’un rejet de la gestion politique et médiatique de la crise sanitaire et plus loin, de la défiance à l’égard des « dominants ». Cela autorise les médias de notre corpus à comparer sans cesse la crise du Covid-19 à celle des gilets jaunes :
Les fossés pré-crise, entre les élites citadines et le pays profond par exemple, n’ont pas disparu, comme le montre par exemple le soutien enthousiaste apporté aux avis du médecin Didier Raoult par la France des « gilets jaunes » contre l’avis de la Faculté de médecine. Comme si toute une partie de la France se cherchait toujours un antidote à Macron, en qui elle n’a pas confiance (Le Figaro, 14.04.2020).
Pour La Provence, Didier Raoult devient même « le gilet jaune des blouses blanches » (11.04.2021). Mais plus qu’une comparaison, la fracture sociale autour de la figure de Didier Raoult est décrite comme le prolongement de celle identifiée par la crise des gilets jaunes. La figure iconique raoultienne se construit ainsi sur une opération de reconnaissance et d’identification.
Il y a une correspondance entre la France qui proteste contre le 80 km/h et celle de la chloroquine, ce remède de bon sens, bon marché, simple et efficace selon ses défenseurs, qui se recrutent notamment dans la mouvance des « gilets jaunes » (Le Figaro, 06.04.2020).
Les premières semaines de confinement ont remis à jour des fractures révélées lors de la crise des gilets jaunes. De manière très inattendue, cela se traduit par une adhésion populaire au professeur Didier Raoult et à son combat controversé pour l’utilisation de l’hydroxychloroquine dans le traitement du Covid-19 (Libération, 14.04.2020).
Ainsi et malgré les enjeux hétérogènes (Raoult, pass sanitaire, vaccin ou opinions sur la dangerosité du Covid-19), il n’existe que deux camps antagonistes dans lesquels les opinions et les individus se regroupent. Si les pro- et les anti-Raoult sont les premiers à apparaître dans le corpus (à partir du 10.04.2020), le groupe des pro-Raoult est très vite rejoint par les complotistes (68 occurrences) à partir du 2 mai 2020. En lien avec l’actualité des mesures sanitaires, il est ensuite conjoint des antivax (à partir du 13.07.2020) et des antipass (à partir du 28.07.2020).
L’un des meneurs des manifestations antivax et antipass a créé le #TouchePasARaoult immédiatement fortement relayé par les sphères complotistes (La Provence, 20.08.2021).
Au-delà du ridicule, cet épisode témoigne d’un climat de plus en plus violent chez certains antivax, qui n’hésitent pas à insulter et menacer des médecins (et des journalistes). Il amène également à s’interroger sur les causes de telles dérives. Didier Raoult, devenu la nouvelle icône des antivax et des antipass qui se rassemblent tous les samedis sous les fenêtres de l’IHU est clairement en cause (La Provence, 07.09.2021).
Ces deux citations de La Provence illustrent de manière exemplaire un mouvement de regroupement par identification et une consolidation de l’identité de chaque groupe ennemi (Orkibi, 2008).
La catégorisation « rassuriste » vs « alarmiste » propre à qualifier les médecins/scientifiques selon leur appartenance aux camps des pro- et anti-Raoult se découvre à partir du 3 septembre 2020 pour les alarmistes (29 occurrences) et du 5 octobre pour les rassuristes (34), initialement nommés les covidosceptiques (11). Elle clôt par ailleurs la dérivation de la controverse érudite vers la polémique en réunissant scientifiques et publics dans le soutien ou la contestation de Didier Raoult. La polarisation sociale signe donc la politisation du cas Raoult par sa montée en généralité et la reconnaissance de la conflictualité (Hamidi, 2006, p. 10).
Conclusion : Les journalistes contre l’expert dissident
Ainsi, la pandémie Covid-19 se place dans le sillage d’autres crises aux frontières poreuses, conjoncturelles (gilets jaunes…) ou structurelles (crise économique, crise institutionnelle…). Elle devient l’actualisation particulièrement médiagénique de ces dernières. Didier Raoult devient alors une figure-frontière du récit médiatique aux confins de différentes appropriations symboliques (politiques, sociales ou territoriales). Cette dynamique consolide la figure médiatique raoultienne de l’expert dissident (Starck, 2000) dont le sens de l’action est présenté sous l’étiquetage axiologique disqualifiant de populiste :
Phénomène totalement inédit : le débat autour de ce médicament a pris une tournure politique, opposant des tenants de « l’anti-système » aux pourfendeurs du « populisme médical » (La Provence, 27.05.2020).
Les caractéristiques du « populisme médical » (Moffitt, 2016) tracent les contours de l’identité médiatique de Didier Raoult mise à jour : il est un médecin de terrain (de province de surcroît), valorisant l’action immédiate aux dépens de la « modélisation en chambre » (Pierru, 2020, p. 134), rejetant la complexité de la crise sanitaire (Brubaker, 2017, p. 367) et s’opposant aux élites médicales et politiques. Le soutien discursif d’un conglomérat d’acteurs hétérogènes et populaires amplifie, par l’autorité que leur confère leur statut et légitimité charismatique atypique ou antisystème, la figure populiste. Citons pêle-mêle : Trump (85 occurrences), Bigard (43), Philippot (32), Hanouna (27), Dupont-Aignant (10), Cantona (8), Bolsonaro (15), De Villiers (8), Tapie (7)…
Au creux de cette identité attribuée à Raoult, se révèle le positionnement des journalistes à son égard et, plus généralement, par rapport au camp des pro-Raoult.
Dans un clivage entre vérité et populisme (Vanbremeersch, 2018) et sur la fondation du consensus à propos de l’inefficacité de l’HCQ, les journalistes s’engagent dans une mission de fact-checking. Ainsi, Le Parisien s’interroge sur son rôle : « Beaucoup de théories du complot ont fleuri pendant la crise. Il y a aussi eu les polémiques autour du professeur Didier Raoult et l’hydroxychloroquine. On ne sait plus qui dit vrai. Que faire pour mieux informer les Français et éviter les fake news ? » (16.07.2020) tandis que La Provence explicite sa propre posture déontologique en interrogeant directement ses journalistes : « Le feuilleton autour de Didier Raoult a interrogé les pratiques des journalistes, notamment marseillais, puisqu’au premier rang de l’actualité chloroquine. Pourtant il a également renforcé certains réflexes. «On a été dans une démarche de fact-checking permanente. Personnellement, je n’ai jamais autant lu de revues scientifiques de ma carrière», s’amuse la journaliste de La Provence. » (11.04.2021). De son côté, Le Figaro publie une interview d’Alain Mazerolle dans laquelle il déclare : « Aujourd’hui, il est vrai qu’internet complique la tâche. Non seulement le net multiplie les "fake news", mais il utilise aussi les vraies infos des médias sans les rétribuer. C’est un vol manifeste qui met la presse en danger. » (25.09.2020)
Dans une prétention à dire le vrai, les journalistes renforcent ainsi la polarisation sociale : du côté des anti-Raoult, « les savants, qui s’inquiètent de l’influence des fake news sur le comportement des individus, sauraient distinguer le vrai du faux ou tout au moins faire preuve d’esprit critique » (Doutreix et Barbe, 2019, p. 52), du côté de pro-Raoult, « les ignorants en seraient peu pourvus, croiraient les informations mensongères et agiraient sous leur influence » (Ibid.). Cette posture est particulièrement visible chez La Provence et Libération qui valorisent le travail des médecins anti-Raoult (« Karine Lacombe, voix scientifique anti-fake news. L’une des voix scientifiques les plus puissantes et solides de cette crise face aux fake news et autres convictions irrationnelles », Libération, 24.12.2020) et dénoncent les mensonges et les erreurs des discours rassuristes et complotistes. Ainsi à propos du documentaire Hold-up, « le vrai est mélangé avec le faux » pour Libération (15.11.2020) tandis que La Provence espère que la croyance à propos de son contenu soit « désarmé[e] par les dizaines d’opérations de "debunkage" publiées ces jours-ci dans la presse et sur les réseaux » (La Provence, 15.11.2020). Cette posture est aussi présente chez Le Parisien qui pose « un "nous" face à un "ils" » (Amossy, 2014, p. 25) renvoyant les publics dans une posture de dévot peu enclin à voir les faits : « Et si les Français avaient envie d’un gourou ? […] ils veulent un sorcier » (16.12.2020).
Le contexte de « panique morale » suscitée par la crise sanitaire (Pierru, 2020, p. 126), comme « une condition, un incident, une personne ou un groupe de personnes [qui] sont brusquement définis comme une menace pour la société ses valeurs et ses intérêts ils sont décrits de façon stylisée et stéréotypée par les médias » (Cohen, 2002) devient ainsi une stratégie d’étiquetage délégitimante (Ward, Guille-Escuret et Alapetite, 2019) à l’endroit d’un Didier Raoult transformé en « épouvantail commun » (le folk devil de Cohen). Elle sert le discours médiatique dans la construction progressive d’une représentation polarisée et stéréotypée de la crise sanitaire : la Science légitime érigée en valeur contre l’anti-Science irrationnelle et disqualifiée.
Ainsi, les médias étudiés ne résolvent guère l’incertitude de la crise mais tendent plutôt à l’alimenter en la conflictualisant de manière manichéenne, reléguant et altérisant un certain nombre d’acteurs sociaux au statut d’ignorants peu pourvus d’esprit critique par opposition aux savants dotés quant à eux d’un savoir légitime et autorisés à sémantiser le récit de crise (Doutreix et Barbe, 2019), un dernier groupe dont ils font partie et qui les autorise à réaffirmer « le sérieux des journalistes et l’écart nécessaire entre leurs pratiques et celles que pourrait acquérir tout un chacun » (Ibid., p. 52). 
Eva-Marie Goepfert est maîtresse de conférences à l’Institut
de la Communication de l’Université Lyon 2.
Mathias Valex est maître de conférences à l’Institut de
la Communication de l’Université Lyon 2.
Notes
1Mais que nous clôturons, pour cet article, au 31 octobre 2021, date à laquelle a commencé le travail empirique.
2Cet article est la première publication d’un projet de recherche qui ambitionne de s’ouvrir à d’autres médias d’informations, notamment les médias alternatifs et en particulier ceux créés dans le contexte de la crise sanitaire, tels que ReinfoCovid.
3Transformé en fichier texte, il a été augmenté de 3 métadonnées (média, date et rubrique) et allégé de certains paratextes (auteur, nombre de mots, crédits photos).
4L’analyse AFC montre une sous-représentation des termes « droite » et « gauche » dans les deux titres de PQR et ce, en comparaison de Libération et Le Figaro.
5Par exemple, le mot « raoult » n’est que la 340e forme caractéristique de cette classe dans Le Figaro.
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DOI:10.31188/CaJsm.2(8-9).2022.R101